Georges Duhamel: « La civilisation est dans le coeur de l'homme ou bien elle n'est nulle part »
Publié le 20/12/2021
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«
INTRODUCTION
L'histoire de l'humanité nous présente, au cours des siècles et à travers l'espace, des
modes de vie sociale très divers.
Nos contemporains, citoyens des « grandes nations »
ont le sentiment d'appartenir à une époque de haute civilisation lorsqu'ils considèrent les
structures de leurs collectivités et les réalisations de la technique et de la science.
Ces
aspects du monde moderne suffisent-ils pourtant à fonder chez les individus un
épanouissement supérieur sans lequel il est vain de parler de « civilisés » ? C'est la
réflexion à laquelle nous invitait Georges Duhamel lorsqu'il écrivait : « La civilisation est
dans le coeur de l'homme ou bien elle n'est nulle part ».
I.
CIVILISATION ET PROGRÈS MATÉRIEL
L'idée de civilisation semble bien pourtant d'abord liée au progrès matériel et au
développement technique d'une société.
Une libération des forces de la nature
L'homme primitif à l'état de barbarie est à peu près entièrement soumis aux conditions
naturelles de son existence.
Plus il sait se libérer de cette servitude en interposant en
quelque sorte entre la nature et lui-même ce milieu artificiel que constituent les
conquêtes de la technique, plus il peut être considéré comme « civilisé ».
Nous trouvons
une illustration imagée et burlesque de cette constatation dans le Tiers Livre de Rabelais
lorsque ce dernier nous fait l'éloge du Pantagruelion.
Les utilisations multiples du chanvre
deviennent alors le symbole du progrès technique qui n'est pas sans effrayer « les
Intelligences célestes, les Dieux tant marins que terrestres » car il permettra sans doute
un jour aux hommes d'être « déifiés ».
Civilisation et développement technique
Ce bel hommage rendu par un écrivain du xvie siècle à l'esprit d'invention, si fécond en
cette époque de « Renaissance », peut toujours sembler actuel.
Le degré de civilisation
d'un peuple nous paraît bien associé de nos jours à son niveau de développement
matériel.
Pour un très grand nombre de nos contemporains, les désirs les plus
extravagants des générations passées sont devenus réalité grâce au progrès technique.
Dans une page devenue célèbre, Paul Valéry énumère les avantages qu'un homme de
condition médiocre possède aujourd'hui sur le roi Louis XIV.
Quels changements depuis
Rabelais, et comme nous devons nous sentir fiers devant tant de réalisations pratiques !
Le progrès matériel ne suffit pas
Mais il ne faut pas s'abandonner trop rapidement à de telles impressions.
De nombreuses
expériences récentes prouvent qu'il ne suffit pas d'apporter à des populations de type
primitif les moyens modernes de la civilisation pour les transformer d'emblée en nations
civilisées.
Réfrigérateurs et postes de télévision ne seront jamais que les produits d'une
certaine forme de civilisation.
Ils ne peuvent pas métamorphoser les hommes en
profondeur.
Nous pouvons voir souvent des moyens techniques accroître la barbarie d'un
groupe au lieu de l'effacer.
Au coeur même des nations les plus anciennement
développées, selon la terminologie des économistes modernes, nous voyons renaître
parfois les formes de l'âme primitive : Georges Duhamel nous a montré dans les Scènes
de la vie future que l'utilisation de l'automobile, par exemple, éveille chez certains des
instincts d'agressivité dignes de la jungle.
II.
CIVILISATION ET PROGRÈS INTELLECTUEL
C'est pourquoi il semble bien qu'on ne saurait dissocier la notion de civilisation et celle
d'intelligence.
Seuls mériteront le titre de civilisés ceux, parmi les hommes, qui sauront
dépouiller en eux la bestialité.
La conception du XVIIIe siècle.
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