Henry Miller, Lire ou ne pas lire.
Publié le 02/07/2020
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« ... A quoi servent les livres s'ils ne nous ramènent pas vers la vie, s'ils ne parviennent pas à nous y faire boire avec plus d'avidité? La quête d'un livre, comme certains d'entre nous le savent, est souvent plus enrichissante que sa lecture. Ce que je voudrais dire brièvement, c'est qu'un livre, comme tout autre objet, sert souvent de prétexte à ce que nous cherchons en réalité. Certes, les ouvrages que nos mentors nous recommandent peuvent, s'ils se trouvent nous atteindre au bon moment, produire le résultat désiré, mais comment prévoir de si heureuses coïncidences? D'autre part, si ces livres - je parle ici des trésors de la littérature et non de ses sous-produits - viennent à tomber entre nos mains avant que nous soyons prêts à les accueillir, ou au contraire quand nous sommes blasés, surmenés, ou encore s'ils nous prennent à rebrousse-poil, le résultat peut être désastreux. Si on adopte « la route ouverte» comme méthode de voyage à travers la vie, il est certain qu'il faut l'appliquer aussi à la lecture. Que celle-ci soit une aventure! Un événement! C'est bien assez de pousser chaque jour tant de boutons au point de rendre ce monde de plus en plus invivable! Notre espoir à tous, en prenant un livre, est de rencontrer un homme selon notre cur, de vivre des tragédies et des joies que nous n'avons pas le courage de provoquer nous-mêmes, de rêver des rêves qui rendent la vie plus passionnante, peut-être aussi de découvrir une philosophie'de l'existence qui nous rende plus capables d'affronter les problèmes et les épreuves qui nous assaillent. Nous contenter d'accroître la masse de nos connaissances ou de perfectionner notre culture, quoi que cela puisse signifier, ne me paraît pas en valoir la peine. ( ... ) Mais le gain essentiel qu'on peut tirer de la lecture est peut-être le désir de communiquer vraiment avec les autres hommes. Lire comme il faut, c'est s'éveiller et vivre, acquérir un renouveau d'intérêt pour ses voisins, en particulier ceux qui diffèrent le plus de nous dans tous les domaines. Il n'y a jamais eu une telle pléthore de livres, ni plus profonds abîmes d'indifférence au sort de nos frères humains, ni si peu d'aptitude à penser et à agir de manière personnelle. Je dois dire qu'en général j'ai trouvé des hommes meilleurs, à tous les sens du mot, parmi les ignorants que chez les gens cultivés de ce monde. Chaque jour les crimes les plus monstrueux contre l'humanité sont commis par des êtres qui ont joui de tous les avantages de l'instruction. On rend certes les gens plus lettrés, plus sensibles aux livres mais on n'en a pas fait pour autant de meilleurs citoyens. Un livre ne vaut pas mieux, et le plus souvent bien moins, qu'un rocher, un arbre, une bête sauvage, une traînée de nuages, une vague ou une ombre sur la mer. Nous qui écrivons des livres sommes redevables non à des livres mais aux choses qui incitent les hommes à en écrire : à la terre, à l'air, au feu et à l'eau. S'il n'existait pas une source commune à laquelle remontent auteurs et lecteurs, il n'y aurait pas de livres. Un monde sans livres serait-il une telle calamité? Ne pourrions-nous pas encore nous communiquer nos joies et nos découvertes par la parole ? Et si on en revenait au simple usage de la parole, il -n'y aurait plus besoin de détruire des forêts entières, de gâcher des paysages, de vicier l'air ou d'abrutir les esprits et les corps de ceux qui peinent pour nous fournir sous forme de livres une pâture mentale et spirituelle. Henry Miller, Lire ou ne pas lire. Vous ferez de ce texte soit un résumé, soit une analyse. Vous indiquerez en tête de l'exercice le mot résumé ou le mot analyse. Vous choisirez ensuite dans le texte un problème qui offre une réelle consistance et auquel vous-attachez un intérêt particulier. Vous en formulerez l'énoncé et vous exposerez, en les justifiant, vos propres vues sur la question. ...»
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