GARNIER, Robert
Publié le 16/05/2020
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GARNIER (1545-1590)
Garnier, qui fut avocat, puis conseiller au présidial du Maine et lieutenant criminel, consacra ses loisirs à la littérature.
Il alaissé, outre des poésies (en particulier une émouvante élégie à la mémoire de Ronsard), sept tragédies et une tragi-comédie, composées entre 1568 et 1583.
L'OEUVRE DRAMATIQUE DE GARNIER
Garnier fut d'abord à l'école de Sénèque; ses quatre premières tragédies, Porcia, Hippolyte, Cornélie, Marc-Antoine,surchargées de maximes, de réflexions morales, de tirades conventionnelles, sont peu fournies en événements, lentes etcomme figées.
Puis Garnier, tout en demeurant fidèle à Sénèque, s'inspira aussi des tragiques grecs : dans la Troade,dans Antigone, il fond les données de plusieurs pièces grecques et latines : d'où un certain manque d'unité, mais aussiune intrigue mieux fournie, une action un peu plus mouvementée.
Enfin Garnier composa ses pièces les plus originales :Bradamante, la première en date de nos tragi-comédies, dont l'action se déroule au temps de Charlemagne, et les Juives,une tragédie biblique, son oeuvre la plus célèbre.
Les Juives.
Le roi d'Assyrie Nabuchodonosor a vaincu le roi juif Sédécie qui avait trahi son alliance; il l'a amené en captivité à Babyloneavec sa suite.
Dans une invocation lyrique, le prophète Jérémie supplie Dieu de prendre en pitié, malgré ses crimes, lemalheureux peuple d'Israël; puis le choeur des femmes juives, remontant aux origines du mal, rappelle le péché originel etle déluge ( acte I).
Nabuchodonosor triomphant s'apprête à châtier Sédécie; le choeur, puisant à nouveau dans l'histoiresainte des motifs de honte et d'inquiétude, rappelle le séjour des Juifs en Égypte et le culte idolâtre du veau d'or.
Amital,mère de Sédécie, mêle ses plaintes à celles du choeur et va implorer la pitié de la reine d'Assyrie.
Le choeur des Juives ditadieu à sa patrie lointaine (acte II).Nabuchodonosor consent à épargner la vie de Sédécie, mais il lui réserve de cruels tourments; il accueille avec une froideurpolie et implacable Amital et sa suite : égarée par ses paroles équivoques, la vieille femme reprend confiance; mais lesJuives sont trop désolées pour s'arracher à leur nostalgie (acte 111).
Sédécie s'apprête à mourir; il essaie d'abord defléchir son vainqueur, puis se répand en imprécations contre lui.
Le choeur évoque avec amertume le luxe et les joiesd'autrefois.
Cependant on vient arracher aux femmes les enfants de Sédécie.
Le choeur dit l'inconstance de la fortunehumaine et la toute-puissance de Dieu ( acte IV).
Nabuchodonosor a fait massacrer les enfants et le grand-prêtre Sarrée;Sédécie a eu les yeux crevés.
Le prophète tire la leçon de cette cruelle aventure (acte V).
Le sentiment tragique.
— A défaut de la progression mouvementée qu exige le goût moderne, on trouve dans les piècesde Garnier l'intelligence profonde du tragique, tel que le concevaient les anciens.
Dans chacune de ses pièces, on assiste àun acheminement implacable, sans surprises, sans interventions extérieures, vers un dénouement cruel.
Porcia est acculéeau suicide, Phèdre succombe à sa passion, la famille d'OEdipe subit la malédiction divine, le châtiment de Sédécie dépasseen sévérité toutes les appréhensions d'Amital et de sa suite.
Chaque scène atteste la rigueur d'une fatalité qui opprimel'homme impuissant et finalement le broie.
Le lyrisme.
— L'émotion née de la pitié ou de la crainte qu'on éprouve pour les douloureux vaincus est accrue parl'intensité qu'ils mettent dans l'expression de leur tourment.
Poète-né, Garnier a composé sur des rythmes divers de fortbelles strophes, qui épanchent la désolation, l'horreur, la nostalgie et tous les mouvements d'une sensibilité qu'éprouventles événements.
En dehors même des choeurs, on admire souvent, dans les tragédies de Garnier, la beauté d'un élan,d'une invocation ou d'un cri.
Porcia fait appel à la conjuration des forces naturelles pour achever sa disgrâce : « O terre! ôciel! ô mers! ô planètes luisantes! »; Phèdre révèle son trouble profond : « Ah! Phèdre, ah! pauvre Phèdre, où as-tu miston coeur?...
»; OEdipe annonce sa farouche résolution : « Je veux me séparer moi-même de mon corps...
»; Antigone ditadieu à la vie et à ses amours : « Hémon, mon cher Hémon, vous ne me verrez plus...
»L'éloquence.
— Garnier est orateur, autant que poète.
Il n'évite d'ailleurs pas toujours le verbalisme, l'enflure, lesredondances.
Mais il sait agencer un monologue, développer une tirade soutenue; et il tire d'étonnants effets durapprochement ou du heurt des mots.
Il excelle dans les dialogues pressés, où les personnages se répondent d'un vers àl'autre :
Qui pardonne à quelqu'un le rend son redevable.
— Qui remet une injure, il se rend méprisable.
Ce procédé confère à certains passages une vivacité remarquable et apparente la manière de Garnier à celle de Corneille..
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