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Hugo dans la Préface de Cromwell: la liberté dans l'art

Publié le 19/12/2021

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« [Introduction] Le drame romantique s'inscrit dans la rupture que les jeunes écrivains romantiques veulent marquer avec l'esthétique du classicisme.

Dans cette mesure, on comprend que Musset s'insurge contre une tentative de définition réductrice d'un élan naissant : « Non [...], ce n'est ni le mépris des unités ni l'alliance du comique et du tragique, ni rien au monde que vous puissiez dire.

» Mais, lui, le poète, peut tenter de dire l'indicible en multipliant les images, les antithèses, en évoquant un nouvel univers poétique, celui de la nature et des sentiments notamment.

S'il est vrai que le drame romantique prône la liberté dans l'art, comme l'affirme Hugo dans la Préface de Cromwell, on ne peut ignorer comment il s'est constitué en genre à part entière à travers de nouvelles règles ; nous pourrons le voir dans la pièce de Hugo, Hernani, avant d'essayer de définir une poétique du drame romantique à la fois moins réductrice et plus précise que celle de Musset et son interlocuteur. [La liberté dans l'art] Le précepte de la liberté dans l'art, revendiqué par Victor Hugo, apparaît principalement sous trois aspects : le refus des contraintes imposées par l'héritage du classicisme d'une part, qui découle des prérogatives nouvelles mais absolues du réel et de l'art, d'autre part. La tragédie classique, au fil des années, s'est appauvrie sous le poids des conventions et ne correspond plus au goût du temps : Hernani rompt brutalement avec elle, la première représentation de la pièce fut préparée, et se déroula, comme une bataille.

La pièce en elle-même est un manifeste : la didascalie initiale attire l'attention par le nombre des personnages et surtout par la présence annoncée en scène de groupes importants de personnages, seconds rôles ou figurants : « conjurés de la ligue sacro-sainte, allemands et espagnols / montagnards, seigneurs, soldats, pages, peuple, etc.

» Cette liste impressionnante nous plonge d'emblée dans un autre univers que l'univers épuré de la tragédie.

En effet, ce ne sont plus ni la bienséance ni la vraisemblance qui guident l'artiste, mais avant tout le réel : « la réalité selon l'art » et non « la réalité selon la nature », comme les distingue bien Hugo lui-même dans sa Préface.

Les personnages ont autant de défauts que de qualités ; le héros Hernani aime Dona Sol à la folie, mais il ne peut se sacrifier à elle : au début de la pièce, il lui offre de partager sa vie de banni ; à la scène 4 de l'acte III, il l'accuse injustement d'avoir trahi leur amour et, quand il est rassuré sur ses sentiments, il laisse éclater un désespoir sans limites : « Doha Sol, prends le duc, prends l'enfer, prends le roi ! / Tout ce qui n'est pas moi vaut mieux que moi ! » Ses défauts, ses contradictions reflètent le réel avec la vérité et les déformations d'un « miroir de concentration » (Victor Hugo, Préface de Cromwell). Enfin, du refus de définition par des règles naît la prérogative accordée selon Musset à la poésie ; effectivement, la beauté du drame romantique tient au moins autant à son lyrisme, à sa force pathétique qu'à son action mouvementée : dans la scène 3 de l'acte V, les deux amants, enfin mariés et fêtés par la société, se livrent à un duo d'amour que certains ont comparé aux chants d'opéra les plus beaux ; Dona Sol évoque ainsi le « calme [...] trop profond de la nuit » : « Le bal I Mais un oiseau qui chanterait aux champs ! / Un rossignol perdu dans l'ombre et dans la mousse, / Ou quelque flûte au loin ! [...] Car la musique est douce [...] » Quant à Hernani, il s'exclame : « Ah ! qui n'oublierait tout à cette voix céleste ? / Ta parole est un chant où rien d'humain ne reste.

» Mais on pourrait multiplier indéfiniment les exemples, car le propos du drame est de suremployer le registre lyrique par rapport à la conversation dialoguée. [Le drame s'invente de nouvelles règles et de nouveaux lieux communs] Toutefois, on s'aperçoit que ce refus des anciennes règles et cette revendication de la liberté dans l'art n'évitent pas à ce nouvel art dramatique de se fonder en genre, en créant de nouvelles règles.

Le mépris des unités, tout d'abord, devient une loi du genre ; dans Hernani, les lieux sont multiples : ainsi, alors que l'acte I se déroule dans là chambre de Dona Sol et l'acte II sous son balcon, l'acte III transpose l'action principale dans les montagnes d'Aragon et le château de Don Ruy ; de même, l'action de la pièce s'étend sur six mois environ ; enfin, si Victor Hugo respecte bien l'unité d'intérêt, l'intrigue multiplie les actions secondaires : les ambitions impériales de Don Carlos ou le complot des grands. »

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