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Henri Frédéric Amiel1821-1880Un homme dont la vie s'écoula sans aventure

Publié le 22/05/2020

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« Henri Frédéric Amiel 1821-1880 Un homme dont la vie s'écoula sans aventure et sans gloire, que ses concitoyens considéraient comme un original assez ordinaire et que les gamins du quartier appelaient “ la mouche à miel ” ; un professeur monotone qui écrivit nombre de poèmes, de chants et d'articles modérément loués par ses proches et ses collègues, mais fort ignorés du grand public ; un célibataire qu'entourèrent des affections féminines platoniques un peu ternes, et qui, à trente-neuf ans, connut une première et seule aventure amoureuse terminée au bout de trois semaines... Un homme qui, depuis sa vingt-cinquième année, écrivait un Journal où il notait ses réflexions sur la vie et la condition humaine, ainsi que les moindres faits de son existence, ses misères physiques, les pirouettes de son chat, ses déceptions, les malaises que lui causait un laxatif, le plaisir qu'il avait pris à faire des bulles de savon, les conflits locaux auxquels il se trouvait mêlé, mille de ces choses banales qui ne laissent nulle trace dans le souvenir des autres individus. Et cet homme, dont on a oublié les poésies, les études, les leçons, connaît depuis soixante-dix ans, dans les deux mondes, un renom qui ne cesse de grandir, grâce à ce Journal intime.

Pourquoi ? Parce qu'il a osé s'y avouer tout entier ; parce que, selon le mot d'une de ses admiratrices (qui d'ailleurs le lui reproche), il s'y écoutait vivre. Amiel était né à Genève, le 27 septembre 1821.

Orphelin très tôt de père et de mère, élevé par un oncle, il visita l'Italie, la France, la Belgique et l'Allemagne, suivit les cours des universités de Berlin et Heidelberg, enseigna l'esthétique et la littérature à l'Académie de Genève, dès 1849, puis la philosophie un peu plus tard.

Ses élèves le trouvaient ennuyeux. On accusait sa méthode professorale d'être trouble et “ vaseuse ”.

Il lui vouait pourtant les plus grands soins et, pendant trente-deux ans, poursuivit un enseignement où le sentiment du devoir accompli l'emportait de beaucoup sur la joie de l'accomplir.

Puis il mourut en 1880, d'une maladie de c œ ur. C'est alors qu'il commença d'exister dans la pensée d'autrui. Le premier Journal d'Amiel, publié par Fanny Mercier (1882), modeste institutrice genevoise, était une réduction très brève des seize mille neuf cents pages de l'original.

Mue par sa touchante affection et son puritanisme, la compilatrice les avait expurgées de tous les passages qui auraient abaissé l'image de son héros.

Personne ne croyait à un succès possible.

Lorsque, au printemps de 1880, Bernard Bouvier, alors jeune étudiant, alla porter à Edmond Schérer la grande enveloppe jaune où Fanny Mercier avait réuni les feuillets qu'elle destinait à l'impression, celui-ci lui dit : “ Reprenez ces papiers, jeune homme.

J'ai connu Amiel, et j'ai lu ses ouvrages.

Rien ne lui a réussi.

Laissons dormir sa mémoire.

” Par gain de paix, Schérer, pourtant, consentit à garder l'enveloppe, puis, disposant d'une soirée, il se mit à lire.

Et le lendemain il écrivait en hâte à Fanny Mercier : “ Envoyez-moi tout ce que vous pouvez du Journal.

”. »

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