Gerard Manley Hopkins
Publié le 09/12/2021
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Gerard Manley Hopkins rima dès l'école et se mit sérieusement à la composition poétique pendant ses années d'Oxford (1863-1867). Il passa de l'Anglicanisme à l'Église romaine, après avoir consulté le vieux Newman et, l'Université terminée, il enseigna pendant deux ans chez les Oratoriens de Birmingham, après quoi il jeta tous ses poèmes au panier et joignit la Compagnie de Jésus (1868). Absorbé par sa vocation, il n'écrivit plus pendant sept ans, ce qui ne l'empêcha pas de méditer sur les principes de l'art poétique, surtout pendant ses années de régence à Roehampton. En 1875 un bateau allemand, le Deutschland, sombra dans la Tamise et cinq religieuses y périrent dans des circonstances héroïques. Le supérieur de Hopkins lui demanda d'écrire un poème en leur honneur et il produisit The Wreck of the Deutschland, qui lui fournit l'occasion de mettre en œuvre des conceptions poétiques révolutionnaires, centrées autour du sprung-rhythm ou "rythme bondissant". Dans la tradition anglaise, la mesure du vers est déterminée par le nombre des syllabes, que scandent des ïambes ou des trochées, variés parfois par un dactyle. Le sprung-rhythm rompt avec la mesure syllabique et se fonde sur la relation entre des temps forts et des temps faibles, la mesure étant déterminée non par la quantité des syllabes, mais par la seule valeur du stress ou battement. Par exemple un vers de neuf syllabes comme : "The sour scythe cringe and the blear share come", a pour Hopkins la même valeur qu'un vers de dix-neuf syllabes comme : "Finger of a tender of, or of a feathery delicacy, the breast..." Le rythme du poème est formé à vrai dire d'éléments multiples : le balancement des temps forts et faibles, les rimes extérieures et intérieures et un système complexe de relations tonales, d'assonances et d'allitérations. Hopkins prétendait avoir repris des traditions séculaires de la poésie anglaise telles qu'on les trouve encore dans les nursery-rhymes et les ballades populaires. Il considérait en outre que son rythme était celui du langage parlé. N'empêche que le poème consterna son supérieur et ses confrères et que la revue jésuite The Month n'osa pas le publier.
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Gerard Manley Hopkins
Gerard Manley Hopkins rima dès l'école et se mit sérieusement à la composition poétique pendant ses années d'Oxford (1863-1867).
Ilpassa de l'Anglicanisme à l'Église romaine, après avoir consulté le vieux Newman et, l'Université terminée, il enseigna pendant deuxans chez les Oratoriens de Birmingham, après quoi il jeta tous ses poèmes au panier et joignit la Compagnie de Jésus (1868).
Absorbépar sa vocation, il n'écrivit plus pendant sept ans, ce qui ne l'empêcha pas de méditer sur les principes de l'art poétique, surtoutpendant ses années de régence à Roehampton.
En 1875 un bateau allemand, le Deutschland, sombra dans la Tamise et cinqreligieuses y périrent dans des circonstances héroïques.
Le supérieur de Hopkins lui demanda d'écrire un poème en leur honneur et ilproduisit The Wreck of the Deutschland, qui lui fournit l'occasion de mettre en oeuvre des conceptions poétiques révolutionnaires,centrées autour du sprung-rhythm ou "rythme bondissant".
Dans la tradition anglaise, la mesure du vers est déterminée par le nombredes syllabes, que scandent des ïambes ou des trochées, variés parfois par un dactyle.
Le sprung-rhythm rompt avec la mesuresyllabique et se fonde sur la relation entre des temps forts et des temps faibles, la mesure étant déterminée non par la quantité dessyllabes, mais par la seule valeur du stress ou battement.
Par exemple un vers de neuf syllabes comme : "The sour scythe cringe andthe blear share come", a pour Hopkins la même valeur qu'un vers de dix-neuf syllabes comme : "Finger of a tender of, or of a featherydelicacy, the breast..." Le rythme du poème est formé à vrai dire d'éléments multiples : le balancement des temps forts et faibles, lesrimes extérieures et intérieures et un système complexe de relations tonales, d'assonances et d'allitérations.
Hopkins prétendait avoirrepris des traditions séculaires de la poésie anglaise telles qu'on les trouve encore dans les nursery-rhymes et les ballades populaires.Il considérait en outre que son rythme était celui du langage parlé.
N'empêche que le poème consterna son supérieur et ses confrèreset que la revue jésuite The Month n'osa pas le publier.
En 1877, Hopkins reçut les ordres et fut expédié dans des paroisses jésuites àLondres, Oxford, Liverpool, Glasgow.
Cet intellectuel un peu excentrique paraissait étrange et inexplicable à ses collègues.
Il "nepensait pas comme tout le monde" et n'était pas efficient.
Il fut déplacé d'un poste à l'autre et, quel que fût son dévouement, il nedonna satisfaction nulle part.
Pendant les années 1879-1881, il écrivit une série de poèmes, surtout des sonnets.
Le sonnet anglaisclassique, dérivé de Pétrarque est basé sur trois couplets de quatre vers décasyllabiques, suivis d'un couplet de deux vers, avec unsystème de rimes précis.
Hopkins jugeait le décasyllabe anglais trop court pour permettre l'envolée désirable et il trouvait que lesautres lois régissant le sonnet ne tenaient compte que de certains effets poétiques et en interdisaient d'autres aussi valables.
Aussi negarda-t-il de la forme classique que le squelette, à savoir le total de quatorze vers, qu'il divisa en deux groupes de huit et de six ; il fitsauter le décasyllabe par sa technique du sprung-rhythm combiné avec des outrides et il s'affranchit de la plupart des autres règles,pour les remplacer par les siennes propres.
L'outride est une syllabe particulièrement accentuée, comme suspendue en l'air, quiretombe sur plusieurs syllabes très amorties, le tout formant un pied ; après une pause très brève vient le pied suivant, composé d'unou deux temps faibles et d'un temps fort.
Par exemple : "Summer ends now ; now barbarous in beauty the stooks arise around.
Whatwind-walks what lovely behaviour of silk-sack clouds !" Hopkins obtient ainsi un effet de contre-rythme, passant d'un rythmedescendant ("barbarous") à un rythme ascendant ("in beauty").
C'est ce qu'il appelle son contrepoint.
Aux innovations rythmiques ilajoute des innovations morphologiques et syntaxiques suggérées par ces rythmes mêmes : tournures elliptiques, mots composéscomme leafmeal, forefalls, moonmarks, juxtapositions comme silk-sack, earl-star.
Il choisit son vocabulaire principalement parmi lesmots d'origine anglo-saxonne, les monosyllabes de préférence.
Hopkins ne cherche pas seulement par là à renouveler la techniquepoétique ; il est en quête d'une forme qui lui permette de mieux exprimer sa vision du monde.
Peu de poètes ont autant philosophé surleur art.
Il ne faut pas oublier que Hopkins a fait trois années de noviciat et neuf autres de philosophie et de théologie.
S'il a pu resterpoète en dépit de ces disciplines, c'est parce qu'il a abandonné Thomas d'Aquin pour Duns Scot, pour qui l'objet premier de laconnaissance n'est pas l'essence abstraite mais la réalité individuelle telle qu'elle se présente hic et nunc aux sens.
Le scotisme, dontnous ne pouvons analyser ici les subtilités, fournit à Hopkins un système qui pouvait justifier et coordonner ses intuitions.
Il avait unsentiment aigu, pour ne pas dire obsédant, de l'individualité des objets.
Sa philosophie est condensée dans les notions d'inscape etd'instress, néologismes intraduisibles et qui reviennent souvent dans ses Notes et Lettres.
L'inscape est le principe d'organisation detout être, ce que le thème mélodique est pour la musique.
Il est le complexe unifié de ces qualités sensibles des créatures, qui leurappartiennent à chacune de façon si intime que l'artiste en les saisissant pénètre jusqu'à la source même de leur individualité, et ouvreson âme à l'énergie vitale qui s'en dégage, et que Hopkins appelle l'instress.
Cet instress n'est pas une qualité sensible, mais lemystérieux dynamisme en vertu duquel un être existe et agit sur d'autres.
Sur un plan plus profond, l'inscape est l'empreinte duCréateur sur la créature, qui en fait une réalité personnelle chargée d'influx divin, si bien qu'en appréhendant l'inscape d'un être lepoète non seulement communique avec lui comme avec une personne, mais rejoint Dieu par-delà.
Après les années de vie paroissiale où Hopkins écrivit ces séries de sonnets, il fut envoyé à Stonyhurst, le grand collège jésuite.
En1884 il fut transféré à l'Université catholique de Dublin, afin d'y enseigner le grec.
Son sentiment de mal ajustement et d'échecs'intensifia.
Il se sentait épuisé et sombrait dans des crises de découragement neurasthénique.
C'est alors qu'il se décrit comme"l'eunuque du Temps".
Il ne s'entendait pas avec son entourage irlandais dont le philistinisme et le catholicisme primaire l'oppressaient.Il exhale ses états d'âme dans les huit "Sonnets terribles", qui sont les plus beaux poèmes qu'il ait écrits, poèmes, où l'angoisse vajusqu'au désespoir, Il mourut de la fièvre typhoïde à l'âge de quarante-cinq ans, obscur, méconnu de tous sauf de quelques amis dontl'un heureusement était le poète Robert Bridges, qui conserva ses lettres et les poèmes qu'il avait soumis à son approbation.
Il lesdistilla goutte à goutte les années suivantes, dans diverses revues et quand il sentit que le public littéraire s'y habituait et s'yintéressait, il publia en 1918 la première édition des Collected Poems.
Depuis lors les éditions se sont succédé, les commentairess'accumulent et Hopkins est devenu un des maîtres de la poésie anglo-saxonne.
Son oeuvre ne contient que soixante-quinze piècescomplètes dont quarante-sept seulement sont des poèmes de maturité.
Une partie de ceux-ci succombe sous le poids d'un certainpédantisme baroque.
Mais il reste une vingtaine de poèmes qui sont parmi les réussites les plus remarquables de la littératureanglaise..
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