Heraclius
Publié le 16/05/2020
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Heracliusvers 575-641
Le règne d'Héraclius ouvre d'habitude la seconde partie des manuels d'histoire byzantine.
Il marquerait, de 610 à 641, le terme de lapériode transitoire où le passé de Rome serait encore reconnaissable dans les institutions et la politique de Byzance, et le début duMoyen-Âge byzantin.
En fait, ces trente années s'inscrivent dans une longue période au cours de laquelle des forces ethniquesirrésistibles viennent remanier la carte du monde byzantin et provoquent, de façon lente, cachée, mais certaine, le renouvellement deses structures culturelles et sociales.
Né vers 575, Héraclius est fils d'Héraclius l'Ancien, l'exarque de Carthage, c'est-à-dire legouverneur civil et militaire à la fois de ce territoire avancé.
Avec l'appui de son père, il arrache le trône en 610 au tyran Phocas,officier de l'armée danubienne qui a renversé Maurice en 602, et s'est fait exécrer.
En 614, il épouse en secondes noces sa nièceMartine, malgré la réprobation du patriarche de Constantinople, et l'émoi de l'opinion.
L'histoire de son règne est celle de son effortpour restaurer l'Empire.
Il peut croire un instant qu'il a réussi.
Ses dernières années lui montrent qu'il n'en est rien.
Il meurt en 641,laissant une succession épineuse : le trône revient à deux de ses fils, Constantin du premier lit, Héraclonas du second, et son épouseest associée au pouvoir.
Ses ennemis ne sont pas de nouveaux venus.
Ils n'ont cessé depuis un demi-siècle de menacer l'Empire, dont le centre vital est biendésormais sur le Bosphore, malgré Ravenne.
Que les Wisigoths se rendent maîtres de l'Espagne entre 615 et 631, que l'exarque deRavenne se révolte et marche sur Rome en 619, que Dagobert Ier resserre les liens avec Byzance, cela n'est pas décisif.
Ce quicompte, ce sont les Perses en Orient, les Avars et les Sclavènes dans les Balkans, et bientôt les Arabes unis par l'Islam.
L'énormeEmpire perse, puissance équivalente à Byzance, lui a disputé tout au long du VIe siècle, des confins importants, l'Arménie, laMésopotamie, les espaces de parcours des nomades arabes.
Dans les Balkans, où la barrière danubienne ne tient plus, c'est uneconfluence de peuples : les masses slaves, inorganisées mais inépuisables, affamées de terres ; les cavaliers asiatiques, dontl'efficacité guerrière repose sur l'obéissance à un chef souverain, et qui réussissent à encadrer les Slaves et à les entraîner avec eux.Les Avars et les Sclavènes déferlent déjà depuis la fin du règne de Justinien, les premiers contenus par une suite de campagnes et depaix chèrement achetées, les seconds s'installant en Grèce.
En outre, une série d'années mauvaises, sécheresses, disettes, épidémies,désordres, marque la fin du VIe et le début du VIIe siècle, dans un Empire qui ne s'est jamais relevé de la grande peste de 542, nimême de l'effort de guerre justinien, et que les coups de boutoir répétés en Thrace fatiguent de surcroît dans ses œuvres vives.
Lemouvement s'est précipité peu avant l'avènement d'Héraclius, qui demeure d'abord impuissant à l'enrayer.
Une offensive perse a suivi la disparition de Maurice.
Deux armées opèrent une progression triomphale à travers l'Anatolie et la Syrie.Damas en 613, Jérusalem en 614, Alexandrie en 618, tombent aux mains d'un conquérant qui récolte peut-être le bénéfice des vieillesrésistances orientales à l'autorité byzantine.
L'Empire en Orient n'est pas seulement vaincu, il se défait.
Au cours des mêmes années,les Sclavènes submergent les Balkans.
Salone est prise en 614.
Seule, Thessalonique résiste au siège qu'elle subit à une dateinconnue, entre 610 et 626.
Les Sclavènes construisent des bateaux.
Constantinople est menacée par les Perses en 615, par les Avarsen 617.
La riposte d'Héraclius commence en 619, après le traité qui le libère un temps des Avars, au prix d'un lourd tribut en or, payéavec les trésors de l'Église, et lui permet de consacrer aux Perses toutes ses forces.
Il pénètre en Arménie en 622, et dès lors, ilrefoule les Perses par une série de victoires bientôt remportées en territoire ennemi.
La situation balkanique va également bouger.
Lalongue absence de l'empereur a paru en effet propice à une attaque concertée contre la capitale.
En juin 626, les Perses et les Avars,avec leurs bandes slaves et bulgares, se retrouvent pour l'assiéger.
Constantinople résiste sous la conduite du patriarche Serge.
Cettedéfaite commence le déclin des Avars.
Mais les rapports de force ethniques ne changent pas pour autant, Sclavènes et Bulgarescontinueront à s'installer en deçà du Danube.
En Perse, la victoire décisive est de décembre 627.
Chosroès II est assassiné auprintemps suivant, son fils traite aussitôt, et restitue les territoires enlevés à Byzance, de la Mésopotamie à l'Égypte.
Désorganisée parla défaite, livrée aux féodaux, la Perse survivra jusqu'au coup de grâce arabe.
Héraclius n'a pas fait là non plus œuvre définitive.
Àpartir de 634, il assiste aux débuts foudroyants de l'expansion arabe, aux dépens du vieil adversaire perse comme des provincesnaguère recouvrées par lui.
Le coup d'essai des Perses se répète sur les mêmes itinéraires, avec les mêmes concours.
QuandHéraclius meurt, la Syrie et la Palestine sont aux mains de l'Islam, l'Égypte et l'Arménie sur le point d'y tomber.
Ainsi les victoires d'Héraclius n'ont-elles pas eu de lendemain durable.
D'anciens agresseurs, les Perses et les Avars, ont sombré dansl'entreprise, mais d'autres plus vigoureux, les Arabes et les Bulgares, prennent leur place.
Ce rude effort explique pourtant ce que l'onaperçoit de sa politique.
Sur le plan religieux, il se préoccupe encore de ramener l'union dans un Empire où les clivages doctrinauxcoïncident avec de dangereuses résistances nationales.
Le patriarche Serge élabore dès 616 une formule de conciliation qui rallie peu àpeu les chrétiens monophysites de Syrie, d'Égypte, d'Arménie, et dont le pape lui-même admet la nécessité.
Mais l'intransigeancechalcédonienne du nouveau patriarche de Jérusalem, élu en 634, ravive les oppositions.
Un autre édit impérial, en 638, provoque lacondamnation de Rome sans pour autant satisfaire les Orientaux.
À cette date, du reste, il est trop tard.
De façon plus neuve, etmédiévale en effet, le souverain et son peuple unissent dans une conscience presque nationale déjà l'hellénisme et la foi chrétienne :l'activité politique du patriarche de la capitale, le rôle attribué à l'image miraculeuse de la Vierge dans la défense de celle-ci, lesmesures contre les juifs, dont la présence à Jérusalem est interdite, et la conversion décrétée, en sont autant de signes.
Ailleurs,l'effort de guerre a obligé Héraclius à des innovations qui sont parfois des abandons.
En 613, il met en circulation une monnaie d'argentlourde et réduit de moitié les traitements des fonctionnaires.
En 629, il supprime les distributions de pain, privilège séculaire deshabitants de la capitale.
En revanche, la plupart des historiens ne pensent plus qu'il soit possible de lui attribuer deux institutionsessentielles pour la suite de l'histoire byzantine, la division de l'Empire en “ thèmes ”, grandes circonscriptions civiles et militaires oùl'administration et la défense se décentralisent, et d'autre part le système des terres militaires, ces lots qui entraînent le service armé,et en sont le paiement.
Héraclius a lutté héroïquement contre le présent et l'avenir, il ne les a, semble-t-il, pas construits..
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