François Mauriac écrit dans son journal intime : «J'ai pris le journalisme au sérieux. C'est pour moi le seul genre auquel convienne l'expression de littérature engagée. » Partagez-vous cette conviction du romancier ou, d'après vous, la « littérature engagée » peut-elle revêtir d'autres formes ? Vous appuierez vos réflexions sur des exemples précis.
Publié le 09/12/2021
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Quand Mauriac écrit ces lignes, cela fait trente ans que le problème de la littérature engagée est l'objet de fastidieux débats. Qu'est-ce donc que la littérature engagée? Mauriac a trouvé par hasard la solution. Elle était toute simple : la littérature engagée, c'est le journalisme.
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François Mauriac écrit dans son journal intime : «J'ai pris le journalisme au sérieux.
C'est pour moi le seul genreauquel convienne l'expression de littérature engagée.
» Partagez-vous cette conviction du romancier ou, d'aprèsvous, la « littérature engagée » peut-elle revêtir d'autres formes? Vous appuierez vos réflexions sur des exemplesprécis.
Quand Mauriac écrit ces lignes, cela fait trente ans que le problème de la littérature engagée est l'objet defastidieux débats.
Qu'est-ce donc que la littérature engagée? Mauriac a trouvé par hasard la solution.
Elle étaittoute simple : la littérature engagée, c'est le journalisme.
Ce n'est qu'à la fin de sa vie que Mauriac est venu au journalisme.
Le journal L'Express, peu de temps après sa fondation par Pierre Mendès France et Jean-Jacques Servan-Schreiber, lui offrit une chronique.
Très vite Mauriacl'utilisa à commenter l'actualité la plus brûlante : la guerre d'Algérie, le terrorisme d'un côté, la torture de l'autre.Bientôt sa chronique devint un événement politique.
Et lui-même, qui avait vécu jusqu'alors un peu en dehors dumonde actuel, lui dont les romans peignaient, dans un cadre provincial, l'âme humaine dans ce qu'elle a d'éternel, futamené à jouer pendant plusieurs années un rôle politique essentiel auquel rien ne l'avait préparé.
Qu'est-ce que s'engager pour un écrivain? Généralement on répond à cette question en disant que cela consistepour lui à défendre une cause politique à laquelle il apportera le renfort de son prestige personnel.
Mais il y a alorscontradiction; car dans ce cas, ce que l'écrivain investit dans cette cause politique, c'est une gloire qu'il a gagnéeen dehors de la politique.
La littérature engagée se nourrit de celle qui ne l'est pas.
En effet, ce qui valorise uneoeuvre engagée, c'est un prestige que son auteur a conquis d'abord en suivant les voies traditionnelles de lalittérature, loin de tout engagement.
Ni Lamartine, ni Hugo n'auraient eu en politique le poids qu'ils ont eu àcertaines époques, si l'un n'avait écrit Le Lac et l'autre Tristesse d'Olympio.
S'engager ne saurait donc consister seulement à prêter son nom à une cause, ni à se prononcer en faveur d'unparti.
Camus a bien montré dans le Discours de Suède qu'un tel engagement est en fait un asservissement. S'engager vraiment ce n'est pas suivre, ni même approuver; c'est agir; c'est descendre de son piédestal ou de satour d'ivoire pour se plonger dans le concret quotidien.
Le véritable engagement consiste à affronter les difficultés,non à bénir une partie des combattants.Le journalisme peut répondre à toutes ces exigences.
Comme son nom l'indique, il est un combat quotidien etdemande davantage qu'une signature au bas d'un manifeste tous les quatre ou cinq ans.
De plus il rencontre lesproblèmes concrets et oblige les intellectuels à se plier aux réalités.Enfin, et c'est le plus important, il impose un devoir de vérité qui préservera l'intellectuel engagé de la tentation laplus fréquente parmi celles qu'il peut subir : la tentation de tricher avec les faits et de renoncer à l'objectivité..
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