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François-René de Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, 1re partie, livre IX, 12

Publié le 29/06/2020

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« En 1792, l'armée royaliste à laquelle appartient Chateaubriand assiège les troupes révolutionnaires à Thionville, L'attaque devint plus vive de notre côté. C'était un beau spectacle la nuit : des pots-à-feu t1) illuminaient les ouvrages de la place, couverts de soldats ; des lueurs subites frappaient les nuages ou le zénith bleu, lorsqu'on mettait le feu aux canons, et les bombes, se croisant en l'air, décrivaient une parabole de lumière. Dans les intervalles des détonations, on entendait des roulements de tambour, des éclats de musique militaire, et la voix des factionnaires (2) sur les remparts de Thionville et à nos postes ; malheureusement, ils criaient en français dans les deux camps : « Sentinelles, prenez garde à vous ! » Si les combats avaient lieu à l'aube, il arrivait que l'hymne de l'alouette succédait au bruit de la mousqueterie (31 tandis que les canons qui ne tiraient plus, nous regardaient bouche béante silencieusement par les embrasures. Le chant de l'oiseau, en rappelant les souvenirs de la vie pastorale, semblait faire un reproche aux hommes. Il en était de même lorsque je rencontrais quelques tués parmi des champs de luzerne en fleurs, ou au bord d'un courant d'eau qui baignait la chevelure de ces morts. Dans les bois, à quelques pas des violences de la guerre, je trouvais de petites statues des saints et de la Vierge. Un chevrier, un pâtre, un mendiant portant besace, agenouillés devant ces pacificateurs, disaient leur chapelet au bruit lointain du canon. François-René de Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, 1re partie, livre IX, 12 (1) Pots-à-feu : récipients contenant des substances inflammables, destinés à l'éclairage. (2) factionnaires : sentinelles. (3) mousqueterie : décharge d'armes à feu.Vous ferez de ce texte un commentaire composé. Sans dissocier l'analyse du fond de celle de la forme, vous pourriez par exemple étudier comment le jeu des oppositions fait ressortir le jugement désabusé que porte Chateaubriand sur la guerre. ? C' est une belle page colorée d'abord, plutôt lyrique ensuite. Mais ce qui frappe, c'est que les deux paragraphes semblent très différents. Cependant sous ces deux peintures opposées, un lien se tisse tantôt glissé par une remarque discrète, tantôt nettement appuyée, mais surtout apparaissant entre les lignes : le sentiment de la folie des hommes dans la guerre. Le terme le plus intéressant dans le libellé accompagnateur est « désabusé ». ? Ne pas oublier que les Mémoires d'outre-tombe sont écrits dans la deuxième partie de la vie de Chauteaubriand. Il les commence à plus de cinquante ans et après une vie déjà fort mouvementée. Il a ainsi cru en beaucoup de valeurs et été bien souvent* désabusé ». Le ton est donc à la fois apparemment objectif, réellement très subjectif, à la fois distancié et attristé, présent et lointain. Introduction ? Comme plusieurs hommes célèbres de son siècle, spécialement Fouché et Talleyrand, Chateaubriand a eu le dangereux privilège de vivre sous de multiples régimes : monarchie absolue d'avant 1789, Révolution, émigration, Consulat, Empire, Restauration de Louis XVIII, monarchie ultra de Charles X, monarchie Louis-Philipparde, Révolution de 1848. Il meurt en effet octogénaire en juillet 1848. Que de chaos observés et supportés ! ...»

« ÉPREUVE 18 Besançon, Dijon, Grenoble, Lyon, Nancy-Metz, Reims, Strasbourg Juin 1990 TEXTE En 1792, l'armée royaliste à laquelle appartient Chateaubriand assiège les troupes révolutionnaires à Thionville.

L'attaque devint plus vive de notre côté.

C'était un beau spec­ tacle la nuit : des pots-à-feu (I) illuminaient les ouvrages de la place, couverts de soldats ; des lueurs subites frappaient les nuages ou le zénith bleu, lorsqu'on mettait le feu aux canons, et les bombes, se croisant en l'air, décrivaient une parabole de lumière.

Dans les intervalles des détonations, on entendait des roulements de tambour, des éclats de musique militaire, et la voix des factionnaires (2 ) sur les remparts de Thionville et à nos postes ; malheureusement, ils criaient en français dans les deux camps : « Sentinelles, prenez garde à vous ! � Si les combats avaient lieu à l'aube, il arrivait que l'hymne de l'alouette succédait au bruit de la mousqueterie (3 l tandis que les canons qui ne tiraient plus, nous regardaient bouche béante silencieusement par les embrasures.

Le chant de l'oiseau, en rappelant les souvenirs de la vie pastorale, sem­ blait faire un reproche aux hommes.

Il en était de même lors­ que je rencontrais quelques tués parmi des champs de luzerne en fleurs, ou au bord d'un courant d'eau qui baignait la che­ velure de ces morts.

Dans les bois, à quelques pas des vio­ lences de la guerre, je trouvais de petites statues des saints et de la Vierge.

Un chevrier, un pâtre, un mendiant portant besace, agenouillés devant ces pacificateurs, disaient leur cha­ pelet au bruit lointain du canon.

François-René de Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, 1re partie, livre IX, 12 (1) Pots-à-feu : récipients contenant des substances inflammables, destinés à l'éclairage.

(2) factionnaires : sentinelles. (3) mousqueterie : décharge d'armes à feu.. »

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