Habes somnum imaginem mortis
Publié le 08/01/2022
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Habes somnum unag,nem mortts
Le sommeil.
image de la mort
Cette phrase est empruntée aux Tusculanae disputationes de Cicéron
(
1,38, 99) ; nous ne devons ni craindre la mort, qui ressemble au som
meil, ni penser qu'une fois morts nous éprouverons encore quelque
chose, puisque lorsque nous
do1111ons, nous n'éprouvons plus aucune
sensation.
La ressemblance entre le sommeil et la mort est un topos
archaïque, déjà présent chez Homère, lliade, 14, 231 wl'TTVlfl ...
Ka?L·
yvtjTlfl 0avciToLo, qui fait du> (cita
tion reprise par Pausanias, 3,
18, l, et dans le Commentaire sur le
Phédon
d'Olympiodore [7, 10]); lliade, 16, 672 [=682] vrrvw Kal.
8avciTw 6L6vµciooLv, > (citation
souvent reprise,
cf.
Clément d'Alexandrie, Protreptique, 10, 102, 3;
Athénagore, De legatione, 12, 3 ; Epiphane, Adversus Haereses, 2,
469), et
Odyssée, 13, 79 sq.; chez Hésiode (Théogonie, 212; 756) le
Sommeil et la Mort sont les enfants de la Nuit (Pausanias [5, 18, 1]
reprend lui-aussi cette même filiation).
Le thème revient ensuite fré
quemment chez les auteurs grecs : cf.
par exemple Xénophon
( c:vropédie, 8, 7, 21 ), selon lequel il n'est rien de plus semblable à la
mort que le sommeil, ou le comique Mnésimaque (fr.
11 K.-A.).
Ce
motif revient aussi sous
la plume des philosophes (il s'agissait vraisem
blablement d'un motif déjà présent dans les traditions orphique et
pythagorique ;
cf.
Platon [Apologie de Socrate, 40cd, Phéd~n, 60-~ lb]
et Aristote [De generatione anima/ium, 278b 29 sq.
], mais aussi les
anecdotes sur Diogène le Cynique [88 Giannantoni] et la Consolatio
ad Apollonium du Pseudo-Plutarque [107de]).
Le thème est égalc111~nt
présent dans la littérature chrétienne ( cf.
par exemple Basile, De ieiu
nio,
31, 184), même si les Pères de l'Eglise précisent souvent que ces
deux phénomènes sont dits frères l'un de l'autre, non parce qu'ils ont le
même père, mais parce qu'ils se ressemblent en apparence et qu'ils pro
curent à l'homme le même évanouissement des sens (cf.
Athénagore, De
,-esurrectione, 16, 5; Grégoire de Nysse, ln Sanctum Pascha, 9,262; ln
Canticum Canticorum, 6, 311 ; De iis qui baptismum differunt, 46,
420).
Toujours dans
la linératun; giecque, le sommeil est dit >,
)'ELTwv, de la mort (Evénos, Anthologie Palatine, 11, 49, 6; Jean
Damascène,
Sacra Para/le/a, 96, 160), à moins qu'il ne soit son>, µ(µT]µa (Eusèbe, Commentaria in Psalmos, 23, 1360; Basile,
Homiliae super Psa/mos, 29, 493), ou son , Èct,ciµLÀÀOS
(Grégoire de Nazianze, Et'~ Ü'TT'oµovrfv, 40 ; Pseudo-Macaire,
Sermones, 62, l, 14) ou plus généralement son (rrpo
(loo8civaTos ), ce que répètent également les
auteurs latins : cf.
Cicéron (De divinatione, 1, 30, 63) ; Virgile (Enéide,
6,278; 522); Ovide (Amores, 2, 9, 41); Silius Italicus (15, 180) et le
Pseudo-Sénèque (De moribus, 113 l-laase).
Une sentence d'un poète
anonyme (Anthologia Latina, 2, 716, 19 BUcheler-Riese) affi1111~ enfin
que
>, Mortis imago iuvat somnus, mors ipsa timetur.
Notre
thème est souvent traité dans
l'Ancien Testament (cf.
Psaumes, 12, 4;
Job, 14, 2) et dans le Nouveau Testament (où il prend une importance
particulière lors des récits des résurrections opérées par Jésus, notam
ment celle
de Lazare, cf.
Jean, 11, 4-13), mais aussi dans la littérature
judaïque ( cf.
par exemple Flavius Josèphe,
Bellum ludaicum, 7, 349) et
dans la littérature chrétienne (cf.
notamment Tertullien.
De anima, 43 ;
saint Augustin,
Sermones de diversis, 28 [PL 39, 1631]; saint Ambroise,
De excessufratris, 72 [PL 16, 1313a]; Amalaire, De ecc/esiasticis offi
ciis, PL
105, 1184b; Liber de ordine antiphonarii, PL 105, 1259b; Honoré
d' Autun,
Sacramentarium, 56 [PL 172, 776a]) : en réalité ce
thème a des racines anthropologiques très anciennes et il est profondé
ment
lié à l'idée de séparation, temporaire ou définitive, de l'âme et du
corps ; on en trouve notamment trace dans des cultures fort éloignées
les unes des autres, aussi bien en Egypte qu'en Afrique noire (pour un
cadre linguistique plus complet sur cette question, cf.
U.
Rapallo, //
,çonno della morte: un problema interlinguistico, > 16, 1994,
11-30).
La tradition proverbiale européenne a conservé des expressions
semblables, notamment
en français, La mort est un sommeil sans
rêve,ç;
en italien// sonno è parente della morte (en anglais et en alle
mand
le sommeil est le frère ou le cousin de la mort) ou La morte è un
sonno senza
.5ogni (en vénitien, El sono xe na morte picinina: se more
de sera,
se se sveia a la matina ; cf.
Arthaber 841 ; Mota 157 ;
Schwamenthal-Straniero
5341 ).
Les reprises littéraires sont très nom
breuses: si Erasme (Colloquiafamiliaria.
Diluculum) citait explicite
ment Homère, Gédéon Tallemant des Réaux
(Historiettes, 1, 520) reprit
quant
à lui une pensée de Léonard de Vinci ( 13 [ 1, 188 Ruozzi]) qu'il
modifia
de la façon suivante : ô dormeur, qu'est-ce que le sommeil ? Il
ressemble
à la mort.
Pourquoi ne fais-tu pas en sorte qu'après la mort
tu aies
l'aspect d'un parfait vivant, qui vivrait en ressemblant aux
tristes morts dans
son sommeil ? ; citons aussi un distique de la
Jérusalem délivrée du Tasse (9, 18, 7 sq.
: Tosto s 'opprime chi di sonno
è carco, / ché da/ son no a la morte è un picciol varco) ;
un passage du
Mesure pour mesure de Shakespeare (3, 1, 17-19); un aphorisme extrait
de l'Appendice aux Pensées de Pascal (le sommeil est l'image de la
mort); une Abhandlung de Lessing en 1769; l'Aus meinem Leben de
Goethe (8 [9, 316, 38]); deux vers placés au début du Queen Mab de
Percy Bysshe Shelley (How wonderful i.ç Death, / Death and his brother
Sleep);
un passage de Niccolo Tommaseo (Exemples de générosité.
La
générosité persévérante,
1, 1044 Puppo) ; le Dialogue de Federico
Ruysch et de ses momies
de Giacomo Leopardi ; le sommeil qui imite la
mort avec un raffinement effrayant
de Michel Tournier (Gaspard,
Melchior et Balthazar, Balthazar roi de Nippur);
un passage de l'Année
de la mort de Ricardo Reis
de Saramago (chap.
4) où Pessoa, une fois
mort, dit au protagoniste qu'il l'envie d'avoir sommeil, et que seuls les
imbéciles peuvent penser que le sommeil ressemble à la mort..
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