Est-il possible de ne croire en rien?
Publié le 10/12/2021
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Proposition de plan I. La croyance, constitutive de la nature humaine La première piste de recherche peut consister à interroger la nature elle-même, afin d'évaluer la nécessité de la place qu'y tient la croyance. La croyance est un phénomène universel : par exemple, on ne connaît aucun peuple, présent ou passé, qui n'ait présenté aucun signe de croyance religieuse. Cette universalité de la croyance pose la question de la capacité naturelle de l'homme à s'affranchir de la croyance pour ne croire en rien. Freud « Les idées religieuses, qui professent d'être des dogmes, ne sont pas le résidu de l'expérience ou le résultat final de la réflexion : elles sont des illusions, la réalisation des désirs les plus anciens, les plus forts, les plus pressants de l'humanité ; le secret de leur force est la force de ces désirs. Nous le savons déjà : l'impression terrifiante de la détresse infantile avait éveillé le besoin d'être protégé en étant aimé, besoin auquel le père a satisfait ; la reconnaissance du fait que cette détresse dure toute la vie a fait que l'homme s'est cramponné à un père, à un père cette fois plus puissant. L'angoisse humaine en face des dangers de la vie s'apaise à la pensée du règne bienveillant de la Providence divine, l'institution d'un ordre moral de l'univers assure la réalisation des exigences de la justice, si souvent demeurées non réalisées dans les civilisations humaines, et la prolongation de l'existence terrestre par une vie future fournit les cadres du temps et le lieu où les désirs se réaliseront. Des réponses aux questions que se pose la curiosité humaine touchant ces énigmes, la genèse de l'univers, le rapport entre le corporel et le spirituel s'élabore suivant les prémisses du système religieux. Et c'est un énorme allègement pour l'âme individuelle de voir les conflits de l'enfance conflits qui ne sont jamais entièrement résolus lui être pour ainsi dire enlevés et recevoir une solution acceptée de tous. » Transition : que la croyance soit un phénomène universel n'implique peut-être pas qu'il faille nécessairement croire en quelque chose.
Le sujet porte sur une possibilité, ce qui peut s’entendre en deux sens différents : une possibilité est en effet ou bien une capacité acquise par un processus, un travail – je peux acquérir la capacité de parler japonais -, ou bien une capacité objective, physique – il m’est impossible de voler dans les airs sans aide mécanique, je ne peux pas en acquérir la possibilité. S’interroger sur la possibilité de quelque chose demande donc que l’on envisage ces deux aspects.
L’objet dont la possibilité est ici en question est le fait de « ne croire en rien «. Le fait de croire est généralement défini comme l’adhésion à un dogme religieux ou non, une idée, un principe de vie, une déclaration, cette adhésion ne reposant pas sur des bases rationnelles mais sur une intime conviction dont les origines peuvent être floues ou irrationnelles. C’est pourquoi le verbe « croire « est souvent opposé au verbe « savoir «, et est parfois envisagé d’une manière assez péjorative, parce qu’il irait de pair avec un mode de connaissance non compatible avec les exigences de la raison.
L’expression « ne croire en rien « est souvent considérée dans le langage courant comme le symptôme d’une position désabusée face à la vie : quelqu’un qui ne croit en rien est quelqu’un qui a perdu tout idéal, toute foi – il faut cependant ici prendre cette expression dans un sens philosophique, et poser la question de la possibilité de n’entretenir une relation de croyance avec aucun objet, autrement dit de n’avoir avec le monde qu’une relation de savoir rationnel. Cela demande d’interroger le rapport de l’homme avec la croyance : ce rapport est-il nécessaire, ou bien peut-il être dépassé ? Le rapport au monde peut-il être entièrement rationnel, ou y a-t-il certains objets qui ne peuvent être l’objet que de croyances ? Si certains éléments du monde n’appellent que la croyance, est-ce à juste titre, ou est-ce parce que ces objets sont en définitive illusoires ? Si l’on affirme ne croire en rien, quel statut donner à cette affirmation – n’est-ce pas aussi une croyance, que d’affirmer qu’il est possible ne croire en rien ?
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