Éthiopie (2004-2005): Crise de légitimité
Publié le 15/09/2020
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Éthiopie 2004-2005 Accès au bilan annuel le plus récent
Crise de légitimité
Le 15 mai 2005, au terme d’une campagne marquée par une certaine r
econnaissance du pluralisme
malgré des incidents, la coalition au pouvoir, le Front populaire dé
mocratique révolutionnaire des peuples
éthiopiens (FDRPE), connaissait une cuisante défaite électora
le au point que le comptage des voix était
suspendu pendant des jours.
Le 5 juin, la Commission nationale électo
rale annonçait cependant des
résultats en soulignant que des recours devaient encore être exami
nés.
Le FDRPE obtenait la majorité
des sièges (302 sur 547) au Parlement fédéral, alors que les
deux grandes alliances d’opposition, la
Coalition pour l’unité et la démocratie (CUD) et l’Union d
es Forces démocratiques éthiopiennes (UFDE),
obtenaient respectivement 123 et 57 sièges, et de petits partis et de
s candidats indépendants 36 sièges.
Le régime, selon de nombreux observateurs, était probablement mino
ritaire au Parlement, même si le
vote de la région somali, retardé de plusieurs mois, se révé
lait unanime en sa faveur.
Fondamentalement, le vote a été protestataire.
Le pouvoir, en plac
e depuis quatorze ans, était incapable
de répondre aux aspirations de la population et de réformer son ca
poralisme étriqué.
La victoire de
l’opposition n’a donc pas seulement reflété un vote ethnique
(par exemple, des Amharas très bien
représentés dans le CUD et l’UFDE) contre les Tigréens cont
rôlant le FDRPE, l’État et l’armée.
Le désaveu
a été général partout dans le pays, sauf au Tigré quadril
lé par les services de sécurité : des personnalités
importantes du pouvoir, à commencer par le ministre de l’Informati
on et porte-parole du FDRPE, Bereket
Simon, le président du Parlement, Dawit Yohannes, ou le populaire mai
re d’Addis-Abéba, Arkebe Oqubey,
ont été battues, comme d’ailleurs les principales figures oromo
du régime, Juneidi Sado et Abadula
Gemeda.
Comment expliquer cette situation alors que les deux coalitions
de l’opposition représentent une
constellation d’entrepreneurs politiques (peut-être mieux ancré
e dans la diaspora qu’à l’intérieur du pays)
? D’abord, la population aspire à des changements que le FDRPE s’
est révélé incapable de mener :
absence de réforme foncière, monopolisation de l’économie pa
r les proches du régime, ouverture
contrôlée sur l’extérieur.
Ensuite, la guerre contre l’Er
ythrée (1998-2000) et la crise subséquente du
FDRPE au printemps 2001 ont profondément brouillé les cartes et tr
oublé les cadres intermédiaires de la
coalition dominante : une fraction importante des dirigeants de ce Front
était alors marginalisée ou même
emprisonnée au seul bénéfice du groupe conduit par le Premier m
inistre Méles Zenawi.
Enfin, le FDRPE
n’a pas été capable de réaliser sa mue en parti politique or
dinaire : hormis une dizaine de dirigeants
aptes à discuter des grands problèmes du pays, l’appareil fonct
ionne sur une rhétorique dépourvue de
sens et toujours mâtinée d’autoritarisme.
La communauté internationale s’est montrée indécise.
L’É
thiopie n’est certes pas un pays modèle, mais il
est bien traité par les donateurs puisque, de 1997 à 2003, l’ai
de internationale est passée de 605 millions
de dollars à plus de 1,937 milliard ; le Club de Paris a réduit en
octobre 2003 la dette de l’Éthiopie à son
égard de plus de 40 % (760 millions de dollars) ; mais ces acquis s
ont restés fragiles car il fallait une
nouvelle fois s’attendre à des risques de disette sévère sur
une partie du territoire en 2005.
Cette crise
pourrait dégénérer en violences : la répression d’une man
ifestation estudiantine (plus de 26 morts) le 6
juin et l’arrestation de centaines de personnes dans les grandes vill
es du pays après ont ainsi obligé Tony
Blair, grand ami de M.
Zenawi, à suspendre une aide budgétaire con
séquente.
Des tractations pour une
solution négociée ont donc été entreprises.
Cette quête d
’un compromis est nourrie par une double
inquiétude internationale.
D’une part, le régime de M.
Zenawi a
restauré pour l’essentiel la stabilité
intérieure, mis en œuvre un programme économique et joue un rô
le important dans le dispositif
antiterroriste dans la Corne de l’Afrique.
Il n’est pas sûr, au
x yeux des donateurs, qu’une opposition aussi
fragmentée et factionnelle que le CUD et l’UFDE puisse faire mieux
.
D’autre part, M.
Zenawi s’est efforcé
d’apparaître comme le dernier modéré dans le conflit avec l’
Érythrée et la question du tracé de la
frontière entre les deux pays : il a même proposé en novembre 2
004 une acceptation de principe de la
décision de la Commission internationale (sous réserve de discuss
ions sur sa mise en œuvre)..
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