Expliquez et justifiez ce mot de Jules Lemaître : « Le Cid est un accident dans la carrière dramatique de Corneille ».

« Expliquez et justifiez ce mot de Jules Lemaître : « Le Cid est un accident dans la carrière dramatique deCorneille ». PLAN DE DISSERTATION Introduction : Que signifie le mot de Jules Lemaître ? Que le Cid ne répond pas à la conception que Corneille se fait ordinairement de la tragédie.

Quelle est donc cette conception, et en quoi Le Cid s'en écarte-t-il ? Telles sont lesdeux questions qui se posent ici. I.

Ce que Corneille se propose ordinairement pour but dans ses tragédies, c'est l'exaltation de l'énergie humaine.

Acet effet : 1.ses héros et ses héroïnes sont mis en présence d'un certain nombre d'épreuves qu'ils auront à surmonter au prixde douloureux efforts ;2.Pour les surmonter, ils font appel :a.

à la raison qui leur montre clairement la nécessité de faire ces efforts ;b.

à la volonté qui, éclairée par la raison, trouve en elle-même l'énergie dont elle a besoin pour aboutir au triomphefinal. II.

Or, de l'étude du Cid, il ressort nettement : 1.qu'à son point de départ, la tragédie a bien un caractère cornélien, puisque2.Rodrigue, mis en demeure de sacrifier son amour à son devoir filial au prix d'un douloureux effort, adresse à saraison un appel où il puise l'énergie d'agir ;3.Chimène, de son côte, mise en demeure de faire le même sacrifice, adresse à sa raison le même appel, où ellepuise à son tour l'énergie dont elle a besoin pour réclamer le châtiment de Rodrigue. III.

Mais à partir du moment où don Diègue fait renaître dans le coeur de Rodrigue l'espoir de reconquérir saChimène, la tragédie perd son caractère cornélien car : 1.

on ne saurait appeler sacrifices les actions que Rodrigue accomplit (bataille contre les Maures, duel avec donSanche) puisque ces actions (et il le sait bien !) sont pour lui l'occasion de triomphes qui le rapprocheront deChimène, et que, loin de délibérer pour les accomplir avec effort, il y vole avec enthousiasme ; 2.

de son côté, Chimène, plus cornélienne en apparence, continue, à demander justice en présence du Roi et de lacour ; mais, en présence de Rodrigue, quelle tendresse dans ses aveux, et bientôt quelles charmantes preuves defaiblesse ! Et si, à la fin de la pièce, elle se refuse encore à épouser Rodrigue, n'est-ce pas pour laisser au Roi lesoin de forcer un jour ses dernières résistances ? Son silence nous autorise à le penser. Conclusion : Le mot de Jules Lemaître est donc non seulement ingénieux, mais vrai.

Le Cid, malgré son « départ » cornélien, est une pièce fort peu cornélienne, où les affections et les faiblesses humaines tendent visiblement àprendre peu à peu le dessus.

Mais elles ont quelque chose de si émouvant et de si noble que c'est précisément àelles que Le Cid doit ce charme unique, dont Corneille n'a trouvé qu'une fois le secret.. »