Herman Melville Issu d'une famille de colons écossais et hollandais, Melville passa sonenfance à New York, puis partit à Albany après la mort de son père (1832),s'installer chez un frère qui tenait un magasin de fourrures.
Publié le 23/05/2020
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MELVILLE Herman. Romancier nord-américain. Né le 1er août 1819 à New York, où il mourut le 28 septembre 1891. Ses aïeux, du côté paternel, étaient des marchands anglais et, par sa mère, des patriciens hollandais. Les psychologues ont attribué à la mort prématurée de son père (hâtée par des revers financiers) et à l’impérieuse tendresse que sa mère prodigua à l'orphelin, les conflits jamais apaisés — intellectuels, émotifs, sexuels — qui marquèrent si profondément sa vie et son œuvre. Sur ce que furent les expériences de ses premières années, seule nous renseigne la symbolique transposition qu’il en a faite dans Pierre ou les ambiguïtés (1852). Sans aucun doute, ces expériences étaient, avant la lettre, de celles que l’on qualifie aujourd’hui de « freudiennes ». Pour Melville, en effet, la création consiste en grande partie à tenter, dans son œuvre, la symbolique métamorphose de ce qu’il a ressenti et à exprimer l’inexprimable. Les innombrables moyens d’expression auxquels il recourt — qu’ils soient empruntés à la théologie, à la philosophie, à la tragédie élisabéthaine ou au roman grotesque — répondirent rarement à son espoir, et leur trompeuse impropriété (qui n’était pas due seulement à son manque d'instruction) fut pour beaucoup dans le désespoir croissant de l’écrivain. Ce désespoir, toutefois, ne sera pas la note dominante de sa jeunesse, que caractériseraient plutôt une inquiétude vague, un « éternel, un ardent désir des choses lointaines ». Ce goût de l’aventure se révéla tout d’abord quand, à dix-neuf ans, il fit, en qualité de matelot, la traversée de l’Océan jusqu’à Liverpool, qui devait inspirer son roman Redburn ou sa première croisière; ensuite lorsque, à vingt-trois ans, après s’être essayé dans les fonctions d’instituteur de campagne, il s’enrôla dans l’équipage de la baleinière « Acushnet ». En plein Pacifique, Melville, avec un autre marin, abandonna le navire pour pénétrer à l’intérieur d’une des îles Marquises où il resta quelque temps « parmi les cannibales ». Recueilli par un navire australien, il mata une petite mutinerie, débarqua de nouveau à Tahiti, vécut une fois encore parmi les indigènes, se rendit à Honolulu, fut enrôlé dans l’équipage d’une frégate de la marine américaine et, après un voyage de Quatorze mois au Cap Horn, débarqua à Boston en 1844. De ces voyages, que son imagination devait absorber et peu à peu sublimer, comme s’ils se fussent déroulés dans des régions inconnues, non pas de la terre mais de l’esprit, est sortie la matière essentielle de ses œuvres durant les dix-sept années qui suivirent. Typee et Omoo, en effet, ne sont guère plus que des récits romancés de ses aventures aux îles du Pacifique. Ces récits, toutefois, témoignent d’un goût passionné des espaces infinis, des horizons lointains et du « naturel » dans toute sa splendeur sauvage, qui fait songer — avec plus de flamme encore — à Fenimore Cooper. Débordant le domaine de la légende, ils ont une ampleur métaphysique. On y perçoit, en outre, l’inquiet pressentiment que le secret de l’univers réside peut-être au-delà, ou en dehors des apparences et des normes traditionnellement admises par la civilisation occidentale. Ces deux livres eurent un succès immédiat, et Melville, désormais réputé pour ses récits d’aventures dans les mers du Sud, épousa en 1847 la fille d’un juge éminent, s'établit à New York, et fut accueilli dans un cercle de dilettantes et de bons vivants. Trois années s’écoulèrent avant qu’il se rendît compte avec tristesse que la vie littéraire telle qu’ils la concevaient n’avait rien de commun avec son idéal. Entre-temps, son imagination, explosant comme une grenade, avait répandu a profusion dans Mardi (1849), sous les apparences d’un nouveau récit d’aventures dans les mers du Sud, maints éléments divers : allégorie, symbolisme, poésie, satire politique, dilettantisme métaphysique, ainsi que le contenu, imparfaitement assimilé, des centaines de livres qu’il avait lus en mer. L’ouvrage, naturellement, échoua, encore qu’il contînt le germe de ce que serait l’œuvre future. Dans Redburn, paru la même année, Melville se retrouva sur le solide terrain de la narration directement autobiographique. La Blouse blanche (1850), récit détaillé de ses stages dans la marine américaine, réquisitoire passionné contre les traitements inhumains des matelots, fut le dernier de ses livres qui intéressa le public. Réfugié en cette même année 1850 dans la solitude de sa ferme de Pittsfield (Massachusetts), il s’y enfonça dans les profondeurs de l’imagination. C’est de ces profondeurs que, l’année suivante, émergea Moby Dick. Cette relation d’un voyage aux régions inexplorées de l’esprit était destinée à devenir, au XXe siècle, une des passionnantes énigmes de la littérature mondiale. Une telle œuvre, cependant, ne pouvait manquer d’être tout d’abord incomprise. Melville, en effet, s’aventurait ainsi dans un champ qui, même en Europe, restait encore à défricher. Ce conte apocalyptique d’Achab et de la grande baleine blanche Moby Dick ne symbolise rien de moins que le bouleversement de l’esprit occidental dont l’auteur tente d’enfreindre les lois, dénonce les conflits, les dramatiques contradictions dans le domaine moral et sentimental, rêvant d’abolir en lui-même les limites d’une identité qu’il juge intolérable, de se libérer des ténèbres et de l’agonie de la « condition humaine » en Occident. C’est seulement après les convulsions de la Première Guerre mondiale que Melville fut enfin « découvert ». Moby Dick trouva alors des lecteurs capables d’en deviner le sens profond, chacun d’ailleurs donnant du livre une interprétation différente. Melville connut ensuite des années de pauvreté, d’humiliations, de maladies, de déboires conjugaux, de désespoir. Quelque temps encore, il continua d’écrire, donnant à des revues les nouvelles réunies dans Contes , la fable de Bartleby l'écrivain et Benito Cereno, incarnation d’un grand refus spirituel, Les Iles enchantées, où s’exprime une désolation absolue. En 1854, parut Israël Potter, aventure picaresque écrite pour gagner de l’argent et qui passa inaperçue. De 1856 date La Table de pommier. Au plus profond du désespoir, il publia en 1857 les pages amères intitulées Le Grand Escroc, œuvre qui, aujourd’hui encore, décourage l’analyse. Pour le prosateur, ce fut le chant du cygne. Après avoir retouché son livre, il s’embarqua pour un voyage relaté dans le Journal par-delà les détroits [Journal up the Straits, October 11, 1856-May 5, 1857], paru seulement en 1935. Trois ans plus tard, en compagnie de son frère, capitaine au long cours, il fit un nouveau voyage autour du Cap Horn. Pour Melville, en effet, il y avait toujours un voyage à accomplir, mais le cap qu’il doublait n’était jamais celui de ses rêves. Ce furent ensuite trente-quatre ans de silence littéraire, deux fois seulement interrompu. En 1866, parut un volume de vers, Poésies de bataille [Battle-Pieces and Aspects of the War, 1866], méditations sur la guerre civile dont on méconnut longtemps l’âpre force poétique cachée sous une prosodie rugueuse. La même année, il accepta, dans les douanes de New York, un emploi qui lui fournit presque jusqu’à la fin un modeste revenu. Clarel (1876), long récit philosophique en vers, contient un compte rendu d’un voyage en Terre Sainte et des allusions confuses à un effort du poète pour se réconcilier avec l’univers; sa signification réelle demeure obscure. Puis le silence, de nouveau, l’environna. Peu de mois avant de mourir, Melville compléta le manuscrit de Billy Budd, gabier de Misaine, qui ne fut publié qu’en 1924.
♦ « Melville écrit toujours comme dans une espèce de songe subjectif, de sorte que les événements qu’il nous conte sont en relation étroite avec son âme et sa vie profonde. » D. H. Lawrence. ♦ « Melville a l’imagination et le sens de la couleur d’un poète, sans perdre pour autant le contact avec le réel. » R. Michaud.
« Herman Melville. »
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