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Hegel (1770-1831) : LE DROIT ET LA MORALE

Publié le 18/06/2020

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« y ait un droit, il faut qu'il s'applique à tous, sans quoi il serait injuste et ne serait pas le droit. Le criminel cependant, qui sait que le droit doit s'appliquer aussi à lui, veut faire exception. Sa volonté est contradictoire : en tant qu'elle est volonté libre et universelle, elle cherche que le droit s'applique à tous, lui compris ; en tant qu'elle est volonté enchaînée à sa particularité, il veut transgresser le droit. Punir le criminel, c'est ne vouloir reconnaître en lui que l'être doué d'une volonté libre et rationnelle. En ce sens, le criminel lui-même veut être puni ! Le punir, c'est lui faire honneur contre l'abjection dans laquelle lui-même s'est mis, c'est donner raison à sa volonté (libre), même contre sa volonté (particulière). La punition n'est pas le dressage d'une bête nuisible et sans raison. ? Tout se passe comme si, en réalisant un droit qui existe indépendamment d'eux, les hommes n'y reconnaissaient plus leur volonté. Le droit devient une contrainte extérieure, alors qu'ils l'ont voulu eux-mêmes : c'est la contrainte de la liberté. Comme chez le criminel, la contradiction n'est surmontée qu'en reconnaissant l'empire de la liberté sur la volonté. Le droit, c'est la liberté qui s'oublie elle-même en se réalisant ; la moralité, c'est la conscience de soi de la volonté libre. 2. La morale A. Projet et faute, intention et bonheur moral ? Être moral, c'est d'abord ne pas commettre de faute. Or, se savoir libre, c'est savoir ce que l'on fait; c'est donc ne s'imputer une action que dans la mesure de ce que l'on en sait. Il n'y a pas de faute s'il n'y a pas de volonté libre à l'origine de l'acte fautif: contraint et forcé, un crime n'est qu'un accident ; il n'y a pas faute s'il n'y a pas non plus savoir de la faute : dans ce que j'ai fait, il y a ce que je projetais de faire, et ce qui s'en est suivi sans que je l'ai prévu ni voulu. Seul mon projet peut être faute : Œdipe est bien l'auteur de la mort de son père, mais en fait il n'est pas parricide parce qu'il ne se sait pas meurtrier de son père. C'est selon ce principe que les fous ne sont pas réputés coupables de leurs actes. ? Le projet d'un acte, c'est la représentation de ce qu'on s'y propose de faire. Même un désir immédiat pose un projet, dont la réalisation est satisfaction. Chez un être pensant cependant, le projet est animé d'une intention, c'est-à-dire d'un propos réfléchi et pesé, choisi contre tout autre pour sa valeur relative au bonheur personnel. L'intention cherche le bonheur sans commettre de faute ; c'est dire que la moralité est une recherche du bonheur, sans attenter au bonheur d'autrui. La formule de la moralité, c'est le bonheur moral. Pourtant, le bonheur se distingue du bien : chacun définit son bonheur en particulier, alors que le bien est ce que tous doivent faire. ...»

« H_e_gel (1_770-_18�_�} LE DROIT ET LA MORALE L a pensée politique selon Hegel ne se perd pas dans le monde des idées ; elle comprend le réel et le présent.

Son rôle n'est pas de dénigrer l'être au pro fi t du devoir être : le philosophe n'est pas un donneur de leçons.

C'est sa modestie ; la philosophie n'est là que pour comprendre ce qui s'est accompli , elle arrive tou j ours trop tard pour agir : « La chouette [ oiseau f étiche de la déesse romaine de la Sagesse } de Minerve ne pre,ul son vol qu'à la tombée de la nuit» ( Principes ...

).

Le monde a cependant des comptes à rendre à la pen­ sée : c'est notre liberté que de ne plus rien accepter naivement, et d'exiger de tout j ustification aux yeux de notre conscience : c'est le principe même sur lequel doit à présent reposer toute politique.

La volonté vraiment libre ne se ré fu gie pourtant pas dans un perpétuel non à tout ce qui cherche à la détenniner ; elle ne se laisse pas plus emporter mt counmt du monde.

Elle se détermine elle-même, et la liberté est l'éto ff e de la volonté , dit Hegel , comme la pesanteur est celle des corps.

Le monde présent des lois et des mœurs est donc la réa­ lisation concrète de lei volonté des hommes : « Le système du droit est le royaume de la liberté e ff ectivement réalisé» (id.

) .

1.

Le droit A.

La libe,·té de la volonté■ Il y a différents types de liberté, qui sont autant de degrés.

Je trouve enmoi ce que je suis, mais je n'invente pas ma propre nature, qui m'est imposée.

Coïncider avec ce qu'elle me prescrit, c'est ne vouloir que ce que ma nature veut, indépendamment de toute contrainte qui pourrait s'y ajouter.

Le critère de la liberté, c'est alors le sentiment d'agir confor­ mément à sa nature.

Selon le premier degré de la libe11é, le sentiment est le principe de la volonté libre; mais c'est une volonté libre qui ne se connaît ni ne se produit elle-même : elle ne fait que se trouver telle qu'elle est.

Cette liberté, Hegel l'appelle sentiment pratique. ■ Ma nature est composée d'une pluralité de tendances différentes, mul­ titude de contenus particuliers de ma volonté.

Je ne choisis pas le contenu de mes tendances, mais c'est moi qui décide des tendances qui seront satisfaites ; en choisissant, je détermine ma personnalité à partir de ma nature.

Selon cet autre conception de la liberté, je suis donc la forme de ma volonté, mes tendances en sont le contenu; c'est dire que la volonté n'est pas complètement libre. ■ Certes, je ne choisis pas les aspirations que je trouve en moi, mais ma volonté, formelle et vide, a le pouvoir de refuser tout contenu qui la déterminerait, et de se déterminer elle-même pour un seul d'entre eux,. »

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