Éthiopie (1998-1999): La guerre comme ressource politique
Publié le 15/09/2020
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Éthiopie 1998-1999
La guerre comme ressource politique
La guerre est sans doute redevenue l'une des ressources politiques les p
lus efficaces en Éthiopie.
Lorsque
le conflit avec l'Érythrée avait commencé en mai 1998, à la
suite d'une escarmouche entre gardes-
frontières, Addis-Abéba avait fait figure d'agressé et avait im
médiatement accepté le plan des médiations
américano-rwandaise puis de l'OUA (Organisation de l'unité africa
ine).
Néanmoins, cette attitude était
contradictoire avec d'autres comportements qui n'ont cessé de se mult
iplier durant l'été et l'automne,
malgré le calme régnant sur la ligne de front.
D'une part, des diz
aines de milliers d'Érythréens, travaillant
le plus souvent dans l'administration et les services, ont été exp
ulsés dans des conditions iniques et leurs
biens ont été confisqués ou même vendus pour payer l'effort
de guerre, si l'on en croit la rumeur
érythréenne.
D'autre part, une rhétorique de guerre a servi à
mobiliser, tant à l'intérieur que dans la
diaspora, des secteurs de la population qui n'avaient que peu de sympath
ie pour un régime dominé par
les Tigréens, suspecté de gérer le pays au profit d'une minorit
é.
Des collectes ont été organisées après
des discours haineux, comme si l'unique point de convergence ne pouvait
qu'être l'hostilité aux
Érythréens.
Enfin, le réarmement a été massif.
La reprise des hostilités sur une grande échelle, le 4 février
1999, n'était pas une surprise après l'échec
des tentatives américaines (quatre voyages d'Anthony Lake, l'ancien
conseiller pour la Sécurité nationale
de Bill Clinton), d'une médiation de l'OUA et d'une ultime tentative
de Mohamed Sahnoun, représentant
personnel du secrétaire général des Nations unies.
La reprise d
e la zone de Badmé, à l'origine du conflit,
le 25 février 1999 a conduit les Érythréens à accepter forme
llement le plan de l'OUA le 27 février, sans
qu'ils se retirent pour autant des autres portions de territoire éthi
opien qu'ils avaient occupées, à l'instar
d'Addis-Abéba qui a crié victoire et voulu humilier davantage Asma
ra.
Le résultat a été la reprise des
combats de façon intermittente.
Ce conflit aura eu un coup humain hors de proportions.
Outre les dépo
rtations en grand nombre
effectuées de part et d'autre, les déplacés se sont comptés
par centaines de milliers, et plusieurs dizaines
de milliers de soldats sont morts.
Surtout, la haine entre les deux ré
gimes a atteint un tel niveau qu'il est
difficile d'imaginer comment ils pourront coexister dans deux pays qui o
nt la particularité d'être voisins.
Chaque belligérant a offert des facilités aux oppositions de son a
dversaire.
Le Front de libération oromo,
exclu ou auto-exclu du processus politique en Éthiopie depuis 1992, a
refait surface militairement dans le
sud du pays.
Des armes ont été livrées au Somalien Hussein Moha
med Aydiid par les Érythréens.
Ces
derniers comptaient ainsi fragiliser les factions proches des Éthiopi
ens dans un règlement de la crise
somalienne et doter leurs alliés oromos de sanctuaires en Somalie.
Po
ur leur part, les Éthiopiens ont
multiplié les signes d'ouverture vers le Soudan avec lequel les relat
ions étaient très tendues depuis la
tentative d'assassinat du chef de l'État égyptien Hosni Moubarak e
n juin 1995, tout en ménageant
Washington.
A l'intérieur, le régime a multiplié les signes d'ouverture ver
s son opposition.
Ainsi, Asrat Woleyes,
dirigeant d'une organisation amhara, emprisonné depuis 1994, a été
libéré et envoyé aux États-Unis pour
un opportun traitement médical.
Mais la presse est restée plus que
jamais contrôlée, les journalistes étant
emprisonnés à la moindre incartade.
Le plus surprenant est que la communauté internationale a continué
à agir comme si de rien n'était: des
séminaires sur les droits de l'homme ou sur la construction de l'É
tat de droit ont été financés par la
Commission européenne et les autres donateurs.
Dans le budget de l'an
née fiscale 1998-1999, l'aide
internationale représente, sous forme de prêts, 37,1 % et, sous fo
rme de dons, 22,1 %.
Certes,
l'essentiel va aux cinq priorités définies en accord avec la Banqu
e mondiale (construction de routes,
transport et télécommunications, développement agricole, édu
cation et énergie).
Le FMI, qui avait gelé
son programme d'aide à l'ajustement structurel en octobre 1997, l'a r
epris un an plus tard après que le
gouvernement eut donné des gages de nouvelles libéralisations, not
amment dans les secteurs des
télécommunications, de l'énergie et dans la gestion des devises
fortes.
Avec 700 millions de dollars
d'engagement, l'Éthiopie est devenue en 1998 le principal client du F
MI en Afrique subsaharienne..
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