Fiche de lecture Andromaque, Racine
Publié le 25/09/2021
Extrait du document
«
Fiche de lecture : Andromaque , Racine
I.
PRESENTATION DE L'OEUVRE ET MISE EN CONTEXTE
A.
Andromaque synthèse de l'Antiquité et du goût classique
Au XVIIe siècle, la question de la fidélité à l'histoire et aux sources antiques est essentielle et constitue
un critère d'appréciation de la valeur littéraire d'une œuvre : dans la perspective classique de l'imitation des
Anciens, les auteurs doivent respecter le tempérament dont les auteurs grecs et latins ont doté les personnages ainsi
que le déroulé de l'histoire où ils s'illustrent, fût-elle mythologique..
Aussi, dans sa préface à Andromaque, Racine
s'empresse-t-il de citer ses sources (Virgile, Euripide et Sénèque).
Mais l'imitation des Anciens n'est jamais une
exigence de reproduction pure et simple : elle doit s'adapter aux valeurs et au goût contemporain .
A l'auteur de
trouver l'équilibre entre ces contraintes .
Si les Anciens ont fourni à Racine la trame légendaire de sa tragédie, son
oeuvre est avant tout une création originale, "synthèse inconnue jusqu'à lui entre l'Antiquité et Modernité" (Georges
Forestier, présentation d'Andromaque, Oeuvres complètes de Racine, Gallimard, coll Bibliothèque de la Pléiade,
1999).
Dans les versions respectives de Virgile et Euripide, après la chute de Troie, la jeune et belle Andromaque, veuve
du Troyen Hector, a été réduite en esclavage par le fils du héros grec Achille (Néoptolème chez Euripide et Pyrrhus
chez Virgile).
En la forçant de partager sa couche, il lui a donné un fils, Molossos, avant de la rejeter au profit
d'Hermione et de la donner à l'esclave Hélénus.
Dans les deux versions, fiancé à Hermione, sa cousine, avant la guerre
de Troie, Oreste tend un guet-apens au fils d'Achille, le tue et enlève celle qu'il n'a cessé d'aimer et qui lui rend son
amour.
A la suite de cette intervention, Andromaque devient reine d'Epire.
Ainsi, contrairement à ce qu'on observe
dans la pièce de Racine, dans l'œuvre de Virgile comme dans celle d'Euripide, ce n'est pas au fils d'Hector, Astyanax,
qu'Andromaque se dévoue, mais à celui de Pyrrhus ; le roi d'Epire n'est pas un soupirant malheureux : il a profité de sa
prisonnière, puis l'a dédaigné, il ne repousse pas non plus Hermione et celle-ci suit Oreste de son plein gré.
Il n'y a donc que quelques points communs entre les versions léguées par la tradition et celle de Racine :
Andromaque défendant son enfant, l'assassinat du roi par Oreste, le couronnement final d'Andromaque, ainsi que des
emprunts plus ponctuels du dramaturge aux Anciens.
Mais ils peinent à masquer l'éloignement de la pièce de celles de
ses modèles.
Aussi, elle fait l'objet de critiques de la part de puristes reprochant à Racine son manque de fidélité
envers les sources antiques.
L'auteur légitime ses choix dans une seconde préface en 1676.
Si Racine prend soin de modifier l'enchaînement des événement de la vie d'Andromaque fixé par les Anciens ,
il le fait pour respecter les règles classiques de vraisemblance et de la bienséance .
Il doit justifier la présence
d'Astyanax au côté de sa mère.
En effet, selon la plupart des sources mythologiques, le fils d'Hector a été jeté du haut
des remparts de Troie par Ulysse, au moment de la chute de la ville.
Alors que dans l'oeuvre de Racine, l'enfant doit sa
vie à une ruse d'Andromaque qui l'aurait sauvé de la mort en le remplaçant par un autre enfant au moment du meurtre.
Pour l'auteur, cette transformation est dictée par la vraisemblance , car elle est en adéquation avec la
représentation que le public se fait d'Andromaque, épouse fidèle à son mari par-delà la mort .
Implicitement, la
règle de bienséance joue aussi un rôle dans cette substitution de Molossos par Astyanax car, au XVIIe siècle, il était
impensable qu'un roi eût un enfant avec une captive avant d'être marié.
En outre, pour mobiliser les spectateurs, il fallait remettre en cause la passion réciproque d'Hermione et Oreste
établie par les Anciens afin de rétablir une chaîne amoureuse saisissante : Oreste aime Hermione, qui aime Pyrrhus,
qui aime Andromaque, qui aime Hector, qui est mort.
Le public de l'époque apprécie ce genre de schéma galant ,
dont il est familier : cela reflète en partie une réalité sociale du XVIIe siècle avec les mariages arrangés , mais
aussi du thème de la passion contrariée qui est omniprésent chez Corneille et les pastorales.
Cependant, en matière de tragédie, l'intrigue galante ne saurait à elle seule répondre aux aspirations des
spectateurs et des critiques .
En 1660, dans son Discours de l'utilité et des parties du poème dramatique , Corneille a
mis en garde les auteurs tragiques contre la tentation de flatter le public en lui proposant une intrigue dont l'amour
serait l'unique enjeu .
C'est pourquoi, la présence d'Astyanax, l'ambassade d'Oreste et les revendications des Grecs
sont des éléments inventés par Racine afin de relier la dimension galante de la pièce à un intérêt d'Etat , et ainsi
d'en éviter toute mièvrerie.
Sans ces modifications, le chantage de Pyrrhus à Andromaque serait moins crédible et
l'œuvre perdrait en intensité tragique.
Cependant, si la pièce marque les esprits, c'est en raison de la rupture qu'elle crée avec le modèle héroïque
traditionnel : les personnages capables de surmonter leurs passions, soucieux de gloire et vantant sans retenue leurs
exploits et leur vertu ne sont plus de mise.
Contrairement à ce qui se passe dans les pièces de Corneille, chaque sursaut
héroïque , chaque effort pour se dépasser est puni par l'échec, la folie, ou la mort : la faiblesse domine .
Oreste veut
enlever Hermione mais c'est lui qui cède finalement à ses instances en devenant un meurtrier contre son gré.
Alors
qu'il a vaincu Troie, Pyrrhus semble envahi par la culpabilité et incapable de dominer sa passion pour Andromaque.
Quant à Hermione, elle demande la mort de celui qui l'a humiliée, mais ne l'assume pas une fois le meurtre accompli..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Pour Antoine Adam, le théâtre de Racine représente « un monde cruel ; peuplé d'êtres passionnés et faibles, entraînés par les fatalités de leur sang ». Cette affirmation correspond-elle à la lecture Andromaque de Racine ?
- Fiche de lecture andromaque
- Lecture analytique Andromaque de Racine : Acte V scène 5.
- Britannicus [Jean Racine] - fiche de lecture.
- Racine, Andromaque, lecture analytique acte I, scène 1