Francisque Sarcey affirmait: Je suis convaincu qu'un drame excellent doit se pouvoir jouer dans une grange et y réussir, tout aussi bien que sur une grande scène, où s'ajoute pourtant au mérite de l'oeuvre, la séduction du décor et du costume. Expliquez et discutez ?
Publié le 08/12/2021
Extrait du document
1. Le sujet se rapproche des deux précédents en ce sens qu'il nous invite à réfléchir sur l'essence du spectacle théâtral : cette essence est-elle dans le spectacle (« séduction du décor et du costume ») ou dans ce que Sarcey appelle d'un mot assez vague « le mérite de l'oeuvre »? 2. Mais il est beaucoup plus large, puisque Sarcey oppose à une décoration tout extérieure le mérite intrinsèque d'une pièce : la psychologie, l'intrigue et peut-être même le jeu des acteurs, la mise en scène, en excluant évidemment de cette dernière tout ce qui est lié à une richesse proprement visuelle. 3. Tel est sans doute le sens du mot « grange », qui ne suggère pas (contresens qui serait assez grossier, mais pas tout à fait impossible) un spectacle familier pour villageois! La « grange », où effectivement les troupes « comiques » d'autrefois ont joué plus d'une tragédie, symbolise ici l'absence presque totale de moyens matériels et réduit le spectacle à une sorte de vision abstraite des rapports entre les personnages, vision que l'auteur veut imposer à des spectateurs; en somme, elle se rapproche assez fortement de ces représentations de pièces classiques en complet veston et en robe de ville que l'on a parfois tentées dans des interprétations modernes. 4. Il semble donc qu'il faudra d'abord comprendre la position de Sarcey et essayer de dégager tout ce qui dans un drame (ce dernier mot mériterait une petite explication : Sarcey veut dire sans doute « toute oeuvre destinée à être représentée », sans donner au terme le sens étroit que le xviiie siècle, puis le romantisme lui ont conféré) peut constituer le « mérite » de l'oeuvre, indépendamment de la séduction du décor et du costume : finesse de la psychologie, mouvement de l'intrigue, force théâtrale, art d'imposer les situations, les mots, les coups de théâtre..., en se gardant évidemment d'une énumération, mais en montrant à chaque fois comment tous ces mérites sont indépendants d'une somptueuse décoration et se satisferaient « d'une grange » aussi bien que d'une « grande scène ». De bons exemples pourront être tirés du théâtre contemporain de Sarcey, de celui sur lequel s'exerça sa critique, notamment du théâtre d'Emile Augier et de celui d'Alexandre Dumas fils.
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1.
Le sujet se rapproche des deux précédents en ce sens qu'il nous invite à réfléchir sur l'essence du spectaclethéâtral : cette essence est-elle dans le spectacle (« séduction du décor et du costume ») ou dans ce que Sarceyappelle d'un mot assez vague « le mérite de l'œuvre »?
2.
Mais il est beaucoup plus large, puisque Sarcey oppose à une décoration tout extérieure le mérite intrinsèqued'une pièce : la psychologie, l'intrigue et peut-être même le jeu des acteurs, la mise en scène, en excluantévidemment de cette dernière tout ce qui est lié à une richesse proprement visuelle.
3.
Tel est sans doute le sens du mot « grange », qui ne suggère pas (contresens qui serait assez grossier, mais pastout à fait impossible) un spectacle familier pour villageois! La « grange », où effectivement les troupes « comiques» d'autrefois ont joué plus d'une tragédie, symbolise ici l'absence presque totale de moyens matériels et réduit lespectacle à une sorte de vision abstraite des rapports entre les personnages, vision que l'auteur veut imposer à desspectateurs; en somme, elle se rapproche assez fortement de ces représentations de pièces classiques en completveston et en robe de ville que l'on a parfois tentées dans des interprétations modernes.
4.
Il semble donc qu'il faudra d'abord comprendre la position de Sarcey et essayer de dégager tout ce qui dans undrame (ce dernier mot mériterait une petite explication : Sarcey veut dire sans doute « toute œuvre destinée à êtrereprésentée », sans donner au terme le sens étroit que le xviiie siècle, puis le romantisme lui ont conféré) peutconstituer le « mérite » de l'œuvre, indépendamment de la séduction du décor et du costume : finesse de lapsychologie, mouvement de l'intrigue, force théâtrale, art d'imposer les situations, les mots, les coups de théâtre...,en se gardant évidemment d'une énumération, mais en montrant à chaque fois comment tous ces mérites sontindépendants d'une somptueuse décoration et se satisferaient « d'une grange » aussi bien que d'une « grande scène».
De bons exemples pourront être tirés du théâtre contemporain de Sarcey, de celui sur lequel s'exerça sa critique,notamment du théâtre d'Emile Augier et de celui d'Alexandre Dumas fils.
On n'écartera pas, bien entendu, la tragédieclassique et encore moins le « genre sérieux » du xviiie siècle, mais il semble que Sarcey pense surtout aux pièces àla fois sociales et psychologiques qui ont fait la transition entre le drame romantique, trop attaché au flamboiementdes décors, et le Théâtre Libre, qui revient, par goût du réalisme, à une certaine primauté de la mise en scène etqui pense que le décor, « complément indispensable de l'œuvre, doit prendre, au théâtre, la place que la descriptiontient dans le roman » (Antoine).
Sarcey, normalien de la promotion 1848, se consacre exclusivement à la critiquedramatique entre 1860 et 1900 et applaudit volontiers à la conception traditionnelle, qui continue à voir dans lethéâtre un conflit de passions et d'intérêts plus qu'un spectacle.
Cette tradition traverse à peu près tout le xixesiècle, de La Dame aux camélias aux œuvres de Porto-Riche ou de Bernstein, sans jamais, du reste, s'opposerviolemment et nettement au drame romantique.
(Il serait assez maladroit d'interpréter le sujet comme une attaquecontre le drame romantique.).
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- Francisque Sarcey affirmait : « Je suis convaincu qu'un drame excellent doit se pouvoir jouer dans une grange et y réussir, tout aussi bien que sur une grande scène, où s'ajoute pourtant au mérite de l'œuvre, la séduction du décor et du costume. » ( Quarante ans de théâtre, tome VII, 1900-1902, Librairie des Annales.) Expliquez et discutez.
- Jean Genet, Préface de Les Bonnes : « Je vais au théâtre afin de me voir, sur la scène (restitué en un seul personnage ou à l'aide d'un personnage multiple et sous forme de conte) tel que je ne saurais - ou n'oserais - me voir ou me rêver, et tel pourtant que je sais être. Les comédiens ont donc pour fonction d'endosser des gestes et des accoutrements qui leur permettront de me montrer à moi-même, et de me montrer nu, dans la solitude et sans allégresse ». Expliquez et éventuellement d
- Montherlant écrit dans ses Notes de Théâtre (Théâtre, Bibliothèque de la Pléiade, p. 1075) : « Une pièce de théâtre ne m'intéresse que si l'action extérieure, réduite à la plus grande simplicité, n'y est qu'un prétexte à l'exploration de l'homme; si l'auteur s'y est donné pour tâche non d'imaginer et de construire mécaniquement une intrigue, mais d'exprimer avec le maximum de vérité, d'intensité et de profondeur un certain nombre de mouvements de l'âme humaine. » Expliquez et discutez
- Thierry Maulnier écrit dans son Racine (p. 70, Gallimard, édit.) : « Montrer sur la scène des monstres ou des meurtres, montrer du sang, montrer de brillants costumes ou des foules ou des batailles, tout cela est bon pour des primitifs, des romantiques ou des enfants. La grandeur et la gloire de l'homme sont d'avoir cessé de montrer parce qu'il a appris à dire. L'art le plus affiné et le plus complexe est nécessairement l'art où le langage - honneur des hommes, dit le poète - a la plac
- Chateaubriand a écrit : « Oh ! argent que j'ai tant méprisé et que je ne puis aimer quoi que je fasse, je suis forcé d'avouer pourtant ton mérite : source de la liberté, tu arranges mille choses dans notre existence, où tout est difficile sans toi. Excepté la gloire, que ne peux-tu pas procurer ? Avec toi on est beau, jeune, adoré ; on a considérations, honneurs, qualités, vertus. Vous me direz qu'avec de l'argent on n'a que l'apparence de tout cela : qu'importe si je crois vrai ce qui