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HELLÉNISME ET CHRISTIANISME

Publié le 18/06/2020

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« C'est ce qui apparaît clairement dans la biographie romanesque d'Apollonius de Tyane composée au début du IIIe siècle par le Grec Philostrate; cet Apollonius est un thaumaturge néopythagoricien que l'on essaya de dresser comme le rival païen de Jésus ; à cet effet, Philostrate rapporte de lui des traits qui ont toutes les chances d'être imités des Evangiles; par exemple, le récit de la résurrection qu'Apollonius opère d'une jeune noble romaine reproduit point par point celui du miracle dont fut gratifié le fils de la veuve de Naïn selon Luc, vii, 11-17 ; et encore la façon dont le thaumaturge, miraculeusement soustrait à son interrogatoire devant l'empereur Domitien, se montre de nouveau à ses disciples incrédules et leur fait toucher son corps, a toutes les apparences d'un pastiche des événements qui suivirent la résurrection de Jésus. Vers la même époque, on voit des païens cultivés s'ouvrir aux Écritures juives et chrétiennes ; le philosophe platonicien Numénius en incorpore des éléments à son système; il est l'auteur de la célèbre formule selon laquelle Platon ne serait autre qu' « un Moïse parlant attique »; il cite la Genèse et les prophéties de l'Ancien Testament, il utilise des documents sur Jésus dont il donne une interprétation allégorique. Eusèbe et Théodoret ont conservé un fragment d'Amé-lius, néoplatonicien de la fin du IIIe siècle et disciple de Plotin à Rome; on y voit que ce philosophe avait accueilli une doctrine du Logos comme Verbe subsistant de Dieu, pour laquelle il évoque Héraclite en même temps qu'il avoue sa dépendance relativement au prologue du IVe Évangile, dont il qualifie l'auteur de « Barbare » (c'est-à-dire de non-Grec). Mais c'est à Alexandrie, siège d'une école de théologie chrétienne particulièrement ouverte à l'hellénisme, que les philosophes païens se montrèrent, de leur côté, le plus accueillants pour la façon de vivre et de penser des chrétiens ; on voit là le païen Alexandre de Lycopolis composer un traité de polémique antimanichéenne dans lequel il se montre sensible au souci qu'ont les chrétiens de la pédagogie populaire; c'est là aussi que fut formé le philosophe Synésius de Cyrène, qui abandonna le néoplatonisme pour se convertir au christianisme et devenir bientôt évêque, sans pour autant renoncer tout à fait à ses idées premières, qui le placent un peu en marge de l'orthodoxie. Alors que le néoplatonisme athénien, avec Jamblique et Proclus, demeure solidaire du polythéisme populaire et, de ce fait, fermé à l'influence chrétienne, les néoplatoniciens alexandrins se montrent moins dépendants de la religion traditionnelle, et, partant, plus disponibles; le meilleur exemple de cette ouverture est fourni au Ve siècle par le philosophe Hiéroclès, commentateur des Vers d'or pseudopythagoriciens et auteur d'un traité Sur la providence et le destin; compte tenu de son appartenance à l'école néoplatonicienne, la métaphysique de cet Alexandrin est surprenante : il ne reconnaît pas de Dieu supérieur au créateur du monde; rejetant la conception d'une matière première indépendante de Dieu qui se serait borné à la mettre en ordre, il professe la création ex nihilo. Cette dernière théorie surtout est singulière ; car, si elle coïncide parfaitement avec celle des Pères de l'Église, elle représente, dans la tradition judéo-chrétienne, une conquête; l'un des livres de l'Ancien Testament, très influencé, il est vrai, par l'hellénisme, la Sagesse de Salomon (xi, 17), tenait encore que « la main toute-puissante de Dieu a créé le monde à partir d'une matière informe »; en sorte que le païen Hiéroclès apparaît de quelque façon plus accordé sur ce point au christianisme que ne l'était un texte de la Bible canonique ! L'explication la plus raisonnable est qu'il soit arrivé à cette doctrine par ses contacts avec les théologiens chrétiens d'Alexandrie, chrétiens et païens en étant venus à faire cause commune pour mieux s'opposer aux progrès inquiétants du manichéisme, lequel affirmait justement le caractère incréé de la matière. Tels sont quelques exemples incontestables d'une influence chrétienne s'exerçant sur des philosophes païens; ils ont été très judicieusement rassemblés par Wifstrand; on en trouverait certainement bien d'autres encore. Us montrent à l'évidence que la représentation que l'on se fait habituellement des rapports entre l'hellénisme et le christianisme, qui est celle d'une dépendance à sens unique de celui-ci relativement à celui-là, n'est pas entièrement fondée, et doit tenir compte, dans une moindre proportion d'ailleurs; d'une dépendance de sens contraire. On ne prendra donc pas pour argent comptant les exagérations de l'histoire comparée. Il n'en reste pas moins, dans la philosophie de l'Antiquité classique et dans le christianisme, un grand nombre d'expressions dont l'analogie est frappante, sans qu'on puisse l'expliquer par des emprunts du paganisme aux Ecritures et à la théologie des chrétiens ; on en verra plus loin un certain nombre d'exemples caractéristiques; il est plus sage d'essayer de les comprendre correctement que de feindre de ne pas les apercevoir. Avant de faire le point sur la véritable portée des influences païennes, il faut signaler qu'une autre école d'historiens lève toute difficulté sur ce point au prix d'un présupposé d'ordre religieux : ils partent du principe que la philosophie grecque et la pensée chrétienne sont les deux manifestations successives de l'action d'un même Esprit divin à l'œuvre parmi les hommes ; la ressemblance que l'on observe entre les deux traditions cesse donc de faire problème, puisqu'elles proviennent l'une et l'autre d'une même source transcendante; ce qui étonnerait, ce serait au contraire qu'elles ne présentent aucun point commun. En d'autres termes, les adeptes de ce type d'explication christianisent secrètement la nature du paganisme antique, en voyant en lui une préfiguration providentielle du mystère chrétien. De cette tendance relèvent par exemple les travaux, souvent excellents d'ailleurs, de Casel et du groupe de Maria-Laach, ainsi que, sous un autre rapport, les essais dans lesquels Simone Weil, avec peut-être plus de ferveur que de sens critique, s'applique à montrer, après Pascal, comment Platon a pu « disposer au christianisme ». Sans doute cette vision des choses élimine-t-elle le problème, mais c'est au prix d'un postulat d'un autre ordre que celui de l'histoire. Accepter comme une évidence le fait d'une certaine influence de la philosophie hellénique sur la théologie chrétienne, il faut bien le comprendre, n'inclut pas de souscrire aux excès du comparatisme. D'une part, rien n'empêche de sauvegarder la spécificité du christianisme, si l'on considère que cette influence concerne moins ce que Schleier-macher et Harnack ont appelé l'« essence du christianisme », qu'une large zone périphérique qui en constitue comme le revêtement expressif; lorsque saint Paul et ses successeurs recourent à des formes philosophiques grecques, c'est avant tout pour exprimer commodément et efficacement un message dont le cœur n'est pas pour autant altéré; comment auraient-ils pu se faire entendre des Grecs qu'ils voulaient toucher autrement qu'en parlant leur langage, en maniant les schèmes mentaux qui leur étaient familiers? Tel est notamment le procédé habituel de Clément d'Alexandrie, condensé dans cette formule du Protreptique (XII, 119, 1) à laquelle se réfère si souvent Rahner : « Je te montrerai le Logos et les mystères du Logos, dit-il à son interlocuteur grec, en recourant à ta propre imagerie. » Il se peut toutefois que, dans la suite, les chrétiens en soient venus à oublier que ces emprunts au paganisme ne dépassaient pas, à l'origine, le niveau et les nécessités de l'expression, à méconnaître même leur qualité d'emprunts, pour les intégrer progressivement à l'essence même dé leur croyance, à une époque où leurs interlocuteurs auraient demandé un autre langage. Un phénomène analogue s'observe à bien d'autres époques; on sait, par exemple, que le recours à la gnoséo-logie aristotélicienne a rendu un service immense à la théologie chrétienne du XIIIe siècle, qui doit à cette conjonction d'avoir réalisé des progrès décisifs; en présence d'un tel succès, la tentation s'est faite irrésistible de regarder l'aristotélisme comme inséparable du message chrétien, et cela n'a pas manqué de freiner regrettablement la diffusion de celui-ci dans des aires culturelles où la philosophie aristotélico-thomiste n'était plus le meilleur véhicule. ...»

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