HOMMAGE FILIAL
Publié le 15/05/2020
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«
HOMMAGE FILIAL
Repose doucement, père, puisque tu es allé dormir ton dernier sommeil.
Tu ne dois rien à ton enfant.
Tu lui as tout donné et bien plusque des parchemins : la fierté d'être ton fils, et la plus belle fortune, celle des souvenirs.
Si, par-dessus mon épaule, tu regardes courirma plume sur le papier, tu sais bien comment je vais finir mon livre et que bientôt, je le porterai là-bas, à la mère qui l'attend, assisesur sa chaise, près de la fenêtre...Elle le regardera longtemps, ce livre, sans oser l'ouvrir, parce que ses vieux yeux n'ont plus beaucoup de larmes.
Elle en a tant verséaux fontaines de la douleur ! Ce livre, c'est pour elle que je l'ai fait.
En le prenant dans ses mains que le travail a tant usées, elle dira :« Pourquoi remuer ces choses, mon petit ? Le temps passé ne peut pas revenir dans les livres, et il ne faut pas toucher aux chagrinsqui dorment.
»Elle dira : « Mon petit », car elle ne voit pas mes tempes grises.
Ne lui suffit-il pas de fermer les yeux pour me retrouver, haut commeun pain de trois livres jouant sur le carreau en damier de la boulangerie ?
Henri BÉRAUD.
QUESTIONS
1° Essayez de dégager les sentiments éprouvés par l'auteur.2° a) Elle dira : Mon petit.
Pourquoi ?b) Sens des expressions : la plus belle fortune; celle des souvenirs; les chagrins qui dorment.3° Nature et fonction des propositions dans la phrase : « Si, par-dessus mon épaule...
fenêtre.
»
RÉPONSES
1° Dans ce morceau, l'auteur rend hommage à ses parents.
Envers son père, il montre une véritable vénération.
Son père lui a toutdonné et, ainsi, ne lui doit rien (ce qui signifie que le père a fait tout ce qu'il pouvait pour que l'éducation de son enfant fût aussiparfaite que possible).
Il ne s'est pas contenté de le faire instruire.
afin de lui permettre d'obtenir des parchemins — autrement dit desdiplômes — dont la possession le mettrait mieux à même de prétendre à une situation enviable.
Il a fait beaucoup plus et beaucoupmieux.
Pat sa conduite exemplaire, par ses vertus, il a fait que son fils est fier d'être de sa race, et que ce fils conserve de lui demagnifiques et impérissables souvenirs qui sont sa plus belle fortune.L'auteur pousse la piété filiale jusqu'à supposer — en l'espérant secrètement, mais de toute son âme —que son père, penché par-dessus son épaule, le regarde tracer sur le papier les lignes du livre qu'il écrit, qu'il sait comment ce livre se terminera — c'est-à-diredans la vénération de ses parents — et qu'il sait aussi que, l'ouvrage achevé, le fils le portera à sa mère qui l'attend.
Cette phrase sertde transition à l'écrivain pour parler maintenant de sa mère.C'est pour elle qu'il a écrit ce livre, pour elle qui, pendant longtemps, le regardera sans oser l'ouvrir, parce que ses vieux yeux n'ontplus beaucoup de larmes tellement ils en ont versé ; pour elle qui, de ses mains usées par le travail, finira sans doute par le prendrepour le lire pieusement, car, bien qu'elle sente l'inutilité de telles évocations, elle aime revivre par la pensée ces choses du passé,même lorsque le souvenir en est douloureux.
2° a) Pour la mère, les années ont pu succéder aux années, son fils a beau être devenu un homme aux cheveux grisonnants, par lapensée elle le revoit toujours comme un jeune enfant ayant besoin de sa protection et de sa tendresse.
C'est pourquoi elle continue àl'appeler mon petit.
Notons au surplus que cette très affectueuse expression montre, chez elle, la permanence de l'amour maternel.b) La plus belle fortune, celle des souvenirs : de tout ce que le père a laissé à son fils, ce qui, aux yeux de ce dernier, est le plus beauet le plus précieux, ce sonte les merveilleux et inoubliables souvenirs que le fils a conservés de lui.
L'auteur en sent d'autant plus le prix que lui-même estparvenu à l'âge-où le souvenir occupe une place de plus en plus importante dans les pensées.Les chagrins qui dorment : les chagrins dont on conserve le souvenir, auxquels peut-être on songe souvent, mais dont on ne parle pas,parce qu'il sertit vain et même dangereux de les remuer; car ainsi, non seulement on ne pourrait les atténuer, mais on risquerait aucontraire de les raviver.
Trop intenses pour mourir par l'oubli, ils dorment dans la mémoire.
3° Si, par-dessus mon épaule, tu regardes : proposition subordonnée conjonctive, complément circonstanciel de supposition de sais,verbe de la proposition principale.Courir ma plume sur le papier : proposition infinitive (le nom plume étant le sujet de l'infinitif), complément d'objet direct du verberegardes.Tu sais bien : proposition principale.Comment je vais finir mon livre : proposition subordonnée interrogative, introduite par l'adverbe interrogatif comment, complémentd'objet direct du verbe sais.Et que je le .porterai là-bas, à la mère : proposition subordonnée conjonctive, coordonnée par et à la subordonnée interrogative,complément d'objet direct du verbe sais."Qui l'attend, assise sur sa chaise, près de la fenêtre : proposition subordonnée relative, complément de l'antécédent mère du pronomrelatif qui..
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