Explication linéaire : Cohen, Belle du seigneur , fin du chapitre 52
Publié le 24/06/2021
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Explication linéaire : Cohen, Belle du seigneur , fin du chapitre 52
[Situation du texte] Nous commentons les trois derniers paragraphes du chapitre 52 de
Belle du seigneur , le roman d’Albert Cohen.
[La construction de l’axe de lecture débute
dès ici] Ce chapitre se démarque des précédents, qui racontent les plus beaux jours de la
liaison entre Ariane et Solal, et des suivants, dans lesquels commence à se préparer
l’assombrissement de la fin du roman.
Au chapitre 52, le narrateur cesse de raconter l’histoire
de Solal et d’Ariane, pour expliquer combien on regrette la jeunesse et l’amour quand leur
temps est passé ; c’est donc un chapitre de discours du narrateur – mais le discours est utilisé
d’une façon à la fois lyrique et qui revient souvent vers le narratif et la fiction.
Les trois
derniers paragraphes en donnent un bon aperçu.
[Présentation de la composition du texte –
utile pour construire l’axe de lecture] Le premier, déjà, aborde d’une manière particulière-
ment concrète, matérielle et sensible le thème de l’amour et de la jeunesse fugaces : il évoque
le silence du cimetière et les squelettes dans la terre, comme le seul et inéluctable avenir des
joies de l’amour.
En montrant ainsi les morts, Cohen réitère à sa façon une représentation
picturale traditionnelle : la vanité , c’est-à-dire un crâne ou des ossements exhibés comme
symbole métonymique de la mort.
Puis dans les deux paragraphes suivants, ce lieu général ou
indéterminé, le cimetière, devient le cadre d’une scène fictive que peint le narrateur : Cohen
imagine que les squelettes sortent de terre pour danser ; dans le troisième paragraphe cette
danse se révèle plus précisément une valse, une danse de couples amoureux, et l’on voit les
squelettes de nouveau désireux de séduire, comme dans leur jeunesse.
C’est donc une
évocation non seulement fictive mais surnaturelle, merveilleuse, qui réactive un autre motif
artistique topique : la danse macabre .
Le merveilleux est ici macabre, certes, mais en même
temps comique : cette scène imaginaire est une création de fantaisie , où l’humour se marie à
la tristesse.
Tristesse de la pensée méditée à travers l’évocation imaginaire : la jeunesse et
l’amour passent vite, on les regrette ; montrer des morts qui cherchent à renouer avec les
gestes de l’amour et de la jeunesse est une façon de mettre en scène ce regret – en le prêtant à
des squelettes , par une liberté de la fiction merveilleuse, parce que le squelette est
l’aboutissement extrême de la perte de la jeunesse 1
.
[Axe de lecture] Nous montrerons donc
comment Cohen adresse ici à la fois un memento mori et un carpe diem à travers une peinture
de vanité que son imagination fait évoluer en danse macabre 2
.
Dans le premier paragraphe, l’évocation n’est pas encore fictive et merveilleuse, mais elle
est déjà concrète et sensible : pour dire que la jeunesse et l’amour passeront vite et que la mort
viendra inéluctablement, Cohen fait envisager à ses lecteurs les morts dans leurs tombes, avec
des verbes au présent et l’adverbe « maintenant », en regard des émotions et des plaisirs de
l’amour, qui sont renvoyés dans le passé (verbes au passé simple, participe passé fini répété
trois fois).
Dès l’ouverture du paragraphe, c’est bien à travers une donnée sensible, le
1
Certains étudiants ont dit que la scène de danse macabre ou que les vanités étaient allégoriques .
Je pense que
c’est inexact.
L’ allégorie est une image complexe (le tableau d’un femme avec ses deux enfants qui se battent)
qui symbolise métaphoriquement une idée (la France déchirée par les guerres de religion).
Une vanité – un crâne
qui symbolise la mort – n’est pas un symbole métaphorique mais un symbole métonymique : le crâne est un
élément en lien littéral avec la mort ( littéral s’opposant à métaphorique ).
Quant à la danse macabre ici, elle ne
symbolise pas vraiment par métaphore, mais plutôt par exagération fictionnelle : on veut dire que la jeunesse et
l’amour sont des choses qu’on regrette, alors on dit que les morts les regrettent (alors qu’ a priori les morts ne
ressentent rien).
2
Memento mori : signifie en latin « souviens-toi que tu mourras », thème traditionnel en littérature et en art : on
dit qu’une œuvre adresse un memento mori si elle rappelle à son lecteur/spectateur que toute vie humaine doit se
terminer par la mort.
Carpe diem : signifie en latin « cueille le jour », citation d’un poème d’Horace (poète latin
du I er
siècle av.
J.-C.) et autre thème traditionnel en littérature et en art : on dit qu’une œuvre adresse un carpe
diem si elle incite son lecteur/spectateur à profiter de l’instant présent, parce que le temps passe.
1.
»
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