HAMANN
Publié le 18/05/2020
Extrait du document
«
HAMANN
1730-1788
EN 1756, les frères Berens, négociants de Riga, chargeaient d'une mission à Londres un jeune
homme de leur connaissance, Johann Georg Hamann.
Né le 27 août 1730 à Kœnisberg, fils d'un
chirurgien, il avait reçu, au sein de l'ambiance piétiste de sa famille, une instruction dont le carac
tère à la fois indigeste et sans ordre aurait selon lui contribué à développer la discontinuité de
son tempérament.
Une « curiosité naïve pour toutes les formes d'hérésie », sa connaissance de
l'hébreu et son goût pour l'exégèse comme pour les problèmes du langage l'avaient poussé d'abord
à l'Université, mais un difaut d'élocution, une mémoire déficiente, beaucoup de dissimulation et de restriction
mentale, prétendra-t-il plus tard, auraient été pour lui autant d'obstacles à poursuivre des études
régulières
de théologie.
De nouvelles inclinations, une sorte de dilettantisme esthétisant menaçaient
de le disperser.
Puis venu se soumettre de nouveau à une discipline intellectuelle, il avait fait des
études
de jurisprudence.
Sous prétexte de sauvegarder son indépendance matérielle, il avait cru
devoir se faire précepteur et avait exercé cette fonction successivement en Livonie et en Courlande,
au milieu des malentendus et des querelles avec les parents de ses élèves.
Intérieurement agité, insatis
fait et incapable de se supporter lui-même,.
avec l'orgueil de s'en faire une énigme, tel est Hamann quand ses
amis Berens lui offrent un voyage à Londres afin de se distraire et de s'en revenir avec plus de considération
et de savoir-faire.
Ce voyage se présente donc sous la forme d'une épreuve; on lui demande de
recouvrer une dette et il apparaîtra plus tard comment, Hamann s'étant endetté lui-même, cette
circonstance
va prendre une signification spirituelle.
Une fois à Londres, on s'étonna, écrit-il lui
même,
de l'importance de cette dette, davantage du mode de recouvrement envisagé, et le plus peut-être du choix
de la personne à qui on l'avait confié.
Inapte à prendre quelque initiative dans ce domaine, se complai
sant bientôt dans l'inaction et la dissipation, il se trouve rapidement à bout de ressources : Seuls
l'imagination d'un chevalier errant et les grelots de mon bonnet de fou constituèrent ma bonne humeur et mon
courage héroïque.
Quand, rappelé par les Berens, il rentre à Riga, c'est un autre homme; ou plutôt, c'est le
même,
non plus vulnérable mais armé de pied en cap de tous ses défauts de la veille; qu'est-il
arrivé? Au dernier degré de la dépression, Hamann, à Londres, soudain s'est mis à relire !'Ecriture
sainte.
Il a compris que Dieu avait assumé ses dettes, et qu'en lui accordant sa grâce, il avait mani
festé sa puissance dans la faiblesse de l'insolvable.
C'est pourquoi, quand ceux qu'il aurait dû déce
voir
par son incapacité pratique l'accueillent non seulement avec indulgence mais avec affection
à son retour, cette indulgence lui sera aussi
insupportable que la miséricorde divine avait été
fortifiante.
Il éprouvera le besoin de remettre à son protecteur une confession pour lui commu
niquer son expérience spirituelle, mais osera d'autre part demander la main de la sœur de Berens.
Comme ce dernier ne peut s'empêcher de voir dans cette demande une impudente façon de tirer
les conséquences de la grâce justifiante, et dans sa conversion même un moyen de monter en épingle
son échec
à Londres, il s'ensuit une singulière querelle.
Hamann se retire, mais c'est une retraite
victorieuse, car ses arguments auront suffisamment atteint la susceptibilité de ses contradicteurs
pour que ceux-ci lui envoient des parlementaires jusque dans ses retranchements: l'un d'eux n'est
autre qu'Emmanuel Kant.
Par cette confrontation avec le « Lucifer de l'aurore métaphysique »,
Hamann est amené à développer une forme insolite et personnelle de discussion sur les questions
dernières
de l'existence qui inspirera Kierkegaard.
Déchaîné par un incident à la fois pénible et
Photo Rigal..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓