FONTENELLE

« FONTENELLE Après avoir fait ses débuts dans le monde comme bel esprit, Fontenelle, attiré par les sciences, vulgarise sous uneforme aimable les plus récentes découvertes.

De 1699, date à laquelle il est nommé secrétaire perpétuel del'Académie des Sciences, jusqu'à sa mort, en 1757, il se consacre uniquement à des travaux de savant.

Esprituniversel, Fontenelle a joué un rôle historique important, en incorporant, de façon définitive, la science à lalittérature. LE MONDAIN (1657-1686) Fils d'un avocat besogneux au Parlement de Rouen et de Marthe Corneille, sœur de Pierre et de Thomas Corneille,Bernard Le Bouvier de Fontenelle fit de solides études classiques chez les jésuites.

Il donne d'abord dans le belesprit : c'est sous cet aspect que La Bruyère l'a peint dans le portrait de Cydias.

Il fréquente les salons, composede petits vers.

Les Lettres galantes du chevalier d'Her*** qu'il fait paraître sans nom d'auteur, font penser par leurpréciosité alambiquée à Voiture et à Benserade.

Les Dialogues des morts (1683), à la manière de Lucien, mettent enprésence les couples les plus disparates : Sénèque et Scarron, Paracelse et Molière, Phryné et Alexandre, quimanient le paradoxe au cours de discussions littéraires ou philosophiques.

Mais déjà le libertin frondeur perce sous lemasque mondain. LE VULGARISATEUR (1686-1699) Dans le dernier tiers du XVIIe siècle, la science se propage chez les gens du monde, par la création de journaux, d'«académies », de « conférences ».

Fontenelle, attentif au progrès scientifique et toujours à l'affût de la mode, utiliseà son profit cet engouement, en écrivant ses Entretiens sur la pluralité des Mondes. Grâce à cet ouvrage, dont le succès établit sa notoriété, Fontenelle atteint à un double but : en mettant lescharmes de son esprit au service de la science, il sert de truchement entre les savants et les profanes; en donnantdes phénomènes célestes une explication rationnelle, il enlève à la nature son mystère et ébranle chez beaucoup lesentiment religieux. Stimulé par la réussite, Fontenelle écrit aussitôt un petit ouvrage de vulgarisation religieuse : L'Histoire des oracles(1687).

Dans un style alerte, il montre que les Anciens, qui croyaient aux prédictions des oracles, étaient victimesd'une absurde superstition.

Fontenelle est prudent, et ne s'attaque qu'aux croyances des païens; mais ses lecteurspouvaient penser que les prophéties du christianisme étaient, elles aussi, de dangereuses illusions; la foi dans lemerveilleux était entamée, l'esprit scientifique gagnait du terrain aux dépens de l'esprit religieux. LE SAVANT (1699-1757) La fonction de secrétaire perpétuel de l'Académie des Sciences augmente l'autorité de Fontenelle.

Dépouillant le belesprit, il poursuit son œuvre de vulgarisation, mais sur un plan supérieur, en écrivant ses Éloges académiques.

Ilexpose avec sa lucidité habituelle les travaux de Descartes, de Malebranche, de Leibniz, de Newton, et il offre ainsiau grand public une synthèse des progrès scientifiques accomplis en un siècle.

Enfin, dans des Préfaces d'ouvragessavants, Fontenelle s'élève à des principes généraux et propage des idées hardies ; il précise la notion même descience, encore mal établie, affirme que l'univers entier doit être soumis à ses lois, et, reprenant une idée chère àDescartes, il insiste sur la solidarité des diverses sciences, qui s'éclairent mutuellement : « Toutes les véritésdeviennent plus lumineuses les unes par les autres.

» L'INFLUENCE DE FONTENELLE Moins apparente que celle de Bayle, l'influence de Fontenelle a été tout aussi considérable.

Fontenelle fut un esprituniversel : son activité s'est exercée dans tous les domaines, poésie, littérature, philosophie, science, religion,politique.

Désormais, l'homme de lettres élargit son horizon à toutes les questions humaines.

Fontenelle a été lepremier intermédiaire entre les hommes de science et les gens du monde.

« L'ignorant l'entendit, le savant l'admira», dira de lui Voltaire.

A son exemple, l'homme de lettres va abandonner la solitude de son cabinet, pour répandre lesidées philosophiques et scientifiques.

Enfin, selon le mot de Vauvenargues, Fontenelle « a donné de nouvelleslumières au genre humain ».

Libérant les esprits des préjugés de la routine, il a inculqué à ses contemporains la foidans la science et dans le progrès.. »