George Berkeley
Publié le 16/05/2020
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George Berkeley
Bien que ses ancêtres fussent anglais, Berkeley se considérait comme irlandais ; il était né dans le Kilkenny et avaitfait ses études au Trinity College.
Ordonné prêtre de l'Église anglicane en 1710, il devint doyen du Derry (1724), puisévêque de Cloyne (1735).
Il voyagea beaucoup, s'embarqua pour le Nouveau Monde, et séjourna dans sa maison deRhode.
Il tenta, sans succès, de fonder une université aux Bermudes, où il espérait attirer les colons américains etles indigènes dans l'idée de créer une force de missionnaires instruits.
Décédé à Oxford en 1753, il repose dans lacathédrale de la ville estudiantine.Berkeley fut le premier idéaliste absolu.
Il fonda sa doctrine en réaction à celle de Locke.
Il acceptait l'idée selonlaquelle, là où il y a perception d'objet, nous ne savons rien sinon nos propres idées sur l'objet ; les qualités perçuesn'étant pas les qualités réelles de l'objet lui-même.
Mais Locke avait supposé qu'il existait réellement un mondematériel auquel nos idées étaient reliées.
Berkeley lui, concluait que si la perception était une question desensations ou d'idées, seules les sensations ou les idées pouvaient être dites réelles.
La matière n'existait pas saufsous la forme de représentations mentales ou en tant que manifestation de l'esprit : " être, c'est être perçu ".
Maissi nos idées ne sont pas des réponses à un monde matériel, quelle est leur origine ? Dieu, répondait-il.
Nos idéessont le langage dans lequel il s'adresse à nous.
Qualifié de " délire " (Diderot) ou de " scandale " (Kant),l'immatérialisme de Berkeley obligera néanmoins les philosophes ultérieurs à démontrer l'existence du mondeextérieur.
Berkeley est le seul philosophe que nous ait donné l'Irlande depuis Jean Scot Erigène (IXe siècle).
Figure solitaire àcet égard, il l'est encore plus par le contenu de sa philosophie et par la manière dont il l'a exprimée.
Certes, leshistoriens l'ont assujetti à des catégories générales : on l'a étiqueté empiriste, subjectiviste, idéaliste, et on pourraità juste titre l'appeler aussi rationaliste, objectiviste, réaliste.
Mais toutes ces étiquettes le déguisent à nos yeux.
Iléchappe à toute désignation sommaire.
Voilà le symptôme le plus sensible de son originalité.
Mais notons d'abord que Berkeley n'était pas que philosophe : car alors sa biographie manquerait de substance.Sous ce rapport, il est une figure typique parmi les philosophes des Îles Britanniques.
Les circonstances extérieuresles ont invités à des activités publiques, et un penchant pratique les y a poussés.
Pensons par exemple à Bacon,chancelier du royaume, à Locke, à qui furent confiés divers offices publics, et à Hume, lui aussi fonctionnaire dugouvernement, notamment à l'ambassade de Paris.
Dans cette série de philosophes qui ont vécu, qui ont débordéles rives de leur spécialité intellectuelle, se range le penseur irlandais.
Né en 1685, il eut la bonne fortune de faire ses études à l'université de Dublin, dont les fenêtres étaient ouvertesaux courants frais qui venaient du continent.
Élu " Fellow ", il fut chargé d'enseigner tantôt le grec classique, tantôtla théologie, et tantôt l'hébreu.
Mais il a pu s'absenter longtemps, quelques années à Londres, dans le cerclelittéraire de Swift, Addison et Steele et à la cour royale, et quelques années en France et en Italie.
Il dut sedémettre de ses fonctions à l'université en 1724, lorsqu'il devint doyen de Derry (église protestante).
Au lieu derejoindre sa cathédrale au nord de l'Irlande, il repartit pour Londres, cette fois avec un dessein fort sérieux.
Unegrande banqueroute en Angleterre, une autre en France, et les moeurs du temps l'avaient convaincu de ladécadence de l'Europe.
Esprit toujours positif, au lieu de se tordre les mains de désespoir, il tourna les yeux versl'Amérique, et se persuada que dans le nouveau monde se renouvellerait la gloire fanée du monde antique.
Sondessein fut d'y fonder un collège, et de dédier à cette oeuvre ses biens et le reste de sa vie.
Avec la promessed'une subvention gouvernementale, il traversa l'Océan (1728), demeura en Amérique près de trois ans, et, ayantattendu en vain la subvention, dut revenir sans avoir fondé son collège, mais non sans avoir exercé une influencedurable sur l'enseignement supérieur américain (pour en mentionner un seul signe, une ville universitaire à l'extrêmeouest de l'Amérique a pris son nom).
Bientôt (1735) la reine le fit consacrer évêque de Cloyne, dans le sud del'Irlande, où il s'avéra un pasteur idéal.
Ici, parmi les paysans privés de médecins, il se fit médecin, et sa panacée del'eau de goudron (c'était l'époque des panacées) devint une mode dans presque toute l'Europe.
Dix-huit années detravail, tant intellectuel que d'apostolat, consumèrent enfin ses forces.
Le roi lui permit de se retirer à Oxford, où ilmourut en 1753, après quelques mois seulement.
Pour indiquer en peu de mots la variété de cet Irlandais de souche anglaise, on peut dire qu'après avoir, tout jeune,donné un chef-d'oeuvre psychologique et un chef-d'oeuvre philosophique, il est devenu voyageur, amateurd'architecture, publiciste, économiste, et philanthrope, se souvenant de temps en temps de sa philosophie.
Berkeley compte parmi la demi-douzaine des meilleurs stylistes anglais.
Où trouver les endroits où il donne le meilleurde lui-même comme écrivain ? On pourrait répondre, presque partout, puisque chez lui le bien-écrire était uninstinct.
S'il faut choisir, disons que la meilleure de toutes ses oeuvres au point de vue littéraire est trèsprobablement l'Alciphron (1732), écrit pendant les loisirs de son séjour en Amérique.
Négligeons son argumentationmajestueuse, sa matière philosophique et théologique, pour attirer l'attention sur le second et le troisième de sessept dialogues, qui peuvent se détacher des autres, et être lus indépendamment.
Ils traitent de Mandeville et deShaftesbury, mais ne saurait-on pas un mot de philosophie morale, on ne pourrait s'empêcher d'en apprécier laqualité délicieuse : ce qui y est donné est une comédie de moeurs, un tableau vivant des opinions prétentieuses,des poses ridicules, de l'orgueil bouffi et vide, de certains soi-disant libres penseurs qui ne pensaient jamais et sebornaient à suivre la mode.
Dans ces pages éclate un don très riche de satire, côté du génie de Berkeley qui n'estpas assez connu.
Qu'il ait eu de très bonne heure un penchant pour la satire, il l'a confessé à lui-même dans son.
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