Gargantua chapitre 27 analyse linéaire
Publié le 07/03/2025
Extrait du document
«
Introduction :
Au XVIe siècle, François Rabelais, après avoir quitté les ordres en 1528 pour étudier la
médecine, se trouve confronté à des accusations d'apostasie et d'hérésie.
Néanmoins, il
bénéficie de la protection du cardinal Jean du Bellay, ce qui lui permet de poursuivre son
œuvre critique envers les institutions ecclésiastiques de son temps.
À travers son œuvre,
Gargantua et plus précisément le personnage de Frère Jean des Entommeures, un moine
vivant et drôle, Rabelais souhaite véhiculer des qualités humanistes tout en critiquant
l'institution monastique avec verve et intelligence.
Ce personnage apparaît notamment dans
un épisode où il s'efforce de sauver les vignobles de Seuilly, révélant ainsi la complexité des
enjeux face aux dangers qui menacent directement les biens de son monastère.
Cet
épisode, chargé d'une dimension symbolique et allégorique, soulève un débat profond sur la
bonne attitude à adopter en situation de crise.
C'est dans ce contexte que nous nous posons
la question suivante : comment Rabelais présente-t-il ce Frère Jean des Entommeures pour
mieux porter des valeurs humanistes au cœur d’un débat sur le rôle des moines dans une
société en plein bouleversement ? Cette analyse se déploie en trois mouvements principaux
: d'abord un portrait paradoxal du moine, ensuite la révélation d'un péril qui met en lumière
les véritables préoccupations monastiques, et enfin, l'examen des propos tenus par Frère
Jean, oscillant entre ivresse et sagesse.
Permettez-moi maintenant de vous lire l’extrait étudié : Lecture
Premier mouvement : Portrait paradoxal de Frère Jean
Ce premier mouvement commence par la description physique de Frère Jean, qualifié de «
jeune, gaillard, fringuant ».
Cette série d'adjectifs, une gradation, accentue son énergie et
sa vigueur, ce qui contraste fortement avec la sérénité habituellement associée à la vie
monastique.
Cette accumulation souligne non seulement sa jeunesse mais évoque
également une image presque héroïque.
La transition vers les qualités morales, le décrivant comme « joyeux, hardi, aventureux,
décidé », utilise encore la technique de la gradation pour construire une image de caractère
et de tempérament qui complète sa force physique.
Cela suggère que son énergie est aussi
morale et spirituelle, introduisant une complexité dans sa personnalité qui le distingue dans
le cadre monastique.
En décrivant Frère Jean comme « haut, maigre, bien fendu de gueule, bien servi en nez »,
Rabelais emploie une antithèse entre ses traits physiques et l'expression populaire, ajoutant
une touche d'humour.
Ce mélange de langage élevé et familier enrichit le portrait en le
rendant à la fois grandiose et terre-à-terre, ce qui le rend plus relatable et vivant.
Les qualifications de Frère Jean en tant que « beau dépêcheur d’heures, beau débrideur de
messes, beau décrotteur de vigiles » sont ironiques et critiquent subtilement la manière dont
les pratiques religieuses peuvent devenir mécaniques.
Ces expressions illustrent une
métaphore filée où les activités spirituelles sont comparées à des tâches physiques et
routinières, critiquant ainsi leur exécution superficielle.
La phrase, « un vrai moine s'il en fut jamais depuis que le monde moinant moina de
moinerie », est un exemple de polyptote, un jeu sur les variations d'un même mot, qui
ajoute une dimension ludique à la critique.
Cela met en lumière la redondance et peut-être
l'absurdité de certaines pratiques monastiques, tout en soulignant la singularité de Frère
Jean par rapport à ses contemporains.
Dans ce premier mouvement, le portrait de Frère Jean des Entommeures, tel que Rabelais
nous le présente, est saturé de contrastes et de complexités qui le distinguent des figures
monastiques traditionnelles.
L'utilisation habile de la gradation, de l'antithèse, et du polyptote
non seulement enrichit la description avec une variété de nuances stylistiques mais sert
aussi à critiquer subtilement les pratiques monastiques routinières et mécaniques.
À travers
ce portrait vibrant et dynamique, Rabelais ne se contente pas de peindre un moine unique ;
il questionne et remet en cause les valeurs et les comportements attendus au sein de
l'institution monastique.
Deuxième mouvement : Un péril révélateur
Ce deuxième mouvement s'ouvre avec Frère Jean qui, intrigué par les bruits suspects
venant du clos de la vigne, prend l'initiative de sortir pour enquêter sur la source de ces
perturbations.
L'emploi du passé simple, « sortit pour voir », marque un moment d'action
décisive et est caractéristique des récits où chaque verbe d'action propulse l'intrigue.
Cette
décision d'agir est une illustration claire de son approche pragmatique et directe face aux
problèmes, contrairement à l'attitude des autres moines que nous découvrirons plus loin.
En découvrant que des ennemis sont en train de vendanger illicitement le clos, mettant en
péril la réserve de vin nécessaire pour toute l'année, l'urgence de la situation est
immédiatement amplifiée.
Ce détail crucial révèle non seulement une menace physique
mais soulève aussi des implications plus profondes sur la sécurité et l'autonomie de
l'abbaye.
La tournure, « il s’en retourne », utilisée ici au présent, souligne la rapidité de sa
réaction, un changement de temps verbal qui sert à intensifier la sensation d'immédiateté et
de contemporanéité de l'action.
De retour au chœur de l'église, Frère Jean trouve les autres moines « tout abasourdis
comme fondeurs de cloches », une métaphore qui illustre leur état stupéfait et passif.
Cette
comparaison avec les fondeurs de cloches, traditionnellement exposés au bruit intense qui
pourrait les rendre temporairement sourds, est utilisée ici pour symboliser comment les
autres moines sont rendus inactifs, non par le bruit, mais par leur routine monotonique et
isolée de la réalité extérieure.
Leur chant, composé d'une suite absurde de syllabes « Ini - nim - pe - ne - ne - ne - ne », est
une déformation comique des prières latines qui devraient normalement invoquer protection
ou réconfort.
Cette répétition de syllabes, formant une figure de style connue sous le nom
d'onomatopée, est rendue encore plus ridicule par son manque apparent de sens ou de
connexion avec la situation critique à l'extérieur.
Cela non seulement critique leur
déconnexion de la réalité mais suggère également une forme de critique sociale de Rabelais
sur la vacuité des rituels religieux qui ne répondent pas aux besoins immédiats et tangibles.
Ainsi, à travers ce mouvement, Rabelais utilise le contraste frappant....
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