Fayçal Ier
Publié le 16/05/2020
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Fayçal Ier
Le roi Fayçal est mort au faîte de son pouvoir, alors même qu'il achevait, malgré son âge et malgré les contradictions de son règne,d'émerger comme le chef le plus en vue et peut-être le plus influent du monde arabe.
Le règne à proprement parler est relativement court : une décennie (1964-1975) Mais son pouvoir et son influence remontent bien plus haut dans le passé et se fontsentir du vivant déjà d' Ibn Séoud , son père, fondateur de l'État saoudien.
Fondation à laquelle le jeune Fayçal est suffisamment mûr pour participer activement dès l'adolescence.
A dix-sept ans, il commande une partie des troupes de l'Ikwan.
Quatre ans plus tard, il achève pour le compte de son père la conquête du Hedjaz dont il seranommé vice-roi en amenant la capitulation de Djeddah.
Par-là, il s'impose aux yeux de tous comme un chef militaire de valeur et, atout non négligeable, gagne le respectde nombreux chefs de tribu.
Mais l'émir est autre chose qu'un homme de guerre.
Avec la chute de Djeddah, d'ailleurs, l'ère des conquêtes territoriales s'achève.
Unenouvelle phase s'ouvre pour l'Arabie, dans laquelle l'esprit d'organisation, le sens politique et la suite dans les idées comptent désormais davantage que les prouessesguerrières.
Sens politique et suite dans les idées, voilà des qualités dont Ibn Séoud n'a jamais manqué.
A la fougue et au génie de son père, Fayçal apporte néanmoins un complément précieux : sa capacité d'organisateur, le désir de doter le pays, au sommet, des institutions et des structures d'un État moderne.
Effort particulièrementnécessaire à la conduite d'une politique étrangère cohérente.
Domaine de prédilection de l'émir.
C'est là que Fayçal va désormais développer l'essentiel de ses talents, après avoir fondé, à l'âge de vingt-quatre ans, le ministèresaoudien des Affaires étrangères.
Sans doute, tant que vit Ibn Séoud , sa formidable personnalité domine la marche du royaume, et le rôle du fils, bien qu'important, demeure discret : il assiste, conseille, exécute.
S'il ne prend pas la décision, il l'élabore.
A ce jeu, dans lequel il doit ménager à la fois la susceptibilité de son père et lajalousie de ses frères, l'émir affine ses qualités de manœuvrier, tout en jetant déjà les bases de la politique qu'il poursuivra par la suite à la tête du royaume.
De plus, sesnombreux voyages à l'étranger lui permettent d'enrichir ses connaissances, sans pour autant le détourner des traditions rigoureuses dans lesquelles il a été élevé.
Mais iln'est pas non plus prisonnier de ces dernières au point d'ignorer les réalités du monde moderne.
Tout en refusant de s'abandonner aux tentations de l'Occident, le fils dudésert comprend que son pays n'a d'autre choix que d'utiliser l'or noir pour s'industrialiser et créer une société économiquement développée, avant que ne tarisse la sourcede ses richesses.
C'est le féodalisme plus l'électricité.
Les forces divergentes qui habitent Fayçal conservatisme social et modernisme industriel se retrouvent au niveau dela société et divisent l'élite dirigeante.
Ainsi ce qui va devenir les constantes contradictoires de sa carrière politique lui permettent presque naturellement d'avoir desappuis chez les ultra-conservateurs comme chez les modernistes.
L'émir saura en tirer parti pour s'imposer après la mort du père.
C'est à contrecœur que le défunt avait désigné Saoud , l'aîné de ses fils vivants, héritier du trône.
Brillant mais brouillon, ce fils prodigue ne pense, à l'opposé de son frère, qu'à l'immédiat.
Inquiète, la famille désigne Fayçal prince héritier et vice-président du conseil, puis président devant le gâchis que Saoud installe dans la conduite des affaires.
Si Saoud règne, Fayçal gouverne.
Mais le roi, malgré sa nonchalance et sa mauvaise santé, a pris à la fois goût au pouvoir et ombrage de la présence à ses côtés de son frère, auquel il rend de plus en plus difficile l'exercice des tâches gouvernementales.
Mais Fayçal se prépare, tire parti des inquiétudes qui grandissent à la cour tantchez les rigoristes que chez les réformistes pour y faire naître des espoirs.
Il profite de ses fonctions à la tête du gouvernement pour tisser, à travers le contrôle de lapolice et de l'armée la toile de son pouvoir.
Jusqu'au moment où, en 1960, paralysé par les interventions incessantes de son frère, il donne sa démission.
En réalité, ilrecule pour mieux sauter.
Deux ans plus tard, avec l'appui du clan familial, Fayçal s'arroge les pleins pouvoirs, avant d'amener son frère à l'abdication et à l'exil volontaireen 1964.
Resté seul maître à bord, Fayçal prépare lentement, prudemment, son pays à occuper sur la scène arabe et internationale la place quelui donne l'étendue de ses ressources.
Là encore, il ne craint pas de parvenir à ses fins à travers des politiques apparemmentcontradictoires.
A l'intérieur, il restaure la rigueur dans le fonctionnement et le budget de l'État mais laisse aux cohortes de princesoisifs leurs privilèges et leurs prébendes exorbitantes.
L'austérité et la modestie de sa vie privée devraient servir d'exemple quand iltolère tout alentour la débauche et le luxe insolent de nombreux courtisans.
Il imprime un élan vigoureux à l'enseignement (necraignant pas de mettre son autorité en jeu pour assurer l'ouverture de programmes destinés aux filles) mais s'oppose à l'évolution desmœurs.
En politique extérieure, l'épervier attend son heure.
Au cours des années 60, l'Arabie ne peut espérer l'emporter sur le nassérisme.
Mûpar l'une de ses obsessions les plus tenaces, la haine du communisme, et par le désir d'asseoir la puissance économique de son pays,Fayçal poursuit avec les États-Unis une politique d'étroite coopération, comme si les liens privilégiés entre Israël et Washingtonn'existaient pas faculté chez cet homme d'ignorer provisoirement la répugnance que lui inspire tout ce qui est juif.
Amitié américaine,guerre du Yémen, refus de brandir l'arme du pétrole, autant de signes trompeurs qui donnent du roi l'image d'un ami inconditionnel del'Occident.
Inconditionnel, il l'est, mais de l'Islam.
A l'heure où monte le nationalisme arabe, ce croyant voit dans la religion du Coran l'instrument d'unité le plus puissant du monde arabe.
D'autant plus que l'enthousiasme nassériste est en perte de vitesse depuis la cuisante défaite de juin 1967 ; défaite qui a notamment pour conséquence de mettre latroisième ville sainte de l'Islam, Jérusalem, aux mains des Israéliens.
Délivrer la ville des infidèles représente une mission sacrée, à travers l'accomplissement de laquellel'Arabie peut espérer récupérer le prestige évaporé de l'Égypte.
Pour Fayçal, il n'y a désormais plus de danger à aider cette dernière ; tout bénéfice au contraire puisquec'est permettre au Caire de desserrer le carcan soviétique, tout en s'assurant d'importants leviers sur la politique égyptienne.
Lorsque Sadate joue son va-tout en octobre1973, c'est Fayçal qui tient la carte maîtresse.
Et qui l'abat.
Arabes et Occidentaux comprennent rapidement que la vraie bataille n'est pas militaire et que son enjeu dépasse le Proche-Orient.
L'embargo sur le pétrole par les paysproducteurs représente un événement d'une portée beaucoup plus considérable que la traversée du canal.
C'est une véritable et brutale prise de conscience du puissant levierdont dispose le monde arabe.
Aux commandes de ce levier, un chef dont il semble qu'on ne scrutera jamais assez le visage : le port altier, la flamme austère, le profil aigu,mais surtout le rictus amer, la moue sèche et méprisante comme un défi dédaigneux jeté sur l'Occident.
L'autocrate conservateur cachait une sorte de révolutionnairepasséiste.
Sa révolution plonge ses racines et tire sa force de la culture islamique, mais elle laisse sans réponse les problèmes sociaux d'un monde en voie d'industrialisation.Si elle a partiellement répondu aux aspirations des peuples arabes en faisant trembler l'Occident, elle n'a pas contribué à résoudre les contradictions internes de l'ArabieSaoudite.
Lorsque Fayçal meurt assassiné, il n'est qu'au début de son règne..
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