Francisco de Toledo1517-1582Lorsque Don Francisco de Toledo prend en main le gouvernement de l'immense colonieespagnole du Pérou, en 1569, il n'y a pas encore quarante ans que les Espagnols de Pizarreont envahi le Tawantinsuyu, c'est-à-dire l'Empire des Incas.

« Francisco de Toledo 1517-1582 Lorsque Don Francisco de Toledo prend en main le gouvernement de l'immense colonie espagnole du Pérou, en 1569, il n'y a pas encore quarante ans que les Espagnols de Pizarre ont envahi le Tawantinsuyu, c'est-à-dire l'Empire des Incas.

Certes, la conquête semble irréversible.

Un important mouvement indigène de rébellion messianique (le Taqui Oncoy ), inspiré et appuyé par le dernier Inca réfugié dans les Andes de l'Est, a fait long-feu quatre ans plus tôt, en 1565.

Les conquistadores turbulents, qui s'étaient entre-déchirés pour se disputer la proie, se sont apaisés.

À l'extérieur, la menace permanente des “ nations hérétiques ” qui envoient leurs pirates dans la mer du Sud (le Pacifique), à travers le détroit — mal gardé — de Magellan, a été jusque-là tant bien que mal conjurée. Mais si la conquête est chose faite, il reste à asseoir la colonisation, c'est-à-dire l'exploitation du pays, l'hispanisation, la christianisation des indigènes.

Ce n'est pas chose aisée.

Le fabuleux butin de l'or, arraché naguère aux temples et aux sépultures, est épuisé et la production de la non moins fabuleuse mine d'argent de Potosi, dans le haut Pérou, fléchit de façon inquiétante.

Le matériau humain, indispensable à l'extraction minière comme à l'agriculture, a été si malmené qu'une baisse démographique vertigineuse compromet la mise en valeur du pays.

Les Indiens fuient les centres occupés par les Espagnols pour échapper à l'impôt, à la corvée, aux mauvais traitements et aux interdits qui frappent le libre exercice de la religion andine, dernier refuge de la personnalité culturelle et de la résistance ethnique des vaincus. Pour redresser cette situation, Philippe II a choisi un inconnu, ou presque : Don Francisco de Toledo, comte d'Oropesa, chevalier d'Alcantara, majordome du Palais.

Il a servi le roi en Italie, dans l'expédition d'Alger ; mais sa carrière fut sans éclat.

Lorsqu'il est nommé vice-roi du Pérou, le 30 novembre 1568, il a cinquante-deux ans.

Sans femme, sans enfants, ce personnage hautain, connu seulement pour son austérité, son ascétisme, pourra se consacrer entièrement aux affaires du gouvernement et à la mise en œ uvre de la nouvelle politique coloniale que vient de définir à son intention la Juanta Magna de Madrid, en 1568.

L'expérience prouvera qu'il appliquera — et dépassera — les instructions royales, avec un zèle et un acharnement exceptionnels. Arrivé à Lima — la Ville des Rois — le 30 novembre 1569, Toledo entreprend dès le 22 octobre 1570, une visite générale du territoire qui le conduira à Huarochiri, Jauja, Huamanga, Cuzco (1571-1572), La Paz, Chuquisaca (1573-1574), au cours de laquelle il fait procéder à des “ enquêtes ” en règle sur le passé incasique (interrogatoires de vieux Indiens) connues sous le nom de “ Informaciones ” .Il s'agissait là d'un instrument de propagande légaliste destiné à détruire les thèses indigénistes des partisans de Bartolomé de Las Casas et à fonder juridiquement — conformément aux propositions du théologien Francisco de Vitoria — la politique de liquidation de la souveraineté autochtone : les “ Informaciones ”contribuèrent à “ prouver ” que les Incas avaient été des tyrans et des usurpateurs, qu'ils avaient livré leur peuple à la religion des idoles et du diable et que, par conséquent, tout leur pouvoir, tous leurs biens (trésors des sépultures, terres…) devaient revenir au roi d'Espagne qui pouvait en disposer librement.. »