Guy de Maupassant, « Farce normande », Les Contes de la Bécasse (1883).
Publié le 29/06/2020
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« 1 Puis on se remit en route sous les pommiers déjà lourds de fruits, à travers l'herbe haute, au milieu des veaux qui regardaient de leurs grosyeux, se levaient lentement et restaient debout le mufle tendu vers la noce. 5 Les hommes redevenaient graves en approchant du repas. Les uns, riches, étaient coiffés de haut chapeaux de soie luisants, qui semblaient dépaysés en ce lieu ; les autres portaient d'anciens couvre-chefs à poils longs, qu'on aurait dit en peau de taupe ; les plus humbles étaient couronnés de casquettes. 10 Toutes les femmes avaient des châles lâchés dans le dos, et dont elles tenaient les bouts sur leurs bras avec cérémonie. Ils étaient rouges, bigarrés, flamboyants, ces châles ; et leur éclat semblait étonner les poules noires sur le fumier, les canards au bord de la mare, et les pigeons sur les toits de chaume. 15 Tout le vert de la campagne, le vert de l'herbe et des arbres, semblait exaspéré au contact de cette pourpre ardente, et les deux couleurs ainsi voisines devenaient aveuglantes sous le feu du soleil de midi. La grande ferme paraissait attendre là-bas, au bout de la voûte des 20 pommiers. Une sorte de fumée sortait de la porte et des fenêtres ouvertes, et une odeur épaisse de mangeaille s'exhalait du vaste bâtiment, de toutes ses ouvertures, des murs eux-mêmes. Comme un serpent, la suite des invités s'allongeait à travers la cour. Les premiers, atteignant la maison, brisaient la chaîne, 25 s'éparpillaient, tandis que là-bas il en entrait toujours par la barrière ouverte. Les fossés maintenant étaient garnis de gamins et de pauvres, curieux ; et les coups de fusils ne cessaient pas, éclatant de tous les côtés àla fois, mêlant à l'air une buée de poudre et cette odeur qui grise comme de l'absinthe. Guy de Maupassant, « Farce normande », Les Contes de la Bécasse (1883). Vous ferez de ce texte un commentaire composé que vous organiserez à votre gré. Vous pourrez, par exemple, étudier comment, par le jeu des sensations, des images et des rythmes, l'écrivain confère humour et intensité poétique à cette évocation d'une noce à la campagne.PRÉLIMINAIRES Tâche redoutable que celle d'élaborer un commentaire qui soit à la hauteur du texte tout à fait célèbre et tout à fait exemplaire de l'art d'un de nos meilleurs écrivains !... S'agissant d'une scène de genre, le plan s'impose de lui-même : d'un côté, tout ce qui ressortit à l'art de la description ; de l'autre, la peinture de moeurs qui transparaît dans les diverses notations (ordre qui peut être inversé), en se guidant sur les quelques indications de l'énoncé : «humour et intensité poétique, images et rythmes», pour ne rien oublier d'important des dominantes du style de Maupassant dans cette page. On attend de vous une culture artistique minimale ; impossible de ne pas citer la technique picturale en général et l'impressionnisme en particulier lorsque Maupassant fait oeuvre de coloriste, dans l'intention évidente de rivaliser avec ses amis peintres. Pour nous aiguiller dans la bonne direction, laissons parler Maupassant lui-même: ...»
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ÉPREUVE10
Toutes académies
Septembre 1990
TEXTE Puis on se remit en route sous les pommiers déjà lourds de fruits,
à travers l'herbe haute, au milieu des veaux qui regardaient de
leurs gros yeux, se levaient lentement et restaient debout ie mufle
tendu vers la noce.
5 Les hommes redevenaient graves en approchant du repas.
Les uns,
riches, étaient coiffés de haut chapeaux de soie luisants, qui
semblaient dépaysés en ce lieu ; les autres portaient d'anciens
couvre-chefs à poils longs, qu'on aurait dit en peau de taupe ; les
plus humbles étaient couronnés de casquettes.
10 Toutes les femmes avaient des châles lâchés dans le dos, et dont
elles tenaient les bouts sur leurs bras avec cérémonie.
Ils étaient
rouges, bigarrés, flamboyants, ces châles ; et leur éclat semblait
étonner les poules noires sur le fumier, les canards au bord de la
mare, et les pigeons sur les toits de chaume.
15 Tout le vert de la campagne, le vert de l'herbe et des arbres,
semblait exaspé�v au contact de cette pou�Ve ardente, et les deux
couleurs ainsi voisines devenaient aveuglantes sous le feu du
soleil de midi.
La grande ferme paraissait attendre là-bas, au bout de la voûte des
20 pommiers.
Une sorte de fumée sortait de la porte et des fenêtres
ouvertes, et une odeur épaisse de mangeaille s'exhalait du vaste
bâtiment, de toutes ses ouvertures, des murs eux-mêmes.
Comme un serpent, la suite des invités s'allongeait à travers la
cour.
Les premiers, atteignant la maison, brisaient la chaîne,
25 s'éparpillaient, tandis que là-bas il en entrait toujours par la
barrière ouverte.
Les fossés maintenant étaient garnis de gamins
et de pauvres, curieux ; et les coups de fusils ne cessaient pas,
éclatant de tous les côtés àla fois, mêlant à l'air une buée de poudre
et cette odeur qui grise comme de !'absinthe.
Guy de Maupassant, « Farce normande »,
Les Contes de la Bécasse (1883).
Vous ferez de ce texte un commentaire composé que vous organiserez à
votre gré.
Vous pourrez, par exemple, étudier comment, par le jeu des
sensations, des images et des rythmes, !'écrivain confère humour et
intensité poétique à cette évocation d'une noce à la campagne.
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