ÈVE SANS ADAM Mahmoud Tâhir Lâchîne
Publié le 18/05/2020
Extrait du document
«
ÈVE SANS ADAM [Haw·wa bila Adame].
Roman de l'écrivain égyptien Mahmoud Tâhir
Lâchîne (né en 1897), publié en 1934.
Cette œuvre
a consacré définitivement l'introduction dans la
littérature arabe de la peinture sociale menée avec
un réalisme minutieux.
Polytechnicien, ingénieur de
l'urbanisme, Lâchîne a été mêlé de près à la vie du
peuple, cafetiers, boutiquiers, vendeurs d'aro
mates, mendiants, hommes de peine.
Ses observa
tions se retrouvent d'abord dans ses contes :
l'Ironie de la Jtîtte [Sakhriyyate al-nây, 1927],
On raconte que ...
[ Youhka ann ...
, 1929], puis dans
le roman qui en est la synthèse: Ève sans Adam.
On
y voit sans fard le milieu de la vieille Égypte aux
prises avec la génération nouvelle.
La grand-mère
d'Ève ne peut rien, malgré toutes les délicatesses de
son affection, dans le drame sentimental qui éclate
entre cette fille de trente-deux ans, célibataire,
tenue à l'écart de l'amour par les œuvres sociales
auxquelles sa vie a été consacrée, et le jeune
homme riche qui a recours à ses conseils chaque
fois qu'un problème sérieux l'embarrasse.
La
vieille femme est fidèle à la cérémonie tradition
nelle du café, à la méthode de marchandages subtils
qui la prémunit contre les méchants tours que peut
lui jouer un djinn malin, familier de la maison.
Deux cheikhs l'approvisionnent en talismans de
toutes sortes, poudres, encens, formules de prière
écrites sur papier spécial.
Malgré l'humour et la
s}.,.mpathie manifestés par l'auteur dans l'évocation
de ce vieux monde, le drame est toujours latent
dans des structures sociales qui craquent et ris
quent de s'effondrer avec l'action du temps.
Quel
réconfort de voir dans Ève la femme arabe qui
s'émancipe en agissant socialement et en s'atte
lant à des tâches d'homme ! Un discours véhément
en arabe, lors de l'inauguration d'un ouvroir fondé
par elle, attire l'attention admirative des beys et des
pachas, riches à soul1ait, pleins de bonnes inten ..
tions.
Ramzi, le jeune homme qu'elle aime, a une
voix grave d'homme accompli et un visage effé
miné qui expliQtle ses tergiversations continuelles.
Il reviendra au clan de son père, lorsqu'il fera un
mariage riche.
Tout le drame de l'évolution sociale
et du mouvement féministe dans les pays arabes
est condensé dans cette intrigue, un peu trop mélo
dramatique dans son dénouement.
La femme qui se
dévoue tout entière aux œuvres d'entraide est une
victime : il lui manque l'amour, car sans le cou
ronnement de la vie sentimentale, sa volonté
reste faible, sa destinée imparfaite.
La peinture de
l'angoisse qui s'attache obstinément à la femtne seule
se teinte de pessimisme lorsQue l'auteur fait tou
cher du doigt l'ironie foncière du destin : toute
l'affection de la grand-mère n'arrive pas à guérir
Ève du mal d'aimer.
Au fond, cette affection •
tendre et vieillotte n'aboutit qu'à l'incompréhen-
sion totale.
C'est la fin d'un monde et l'écroulement
des illusions anciennes du devoir familial.
Le style
de Lâchîne est plein de néologismes.
Il est pour le
progrès hardi, même dans le domaine linguistique.
Cette tendance s'est mitigée depuis..
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