Faut-il vouloir imposer la vérité ?
Publié le 14/04/2021
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«
Faut-il vouloir imposer la vérité?
Kant l’a remarqué, il est de la nature de l’homme de se poser inlassablement des questions,
de rechercher sans cesse la connaissance, d’atteindre la vérité.
Ce goût de l’homme pour la vérité
est le moteur qui permet aux scientifiques de réaliser constamment des découvertes, aux penseurs
d’élaborer de nouvelles théories, aux artistes de faire naître leurs créations.
Si le souhait de chacun
d’entre nous est d’avoir accès à la vérité, ceux qui la détiennent peuvent-ils cependant l’imposer ?
Imposer quelque chose, c’est le poser devant quelqu’un de manière à ce qu’il ne voit plus que
cela ; c’est donc livrer la vérité à autrui pour le détourner de l’erreur, de l’illusion, du mensonge.
Imposer la vérité, c’est forcer l’adhésion d’autrui en l’obligeant à accepter la vérité qu’on lui inflige.
La volonté d’imposer la vérité est-elle légitime ? D’une part, la vérité est nécessaire et libératrice.
D’autre part, celle-ci peut s’avérer inefficace, voire dommageable.
Enfin, cela revient à questionner
la volonté même d’imposer la vérité, ainsi que la nature de cette vérité.
Forte de l’idée inculquée dès le plus jeune âge que la vérité est une valeur désirable et qu’il
faut toujours la dire, la réponse intuitive à ce genre de problématique plaide pour la vérité à tout
prix.
Elle peut, effectivement, être nécessaire et libératrice.
Tout d’abord, la vérité pare l’ignorance : on peut considérer que les connaissances et
savoirs dits « de base » relèvent de la vérité.
Il paraît donc logique de transmettre cette vérité en
l’imposant, à travers l’école, notamment.
C’est ainsi qu’une conception universaliste soutient l’idée
selon laquelle la vérité est universelle et permanente dans le temps.
Par exemple, Malebranche
écrit, dans De la recherche de la vérité (1674), qu’il existe des vérités communes à tous les
hommes et toutes les époques, telles que des vérités mathématiques comme « 2+2=4 » ou des
vérités morales comme « il faut préférer son ami à son chien ».
Quelle que soit leur culture, tous
les hommes s’accordent sur ces vérités car ils possèdent une même capacité de raisonner.
En
quelque sorte, la vérité n’appartient à personne ; elle est universelle et éternelle, comme un fil qui
relie les hommes, sans distinction à travers le temps et qui dès lors, peut être imposée.
Ensuite, on peut imposer la vérité parce qu’elle se démontre.
C’est la vérité définie comme
cohérence du raisonnement qui s’impose, car un raisonnement valide est une démonstration dont
les propositions s’enchaînent nécessairement.
Pour accéder à la vérité, il faut sortir de ce doute qui
paralyse la pensée et adopter un doute cohérent et modéré.
C’est ce qu’entreprend René
Descartes dans ses Méditations métaphysiques (1641).
Après avoir douté de ses croyances, de
l’expérience sensible parfois trompeuse et des mathématiques, il parvient à une idée dont il ne
peut douter : lui, qui pense que rien n’existe, ne pourrait pas penser cela s’il n’existait pas.
Le «
cogito ergo sum » (en latin : « je pense donc je suis ») est l’intuition d’une vérité première, qui est
une évidence claire et distincte, à laquelle Descartes parvient au terme d’un doute raisonnable.
La
certitude qui témoigne d’une vérité, à la différence de l’évidence,ne se donne pas immédiatement
mais s’impose par la médiation d’une réflexion : c’est après avoir rejeté de nombreuses sources
d’erreurs (les préjugés de son temps, les sens,…) que Descartes parvient à l’évidence qu’il existe.
Ce
n'est donc que sur cette certitude que l'homme peut se prononcer en toute légitimité.
Pour toute
autre affirmation, il faut pratiquer le doute.
La méthode cartésienne est en effet de considérer
comme absolument faux « tout ce en quoi je pourrait imaginer le moindre doute ».
Pour
Descartes, il faut que la vérité s'impose avec évidence dans notre esprit, de façon claire et
distincte, sans qu'elle ne découle d'autres idées qui ne seraient pas vérifiées.
Il s'agit donc de
procéder par démonstration, d'évidences en évidence, pour être certain de la légitimité de notre
savoir.
On est donc en mesure d'imposer la vérité lorsqu’elle est acquise par une démonstration.
»
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