Extrait de l'acte III, scène 6: commentaire - Lorenzaccio de Musset
Publié le 24/01/2021
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L'argument de la chaleur florentine (« C'est le soleil étouffant qui nous pèse ») prête à sourire, quand on sait la modération du climat de la Toscane, et surtout quand on se rappelle que l'action se déroule en hiver1. La marquise parle comma la Phèdre de Racine, qui accuse le soleil implacable de « peser » sur sa destinée. Ne rêve-t-elle pas de faire de son Alexandre un héros de tragédie, jouet de forces qui le dépassent ? Le style imagé et noble qu'elle emploie va dans ce sens, quand elle parle du « sang qui coule violemment dans ces veines brûlantes » (I. 5).
«
Extrait
de
l'acte Ill, scène 6
LA MARQUISE.
-Ah ! je m'emporte, je dis ce que je ne
veux pas dire.
Mon ami, qui ne sait pas que tu es brave ?
Tu es brave comme tu es beau.
Ce que tu as fait de mal,
c'est ta jeunesse, c'est ta tête -que sais-je, moi? c'est le
5 sang qui coule violemment dans ces veines brûlantes,
c'est ce soleil étouffant qui nous pèse.
-Je t'en supplie,
que je ne sois pas perdue sans ressource; que mon nom,
que mon pauvre amour pour toi ne soit pas inscrit sur
une liste infâme.
Je suis une femme, c'est vrai, et si la
1 0 beauté est tout pour les femmes, bien d'autres valent
mieux que moi.
Mais n'as-tu rien, dis-moi -dis-moi
donc, toi ! voyons ! n'as-tu donc rien, rien là?
Elle lui frappe le cœur.
LE DUC.
-Quel démon ! Assied�^NC donc là, ma
15 petite.
LA MARQUISE.
-Eh bien ! oui, je veux bien l'avouer,
oui,j'ai de l'ambition, non pas pour moi-mais toi! toi,
et ma chère Florence ! -Ô Dieu! tu m'es témoin de ce
que je souffre !
20 LE
DUC.
-Tu souffres ? qu'est-ce que tu as?
LA MARQUISE.
-Non, je ne souffre pas.
Écoute !
écoute ! Je vois que tu t'ennuies auprès de moi.
Tu
comptes les moments, tu détournes la tête -ne t'en va
pas encore -c'est peut-être la dernière fois que je te
25 vois.
Écoute ! je te dis que Florence t'appelle sa peste
nouvelle, et qu'il n'y a pas une chaumière où ton portrait
ne soit collé sur les murailles, avec un coup de couteau
dans le cœur.
Que je sois folle, que tu_ me haïsses
demain, que m'importe ? tu sauras cela..
»
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