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Explication linéaire : Molière, Dom Juan, V, 5-6.

Publié le 29/09/2022

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« Explication linéaire : Molière, Dom Juan, V, 5-6. Éléments d'introduction: Deux courtes scènes de dénouement.

Leur rôle est de clore la pièce en apportant des réponses aux questions soulevées dès l'exposition par le comportement libertin de Dom Juan qui scandalise, notamment, son valet, Sganarelle.

Ce dénouement très rapide est centré sur le châtiment de Dom Juan qui s'est obstiné et n'a tenu aucun compte des divers avertissements du Ciel qui s'est manifesté à travers la statue « mouvante et parlante » du Commandeur. - Dom Juan est une pièce à machines; elle utilise des moyens techniques pour réaliser « les effets spéciaux » de l'époque.

[NB: le théâtre à machines est un genre né dans l'Antiquité qui est venu d'Italie sous l'influence de Mazarin qui l'appréciait beaucoup.

C'est un genre un moment délaissé qui renaît en France dans les années 1660-1670 grâce au Théâtre du Marais qui parvient à fidéliser un public avide de spectaculaire et de merveilleux.

Ce genre théâtral avait les faveurs du public dans les années 1645;Corneille l'a pratiqué avant Molière (avec l'aide du machiniste Torelli) notamment dans Andromède (1650) où Persée vient secourir l'héroïne en descendant du ciel sur un cheval ailé pour s'attaquer au monstre marin.

Molière n'a pas écrit beaucoup de pièces à machines : 2 autres : Amphitryon (1668), Psyché (1671).

Noter que les pièces à machines maintiennent, à l'époque classique, une conception baroque du monde alors que le mouvement baroque décline nettement dans les années 1630.

La scénographie baroque repose, pour une bonne part, sur des représentations féeriques et spectaculaires, ouvertes à un monde de métamorphoses ou d'illusions.] Un dénouement qui mélange les registres et qui s'affranchit ainsi des contraintes de la création théâtrale de l'époque.

Il pose aussi le problème du genre de la pièce désignée par Molière comme une comédie. Projet de lecture : En quoi ce dénouement est-il spectaculaire ? Mouvement du texte: Scène 5: lignes 1 à 14: l'entêtement de Dom Juan devant les différentes manifestations du surnaturel. Scène 6 : lignes 15 à 28 : la mort spectaculaire de Dom Juan. Analyse linéaire détaillée : Scène 5: lignes 1 à 14 : l'entêtement de Dom Juan devant les différentes manifestations du surnaturel. La scène 5 s'ouvre sur l'apparition du Spectre (= un fantôme), premier porte-parole du Ciel, qui prend l'apparence d'une « femme voilée ».

Elle rappelle à Dom Juan toutes les femmes qu'il a déshonorées et redouble le retour d'Elvire, « dame voilée » elle aussi, à la scène 6 de l'acte IV.Dom Juan fait lui-même le rapprochement : « Je crois connaître cette voix » (l.4). Noter la diversité des éléments fantastiques: le Spectre relève du merveilleux païen alors même qu'il est envoyé par le Ciel comme le montre/le champ lexical du religieux qui domine son discours: « miséricorde », « Ciel », « se repent », « sa perte ».

(I.

1-2).

Il insiste sur la faute de Dom Juan, son refus de se repentir, à travers la négation restrictive, « Dom Juan n'a plus qu'un moment à » (I.

1), et la proposition subordonnée conjonctive circonstancielle de condition à la forme négative : « s'il ne se repent ici » (I.

1-2).

Le châtiment est étroitement lié à la faute : « sa perte est résolue.

» (l.

2). Refus de Dom Juan d'entendre la voix de l'au-delà qu'il considere comme celle d'un mauvais belais, Gargo plaisant: « Qui ose tenir ces paroles? » (I.

4).

Il s'entête à donner une explication rationnelle aux manifestations divines : « je crois connaître cette voix » (l.4). - Les 3 premières interventions de Sganarelle se bornent, elles, à attirer l'attention sur ce que Dom Juan et le spectateur perçoivent par eux-mêmes sur scène que ce soit à travers les phrases interrogatives des lignes 3 et 8 ou la phrase déclarative de la ligne 5.

Cette verbalisation sans grande utilité crée un effet comique renforcé par l'affirmation, « c'est un spectre : je le reconnais au marcher » (I.

5) : stupidité de l'argument avancé qui suggère une cours Que §E ? SE familiarité avec l'au-delà.

Noter également que la quasi-totalité de ses répliques s'ouvre sur des interjections qui traduisent ses émotions, notamment la terreur, devant les manifestations du surnaturel : « Ah ! » (I.

5, 12), « O » (1.8). L'énumération, « Spectre, fantôme, ou diable » (l.

6), manifeste l'incrédulité de Dom Juan qui met des notions très différentes sur le même plan et veut absolument identifier le phénomène: « je veux voir ce que c'est » (l.

6).

Il utilise un vocabulaire de la perception qui s'oppose au lexique religieux du Spectre : « je crois connaître » (l.

3), « je veux voir » (l. 6), « je veux éprouver » (l.

9).

La répétition du verbe « vouloir», que l'on trouve aussi dans la didascalie « veut le frapper » (1.

10-11), traduit la liberté d'esprit de Dom Juan qui s'exprime à qUE Faut e/g travers une démarche de type expérimental : il est un homme des sens qui défie le divin alors même que le changement du Spectre en « Temps avec sa faux à la main » (I.

7) est un signe évident et spectaculaire de son caractère divin.

Cette metamorphose relève, elle aussi, du merveilleux païen; c'est une allégorie ambigué dans la mesure où la faux est l'attribut de la mort.

Le Temps peut être interprété comme une incarnation de ce qui est reproché au libertin qui a toujours vécu dans la satisfaction immédiate des plaisirs, sans remords pour le passé et sans souci de l'avenir et du salut de son âme.

Il peut être aussi la représentation concrète du peu de temps, du « moment » (l.

1) qu'il reste à Dom Juan pour se repentir. La double négation « Non, non » (l.

9, 13) qui introduit les 2 dernières répliques de Dom Juan est suivie de phrases négatives : « rien n'est capable de m'imprimer de la terreur » (I. 9), « il ne sera pas dit, quoi qu'il arrive, que je sois capable de me repentir » (l.

13).

Elles traduisent l'opiniâtreté orgueilleuse du libertin qui ne veut pas faillir à sa réputation.... »

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