Entretien sur Bel-Ami de Maupassant
Publié le 03/01/2025
Extrait du document
«
J'ai choisi de vous parler de Bel-Ami, l'un des plus célèbres romans de
Maupassant, publié en 1885 : D'abord sous forme de feuilleton dans le
journal Gil Blas, son succès immédiat conduit à sa publication en volume
la même année.
L’histoire suit Georges Duroy, un ancien sous-officier d'origine paysanne
et sans le sou, qui, rempli d'ambition, vient à Paris pour y faire fortune.
Ainsi, Maupassant, à travers le personnage de Georges Duroy, reprend le
topos littéraire des personnages d'arrivistes souvent présents dans le
roman du XIXe siècle.
En effet, cette généalogie de l’ambitieux est déjà
présente dans Le Rouge et Le Noir de Stendhal avec Julien Sorel ou avec
Rastignac dans le Père Goriot.
Ces personnages ont tous en commun de
quitter leur province pour Paris qu’ils voient comme le lieu du luxe et de la
réussite et, en leurs ambition, ils sont prêt à conquérir « le beau
monde ».
Ainsi, on voit, au début, un George Duroy qui avance « brutalement »,
« heurtant les épaules » et « poussant les gens pour ne point se déranger
de sa route ».
Ce George Duroy nous est quand même passablement
sympathique, ne serait-ce qu'à cause de ses failles, de sa naïveté, de sa
misère ou de son manque de connaissance du grand monde.
Cependant,
au fil du livre il évolué et dès le chapitre 2, alors que le personnage gravit
les escaliers qui vont le conduire à son tout premier diner mondain chez
son ami Forestier, Maupassant commence à ironiser sur son personnage
quand ce dernier s'aperçoit dans les glaces palières de l'immeuble et se
rengorge de se trouver séduisant quand il est habillé en homme du
monde: "Mais voilà qu’en s’apercevant brusquement dans la glace, il ne
s’était pas même reconnu ; il s’était pris pour un autre, pour un homme
du monde, qu’il avait trouvé fort bien, fort chic, au premier coup d’œil.
[...] Alors il s’étudia comme font les acteurs pour apprendre leurs rôles".
C’est là la métamorphose de Duroy en Bel Ami et par la suite son cynisme
continuera de s'intensifier, sous l'influence néfaste d'une société mondaine
encore plus corrompue que lui, une société qui se retrouve ridicule et
immorale par cette comédie sociale que critique Maupassant.
Bel-Ami est une œuvre qui m’a beaucoup plu, à la fois à travers, de toute
évidence, son réalisme, son analyse sociologique et historique ainsi que
l'ironie omniprésente tout au long du récit.
En effet, le réalisme de Maupassant est sombre, désenchanté et
désabusé.
Sa satire de la grande bourgeoisie parisienne est ici très amère
et dans ce roman il pratique presque une forme d'humour noir.
Il fait la
caricature qu'il fait du milieu du journalisme où l'on embauche des
incapables qui n'ont même pas forcément une belle plume.
Un milieu où
l'on fait du neuf avec du vieux en recyclant d'anciens articles, où l’auteur
de l’article n’est pas celui qui l’écrit, où les patrons de presse exhibent
leur fortune et où la presse manigance avec les politiciens et se vante de
faire du milieu politique un jeu où
gouvernements au moyen de scandales.
l’on
fait
et
l’on
défait
les
Qui plus est, le fait que Georges Duroy soit un antihéros oppose l’œuvre
de Maupassant aux autres romans plus traditionnels.
Ce choix narratif
permet un point de vue peu courant pour le lecteur, rendant l’œuvre
davantage intrigante, et fait de ce personnage l’incarnation d’un
manipulateur opportuniste qui utilise son charme pour exploiter les autres
à des fins personnelles.
On peut voir cette dernière tout au long du livre.
En effet, les hommes du roman et Georges Duroy plus encore que tous
les autres, car il est passé maitre dans l'art de séduire, utilisent les
femmes comme des objets voire des marchepieds: Monsieur Walter se
sert des capacités mondaine de sa femme pour recevoir le tout Paris,
Forestier se sert de sa femme pour écrire ses articles, le mari de Mme de
Marelle est toujours occupé par ses caprices amoureux, sans parler de
Rachel, une prostituée au grand cœur qui rappelle Boule de Suif et que
personne ne respecte.
Personne et pas même Duroy alors qu'elle l'a aidé
quand il était sans le sou mais qu’il ne salue plus lorsqu’elle lui devient
inutile.
Et Duroy est un véritable manipulateur de femme, qu’il
collectionne comme un Dom Juan de pacotille.
Et chacune a une utilité qui
lui est propre : Mme de Marelle est l’amante sensuelle, Madelaine
Forestier est le mentor, Virginie Walter est son ouverture vers le très
grand monde et les coups politico-financier juteux et Suzanne, sa fille,
celle qui fait de lui l’un des hommes les plus riches et puissant de Paris.
Et
l’on capture l’absolu cynisme de l’arriviste quand il prend une part de
l’héritage de Madeleine pour se débarrasser d’elle ensuite en la prenant
en flagrant délit d’adultère avec un ministre et lorsqu’il se débarrasse de
Virginie Walter au profit de la fille de celle-ci.
L’excipit du roman est
consacré au triomphe de l’arriviste qui n’épouse et ne séduit que par
intérêt, se prend, comme le dit Maupassant, « pour un roi que le peuple
de Paris vient acclamer ».
Ce cynisme est mis en....
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