Georges NAVEL, Travaux. Commentaire
Publié le 19/12/2021
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«
(L'auteur travaille comme saisonnier dans le Midi de la France.)
Pourquoi vient-on à la récolte? Ça" paie peu aux cerises.
Fidélité à la saison.
C'est un rendez-vous avec d'anciens bonheurs : une odeur de foin, la lumière de
mai, des songeries.
Je connaissais un vieux boulanger qui depuis vingt-cinq ans,
toutes les années, lâchait le pétrin pour arriver là en fin avril.
On revient
changé, le cuir s'endurcit, on ne s'émeut plus, on communique moins avec la
saison.
Puis on est à nouveau touché de fraîcheur, atteint par la grâce.
Une
année, j'étais revenu pour une odeur de genêt ou pour avoir vu dans un chemin
un paysan sous un grand parapluie bleu, un matin de petite pluie de mai.
On ne sait pas pourquoi on revient.
Manger des cerises, se crever moins que sur
un chantier? Ça aussi.
On vient compter ses années, là, pour que l'année
compte, pour avoir vécu un printemps de plus, s'être senti sur terre au retour
de mai.
C'est une fête que le saisonnier se donne.
II recueille le printemps un
bon mois.
On ne le sent nulle part si bien que perché sur un cerisier, pieds nus sur les
branches et dos nu au vent, une épaule à l'ombre et l'autre au soleil, du vrai de
Provence.
Les grimpées donnent au cueilleur une souplesse de gymnaste.
A
terre, en cueillant les branches basses, il sent l'herbe sous ses pieds nus.
L'hiver, dans de gros souliers, on a promené un cadavre, un homme blanc qui
marche sans plaisir.
Aux cerises, on redevient nègre, gitano, les reins heureux
en marchant.
Pas seulement les reins, chaque fibre, les muscles se jouent soie
par soie.
Il y avait longtemps qu'on ne respirait plus ou qu'on respirait neutre
comme en dormant.
De nouveau, on respire comme avec un nez de chien.
On ne
respire pas, on boit l'air par petits coups et grandes gorgées avec les narines.
Les moments sont nombreux où l'on se sent vivant, réveillé au monde.
Georges NAVEL, Travaux.
organisation du devoir
Le libellé indique deux directions, le désir de revenir participer aux travaux des champs
et la communion avec le monde naturel.
On peut effectivement regrouper des
expressions, des phrases, des passages selon ces deux idées.
D'un côté, ce qui est
relativement technique, les considérations un peu prosaïques comme «manger des
cerises, se crever moins au travail», de l'autre, toutes les comparaisons du dernier
paragraphe.
Cette répartition a l'inconvénient de séparer des éléments assez voisins.
Le
travail et l'amour de la nature se mêlent intimement.
Donc, tout en conservant ces idées,
il semble préférable de trouver une organisation plus nette.
On accordera une attention particulière «aux procédés», étude que l'on intégrera dans le
développement.
Le texte est dominé par la question : « Pourquoi vient-on à la récolte?»
Et l'on peut dire que toute la page répond à cette interrogation, même si le second
paragraphe commence par : « On ne sait pas pourquoi on revient.
»
Si les grandes structures ne se dégagent pas clairement du libellé, si elles n'apparaissent
pas lors d'une première lecture, l'élève peut — au brouillon — procéder par petits
regroupements.
Pour le texte proposé, un premier ensemble est évident, celui qui se
rattache aux sensations.
D'abord, «une odeur de foin», «la lumière», un peu plus loin «la
fraîcheur» et à nouveau «une odeur de genêt», «un parapluie bleu»; enfin, tout le
dernier paragraphe décrit une sorte d'euphorie des sensations.
Un deuxième ensemble se rattache au temps.
La notion de fidélité exprime la durée, le
retour des «anciens bonheurs»; l'anecdote du boulanger tourne aussi autour de cette
idée.
Il en est de même lorsque Georges Navel écrit «On vient compter ses années...»
Un troisième thème est perceptible, surtout dans le dernier paragraphe : la dualité entre
l'homme de la civilisation, de l'hiver et l'homme de la nature, du printemps..
»
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