Ferragus, chef des dévorants de Balzac (résumé et analyse)
Publié le 17/05/2020
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Théophile Gauthier le considérait comme “un visionnaire passionné”, Hector Berlioz comme l’auteur de “fictions aussi colorées que les rêves”, et tous voyaient en luile génie d’un artiste en qui se mêlent la fougue de l’esprit romantique et le désir insensé de décrire les mécanisme de la société.
“La Comédie humaine”, tel e st lenom de la gigantesque oeuvre qu’entreprit l’écrivain caché derrière l’éloge des premières lignes : Honoré de Balzac (1799-1850).À travers ce chef-d’oeuvre, Balzac s’est imposé en maître du réalisme, il utilise pour cela ce que l’on appelle couramment des effets réalistes pour donner l’illusiondu réel (les auteurs réalistes, selon Maupassant dans la préface de Pierre et Jean, sont en fait des Illusionnistes).Parmi ces effets, on peut citer : le nom des personnages, la reproduction de documents, le registre de langue approprié, et ce qui nous intéressera le plus dans cetteétude : la toponymie.Dans le roman Ferragus, Chef des Dévorants, de Balzac, l’étude du nom et du rôle des lieux (la toponymie) et plus particulièrement des rues, est presque aussiimportante que le dénouement de l’intrigue.Nous essaierons dans un premier temps de développer le mécanisme si complexe de la toponymie dans Ferragus, et dans un deuxième temps, nous tenterons d’endéceler les coulisses ...
L’oeuvre est introduite par une description détaillée et originale des rues de Paris, à qui l’auteur attribue des qualités ou des défauts.La première phrase (“Il est dans Paris certaines rues déshonorées autant que peut l’être un homme coupable d’infamie ...”) dévoile d’emblée au lecteur la tonalité duroman : ambiguïté totale d’un point de vue de registre.
En effet, réaliste dans le fond puisque le but de sa production répond parfaitement à la définition deMaupassant (évoquée dans l’introduction) mais complètement fantastique dans la forme puisque de nombreux passages (notamment celui-ci) présentent diversesmétaphores imaginaires, des éléments surnaturels (“Paris, le plus délicieux des monstres”), des personnifications (“des rues estimables, (...), des rues ouvrières ...”) ,etc.
Cette ambivalence entre le registre fantastique (généré entre autres par ces personnifications...) et le registre réaliste, qui crée un doute, une déroute de plus pourle lecteur; mais n’est-ce pas magnifique que de manier si adroitement la mécanique littéraire que l’on rend un texte réaliste vivant, et non pas un platement réaliste ?On constate que les rues énumérées (dans les trois premières pages), à première vue dans le but de décrire les différents aspects des rues de Paris, ont un secondintérêt : elle constitue un repère spatial énorme et contribuent ainsi à rendre le texte plus réaliste.
En quoi ces indications sont-elles des repères spatiaux ? puisqu’ausens premier, elles ne font que confirmer au lecteur l’hypothèse qu’il avait préalablement établit : l’action se déroule à Paris (assez évident puisque le roman Ferraguss’inscrit dans le sous-chapitre de la Comédie humaine : La vie Parisienne)? Non l’intention de l’auteur va plus loin, le choix des rues.
Toutes auraient pu êtreremplacées par d’autres rues de Paris présentant les mêmes caractéristiques si elles n’avaient pas été toutes situées dans le marais (à l’exception de la rue Royale quise trouvent à la limite de ce dernier ou de certaines rue de l’Île St-Louis se trouvant dans un arrondissement très proche, le 4ème).
Une seule rue ne s’inscrit pas danscette règle : Le Faubourg St Germain, énoncé à la page 86, il est en effet situé en plein 7ème arrondissement, nous allons voir dans la seconde partie pourquoi .Oublions cette exception.
Ainsi, par une allusion extrêmement fine, Balzac délimite le champ spatial de l’action (car Paris était certes précis, mais le champ aurait ététrès étendu) par la nomination de rues exclusivement situées dans quelques arrondissements.
Cet indice sera confirmé par la lecture du roman, on ne sort pas, en effet,du centre de Paris.Et tout cela concourt à la réalisation d’un texte réaliste.
L’illusion du réel reste maintenue, le lecteur croit à l’histoire puisqu’il retrouve dans le texte des élémentsqu’il connaît.
De plus, la perspicacité du choix des rues, comme vu précédemment, va accentué le fait que le lecteur se reconnaisse dans le récit, qu’il s’imagine dansle livre au milieu des personnages, dans un environnement qu’il lui est familier (ici, dans le Marais).
Il pourrait très bien, lui aussi, un soir, se promenait rue Pagevin(actuelle rue Hérold), rue Boubon (actuelle rue de Lille) ou place de la Rotonde-Du-Temple (actuelle rue Pérée), et rencontrait une dame dont il tombe amoureux ...C’est ainsi que l’auteur a décidé d’ordonner ses repères spatiaux-temporels, éléments fondateur du réalisme, en les dissimulant le plus souvent derrière des allusions,des métaphores, et toutes sortes de procédés stylistiques.
Pourquoi Balzac, à l’exception de certains endroits du texte, ne déroule-t-il pas sur un tapis tous ces indices“cachés” qui permettent de mieux comprendre, situer le texte ? C’est pour faire croire au lecteur qu’il les a trouvés lui-même, ainsi, il va maintenir l’intrigue en lemétamorphosant indirectement, à l’image d’Auguste de Maulincour, en espion, en détective, à l’affût de tout repère lui offrant la possibilité d’avancer dans le texte,de progresser, d’éclairer les mystères d’un homme......
Ferragus, chef des Dévorants
À plusieurs reprises, Balzac utilise les rues et leurs qualifications pour glisser une attaque, un procès.
En effet, l’auteur pose dans Ferragus un véritable problèmepolitique : il appelle à une prise de conscience des autorités de la capitale sur les conséquences désastreuses de l’insalubrité publique, surtout après l’épidémie decholéra de 1832.“Les rues étroites exposées au nord, où le soleil ne vient que trois ou quatre fois dans l'année, sont des rues assassines qui tuent impunément… Monsieur Benoistonde Châteauneuf a prouvé que la mortalité de ces rues était du double supérieure à celle des autres.
Pour résumer ces idées par un exemple, la rue Fromenteau n’est-elle pas tout à la fois meurtrière et de mauvaise vie?”
Il écrit dans cet extrait, que certaines rues connaissent un taux de mortalité plus grand que d’autres.
Il répète ses accusations à l’encontre du pouvoir et fait référenceaux « mathématiques sociales » de son temps qui révèlent l’inégalité des conditions de vie des parisiens, surtout les plus pauvres, par rapport aux provinciaux quiprofiteraient de la pureté de l’air.
Balzac aime sa ville et tente de tout don pouvoir de la protéger.Pour éviter des lacunes ou des oublis dans ce réquisitoire, Balzac étend sa description à toutes les formes de rues, à toutes les heures du jour et de la nuit parisienne.La presse qui s’est développée fait largement état de ces informations alarmantes.
Balzac, comme elle, accuse l’incompétence de l’administration, devenue à ses yeuxtrop bureaucratique (mais cela n’est pas précisé dans Ferragus).C’est tout de même intéressant de voir que cette soit-disante “description” de la société de son époque, n’est pas neutre, l’auteur n’agit pas telle une caméra quifilmerait le tout sans penser, lui, il prend parti, il s’affirme, il accuse, il pose des problèmes ...Suite à une analyse des personnages, on remarque que ces derniers présentent dans l’histoire les mêmes caractéristiques que les rues dans lesquelles le lecteur les arencontrés pour la première fois.
En effet, l’erreur d’Auguste (qui sera fatale pour le couple Desmarets et pour la vie de Clémence) est d’attribuer aux rues de Parisdes significations.
L’écrivain, amoureux de sa ville et la connaissant parfaitement, s’ingénie à donner une identité physique et morale aux rues qu’il examine.
Cettegéographie vivante est donc susceptible d’accueillir le hasard qu’aménage parfois la vie, dans ce qu’il a parfois de plus étrange, de plus incroyable.
Par exemple, lasurprise d’une rencontre avec une femme dans un lieu où elle ne doit pas être (“Elle, dans cette crotte, à cette heure !”), qui se poursuit en rebondissementsdramatiques comme dans un roman policier.
Si Auguste n’avait pas tous ces préjugés sur ces rues, et en particulier ici sur la rue rue Pagevin , il n’aurait pas songé à“tout ce qu’il y avait d’infamie possible pour une femme élégante, riche, jeune et jolie, à se promenait là, d’un pied criminellement furtif...” , et n’aurait pas détruitinvolontairement sa vie, et la vie d’un couple qui était pourtant si parfait.Ainsi, Clémence sur qui le doute et le mystère règne durant tout le roman, est présenté au lecteur dans des circonstances spatiales (la “mauvaise” rue) aussiintrigantes que le personnage lui-même.Un autre personnage correspond parfaitement à ce qui a été observé plus haut, c’est notre Auguste de Maulincourt.
En effet, on lit à la page 86 du roman que sajeunesse s’est déroulée rue du Faubourg St-Germain.
Cette indication nous aide à cerner le personnage d’Auguste, il n’est pas issu de la même classe que les autresfigures de l‘histoire, ce sont presque tous des Bourgeois (cette classe sociale ayant tant fructifié après la révolution française).
Mais lui, émanant d’une rue situé enplein 7ème arrondissement (quartier représentatif de l’aristocratie française) n’est donc pas un bourgeois, c’est un noble.
Et maintenant seulement, grâce, une fois deplus, à la richesse de l’enseignement des rues de Paris, on peut comprendre pourquoi, étant si amoureux de cette femme, Clémence, il ne va même pas songer uninstant à l’approcher, il se contentera de l’aimer en silence, à la façon des gentilshommes d’antan, c’est parce qu’il a des idées pures...
...des idées nobles.
Mais ce Faubourg St-Germain ne s’arrête pas là, il cache nombre de secrets.
Pour réussir à percevoir clairement le message que nous dit Maupassant à travers la page86, il faut organiser d’une façon quelque peu scientifique chaque information que l’on va découvrir.Premièrement, pourquoi Balzac a-t-il choisi comme champ spatial le centre de Paris, pourquoi pas le 5ème, le 7ème justement ou encore le 12ème par exemple ? Pourune raison simple, Paris peut être représenté par un disque, et pour que le disque tiennent tout droit dans l’espace, il faut planter un bâton ou une aiguille (peuimporte) en son centre, en un autre point, il s’inclinerait d’un côté ou de l’autre.
Et si cette représentation n’était qu’une métaphore ? Remplaçons le disque par par“L’AMOUR”, le centre par L’HARMONIE PARFAITE” et le bâton par “LE COUPLE” (ici, le couple de Jules et Clémence) : relisons la phrase.
On se rend alors.
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