Georg W. F. Hegel, Médiation (1808), tract. M. de Gandillac, Denoël
Publié le 15/05/2020
Extrait du document
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"La vengeance se distingue de la punition en ce que l'une est une réparationobtenue par un acte de la partie lésée, tandis que l'autre est l'oeuvre d'un juge.C'est pourquoi il faut que la réparation soit effectuée à titre de punition, car,dans la vengeance, la passion joue son rôle et le droit se trouve ainsi troublé.De plus, la vengeance n'a pas la forme du droit, mais celle de l'arbitraire, car lapartie lésée agit toujours par sentiment ou selon un mobile subjectif.
Aussi bienle droit qui prend la forme de la vengeance constituant à son tour une nouvelleoffense, n'est senti que comme conduite individuelle et provoque,inexpiablement, à l'infini, de nouvelles vengeances."
Georg W.
F.
Hegel, Médiation (1808), tract.
M.
de Gandillac, Denoël
Ce que défend ce texte:
Hegel expose dans ce texte les raisons pour lesquelles il ne faut pas confondre lapunition qu'inflige un juge à un condamné, avec une simple vengeance. Une première distinction repose sur l'identité de celui qui inflige la réparation.
Lorsque celle-ci émane de la victimeou de ses proches (« la partie lésée »), il ne peut s'agir que d'une vengeance, quelle que soit la forme qu'elle puisseprendre et quel que soit le degré de clémence qui puisse en émaner.Seule la punition est l'oeuvre du juge, dispensateur de la justice, et Hegel réserve à son activité ce dernier terme.Cette distinction est-elle légitime ? Sa légitimité repose, nous dit-il, dans le « mobile » (ou motif) qui inspire etcommande l'exécution de la réparation.Dans la vengeance, la passion joue son rôle, lorsque sous l'emprise de la colère et de la haine, la partie lésée agitsans délibérer.
Or, dans ce cas, le droit se trouve « troublé », car la raison aveuglée par la haine perd sa lucidité etla capacité de juger en toute équité la nature du délit en question.
Tous les éléments qui déterminent la qualitédélictueuse de l'acte incriminé (la motivation du coupable, le contexte du délit, leséventuelles circonstances atténuantes ou aggravantes, etc.), ne peuvent faire l'objet d'une délibération, d'unexamen équitable par rapport à la loi et à l'échelle des peines qu'elle fixe en fonction de ces circonstances.
Étant «partie prenante », la partie lésée ne peut pas juger en toute équité ou bien, si elle y parvient, son équité pourratoujours être suspectée, pour la seule raison qu'elle est « la partie lésée ».La vengeance n'a donc pas la forme du droit, car elle n'est le fruit d'aucun examen contradictoire, où s'opposentaccusation et défense.
Elle est arbitraire, c'est-à-dire qu'aucune règle préétablie et universelle ne vient mesureréquitablement la nature du délit et la peine qui lui correspond.En effet, en fonction des situations, les uns se vengeront d'une manière plutôt qu'une autre, avec plus ou moins desévérité ou de cruauté.
Or cette irrégularité de fait dans l'application d'un châtiment est contraire au droit, qui poseun ordre qui s'applique à tous.Autrement dit un criminel ne doit pas devoir la clémence dont il bénéficie ou la sévérité qu'il endure au hasard del'humeur de ses victimes ou de leurs proches.
Une telle variation serait la forme même de l'iniquité et de l'injustice.
Ce à quoi s'oppose cet extrait:
Hegel s'oppose à tous ceux qui confondent punition et vengeance et se méprennent ainsi sur le véritable sens de lajustice.Le juge ne représente pas, en effet, la partie lésée, mais l'État et la société, et son jugement doit être impartial.Son impartialité repose d'abord sur le principe qu'il est extérieur au litige ou au délit, c'est-à-dire qu'il n'appartient niau parti de la victime ni à celui du coupable.
On pourrait cependant se demander si parfois le droit ne revêt pas lecaractère de la vengeance, sans se présenter ouvertement comme telle.Lorsqu'une « justice » sans procès ou sans parole donnée à la défense s'exerce, comme par exemple dans un Étattyrannique, n'a-t-on pas affaire à une vengeance qui se fait passer pour une punition ?Hegel nous montre que de telles situations existent et qu'une telle justice n'est alors qu'une vengeance déguisée,car elle ne délibère pas et applique un équilibre aveugle et injuste qu'on retrouve souvent dans les vengeancesprivées.
Elle suscite alors à son tour de nouvelles vengeances en inspirant chez celui qui a été puni ou chez sesproches un profond sentiment d'injustice qui les transforme eux aussi en « partie lésée ».Ce processus peut se poursuivre à l'infini, comme dans les vendettas interminables qui opposent parfois des famillesentières sur plusieurs générations.
Or le droit a précisément pour fonction, en rendant la justice, de mettre fin à cecycle infernal..
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