Explication linéaire, Montaigne, «Des Cannibales»: «Trois d’entre eux (...) le feu à leurs maisons»
Publié le 12/06/2021
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Explication linéaire, Montaigne, « Des Cannibales » : « Trois d’entre eux (…) le feu à leurs maisons »
L’extrait qui nous intéresse se situe à la fin de l’essai intitulé « Des Cannibales », qui appartient au
Livre I de l’ouvrage majeur de Michel de Montaigne, ses Essais , écrits entre 1572 et 1592.
C’est avec ce
texte qu’il conclut son chapitre, dans lequel il a décrit avec admiration les mœurs, villes et villages de ceux
qu’il est coutume d’appeler les sauvages.
Il relate dans ce passage la rencontre entre trois Indiens et le
jeune roi Charles IX, à laquelle il a assisté, probablement en 1562.
On peut donc distinguer quatre parties dans ce texte avec, tout d’abord, une longue phrase
introductive dans laquelle l’auteur présente la situation historique.
Ce sont ensuite les propos du roi et de
sa cour qui sont brièvement rapportés.
Le troisième mouvement du texte débute à « ils répondirent » et
détaille le point de vue des sauvages sur le roi puis, à partir de « secondement », sur les injustices dans la
société française.
Nous ferons l’explication linéaire de cet extrait en nous demandant comment Montaigne
y critique la société occidentale.
Trois Indiens sont présentés au roi.
La première phrase de l’extrait donne donc simplement, en
apparence, le contexte historique, mais le plus intéressant est situé entre le sujet « trois d’entre eux » et
son verbe (« furent »).
En effet, l’auteur développe une description contrastée des deux mondes en une
longue phrase complexe.
Dans cette phrase s’opposent le champ lexical du paradis (« repos »,
« bonheur », « douceur ») et celui de la chute à cause de la perversité des Occidentaux.
On le comprend
grâce à des termes comme « corruption », « ruine », « misérables », « pipés ».
Ainsi Montaigne exprime
l’idée que les sauvages sont victimes de ce monde qui est venu à leur rencontre.
La civilisation
occidentale, désignée par l’adverbe de lieu « deçà », est nuisible pour eux, même s’ils ne s’en rendent pas
encore compte comme le montre le verbe ignorer qui introduit les propositions subordonnées coupant la
phrase.
Cette construction complexe met en valeur le destin funeste qui attend les Indiens, destin qui pèse
ici sur « trois d’entre eux » par le simple effet de la longueur de la phrase, formée de deux complétives,
d’une proposition incise et d’une apposition enrichie de deux propositions infinitives.
L’anéantissement
prévisible de la culture indienne, quant à lui, est prophétisé par l’emploi de plusieurs futurs de l’indicatif
(« coûtera », « naîtra ») et du verbe « présupposer ».
Après cette entrée en matière que l’on pourrait
qualifier d’engagée, Montaigne décrit les échanges verbaux entre d’une part le roi et sa cour et d’autre part
les trois visiteurs.
Cette scène est caractéristique des rencontres officielles : conformément au protocole en vigueur,
le roi parle d’abord.
Montaigne ne détaille pas le contenu de ce qu’il dit : il utilise le discours narrativisé
pour rapporter vaguement son allocution dans « le roi parla à eux longtemps ».
L’utilisation de sujets
indéfinis par la suite, comme « on » ou « quelqu’un » renforce cette impression de flou.
Le plus intéressant,
c’est que la façon dont le roi et son entourage s’expriment témoigne de leur vanité et de leur
ethnocentrisme.
L’énumération « notre façon, notre pompe, la forme d’une belle ville » met en valeur
l’autosatisfaction des Français.
De plus, les mots « façon » et « pompe », introduits par le possessif «
notre », montrent l’importance accordée à l’apparence, ce qui dénonce la superficialité de la cour.
Du
possessif, on passe ensuite aux déterminants « la » et « une » qui donnent une valeur universelle au
substantif « forme », comme si la beauté d’une ville ne pouvait se juger qu’à l’aune des critères européens.
La phrase qui suit confirme cette tendance à l’ethnocentrisme puisque la parole est enfin donnée aux
Indiens, on leur demande enfin leur avis, mais on le fait en guidant leur réponse La formule « voulut savoir
d’eux ce qu’ils y avaient trouvé de plus admirable » présuppose en effet, grâce à l’emploi du superlatif « le
plus », que les Indiens ont nécessairement éprouvé de l’admiration pour la France.
Le roi et sa cour
semblent donc complètement sourds à tout véritable dialogue, pétris de préjugés sur les sauvages et
imbus d’eux-mêmes.
A partir de là, Montaigne va exposer la réponse des sauvages, mais il ménage un effet d’attente en
prenant le temps de s’excuser (avec l’expression « en suis bien marri ») pour un élément qu’il avoue avoir.
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