États-Unis (1991-1992): La parade et l'émeute
Publié le 15/09/2020
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États-Unis 1991-1992
La parade et l'émeute
La parenthèse s'est ouverte en fanfare, tambours et trompettes, confe
ttis et allégresse.
C'était le 10 juin
1991, à New York, quand la ville offrait aux soldats américains de
la guerre du Golfe la plus grande
parade de son histoire.
Quatre millions de personnes ont ce jour-là a
cclamé les "héros" de la puissance
américaine retrouvée.
Elle s'est refermée, cette longue parenth
èse de presque une année, dans la fureur
des premiers jours de mai 1992, lorsque les ghettos pauvres de South Cen
tral à Los Angeles se sont
embrasés à l'annonce d'un verdict déclarant non coupables quatr
e policiers blancs de la ville qui avaient
passé à tabac un automobiliste noir, Rodney King, dont l'arrestati
on musclée avait été filmée par un
cinéaste amateur.
Entre ces deux moments de paroxysme, la parade et l'émeute, s'est des
sinée une Amérique à profil bas,
qui s'est refermée sur elle-même, s'est interrogée sur les limi
tes de sa puissance, et qui s'est petit à petit
faite à l'idée de la nécessité d'assister les ennemis d'hier
pour sauver la paix et de menacer de guerre
commerciale les amis d'aujourd'hui pour sauver les fermiers du Middle We
st et les ouvriers de Detroit.
Les
États-Unis, à peine consacrée leur victoire dans le Golfe, s'im
aginaient déjà sur le déclin.
Des économistes
comme Lester Thurow du Massachusetts Institute of Technology (MIT) ont
écrit des "best-sellers" pour
prophétiser un siècle dominé par l'Europe, avec l'Amérique e
t le Japon plongeant dans l'ombre du Vieux
Continent.
Quant à la fierté patriotique, elle a bien vite cédé
la place à une sorte de "gueule de bois
existentielle", et les certitudes sur le nouvel ordre mondial aux doutes
sur le nouveau désordre de la
nation.
Une société profondément divisée
Après le consensus face à Saddam Hussein, les clivages et les divi
sions internes ont repris leurs droits: le
débat sur l'avortement, l'écologie - exacerbé par l'isolement a
méricain au "sommet de la Terre" à Rio, en
juin 1992 -, les tensions raciales, la criminalité, la censure de l'a
rt, l'indigence du système éducatif et de
la protection sociale, et jusqu'à la défiance qui a semblé domi
ner les relations entre les sexes.
Cela fut
illustré par au moins trois affaires très médiatisées.
La no
mination en juillet 1991 d'un juge noir
conservateur, Clarence Thomas, à la Cour suprême, en remplacement
de Thurgood Marshall, un juge noir
et libéral, a donné lieu à des auditions au Sénat dominée
s par l'accusation de harcèlement sexuel portée
contre lui par une de ses anciennes collaboratrices, le professeur Anita
Hill.
Deux procès pour viol,
ensuite, ont fasciné le pays, celui d'un jeune héritier du clan Ke
nnedy, qui fut acquitté, et celui du boxeur
Mike Tyson, qui fut condamné.
Ces affaires et controverses ont fracturé plus que de coutume l'unité
de l'Union.
Comme si le ciment du
pays s'effritait petit à petit, tandis que se désagrégeait l'ha
rmonie sociale, que s'envenimait la guerre des
sexes et qu'explosait la guerre des races.
"Can we all get along?", s'in
terrogeait, pathétique, Rodney King,
le 1er mai 1992 tandis que les émeutes enflammaient Los Angeles.
"Pou
vons-nous nous entendre?" La
question est restée sans réponse.
Les dirigeants politiques, en panne d'imagination et de charisme, ont é
té comme tétanisés par la gravité
des défis.
Résultat et paradoxe: l'année - électorale - a é
té politiquement atone.
La société s'est raidie
dans ses antagonismes, mais ses leaders se sont amollis, au point d'engo
urdir avec eux l'électorat tout
entier.
La politique traditionnelle n'a pas répondu.
Elle n'est sorti
e de sa léthargie que lorsqu'un Ross
Perot, milliardaire texan, est venu perturber le "ronron" du débat ré
publicain-démocrate qui a opposé le
président George Bush et le gouverneur de l'Arkansas Bill Clinton.
L'
Amérique, et c'est nouveau, ne se
reconnaît plus dans ses dirigeants traditionnels.
Elle rêve d'homm
es nouveaux, providentiels, exogènes au
système.
L'année 1991 a sans doute mal commencé avec cette guerre qui s'est
mal finie.
L'extraordinaire
démonstration de forces, la solidarité diplomatique inédite, l'
ébauche d'un rôle nouveau pour les Nations
unies n'ont conduit qu'à une campagne inachevée.
Saddam Hussein, l
e leader irakien, diabolisé pendant
toute la durée du conflit, est resté au pouvoir celui-ci terminé
, et la parade new-yorkaise du 10 juin 1991.
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