Histoire de France au Moyen ÂgeJules MicheletJeanne d'Arc (IX, chap.
Publié le 23/05/2020
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Histoire de France au Moyen Âge
Jules Michelet
Jeanne d'Arc (IX, chap.
IV)
Il y a eu des martyrs ; l'histoire en cite d'innombrables, plus ou moins purs, plus ou
moins glorieux.
L'orgueil a eu les siens, et la haine et l'esprit de dispute.
Aucun
siècle n'a manqué de martyrs batailleurs, qui sans doute mouraient de bonne grâce
quand ils n'avaient pu tuer...
Ces fanatiques n'ont rien à voir ici.
La sainte fille n'est
point des leurs, elle eut un signe à part : bonté, charité, douceur d'âme.
Elle eut la douceur des anciens martyrs, mais avec une différence.
Les premiers
chrétiens ne restaient doux et purs qu'en fuyant l'action, en s'épargnant la lutte et
l'épreuve du monde.
Celle-ci fut douce dans la plus âpre lutte, bonne parmi les
mauvais, pacifique dans la guerre même ; la guerre, ce triomphe du Diable, elle y
porta l'esprit de Dieu.
Elle prit les armes quand elle sut “ la pitié qu'il y avait au royaume de France ”.
Elle
ne pouvait voir “ couler le sang français ”.
Cette tendresse de c œur, elle l'eut pour
tous les hommes ; elle pleurait après les victoires et soignait les Anglais blessés.
Pureté, douceur, bonté héroïque, que cette suprême beauté de l'âme se soit
rencontrée en une fille de France, cela peut surprendre les étrangers qui n'aiment à
juger notre nation que par la légèreté de ses m œurs.
Disons-leur (et sans partialité
aujourd'hui que tout cela est si loin de nous) que sous cette légèreté, parmi ses folies
et ses vices mêmes, la vieille France n'en fut pas moins le peuple de l'amour et de la
grâce.
Le sauveur de la France devait être une femme.
La France était une femme
elle-même.
Elle en avait la mobilité, mais aussi l'aimable douceur, la pitié facile et
charmante, l'excellence au moins du premier mouvement.
Lors même qu'elle se
complaisait aux vaines élégances et aux raffinements extérieurs, elle restait au fond
plus près de la nature.
Le Français, même vicieux, gardait plus qu'aucun autre le
bon sens et le bon c œur...
Puisse la nouvelle France ne pas oublier le mot de l'ancienne : “ Il n'y a que les
grands c œurs qui sachent combien il y a de gloire à être bon ! ” L'être et rester tel,
entre les injustices des hommes et les sévérités de la Providence, ce n'est pas
seulement le don d'une heureuse nature, c'est de la force et de l'héroïsme...
Garder la
douceur et la bienveillance, parmi tant d'aigres disputes, traverser l'expérience sans
lui permettre de toucher à ce trésor intérieur, cela est divin.
Ceux qui persistent et
vont ainsi jusqu'au bout sont les vrais élus.
Et quand même ils auraient quelquefois
heurté dans le sentier difficile du monde, parmi leurs chutes, leurs faiblesses et leurs
enfances, ils n'en resteront pas moins les enfants de Dieu!.
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