En quel sens peut-on dire d'une oeuvre d'art qu'elle est vraie ?
Publié le 15/05/2020
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Termes du sujet: En quel sens: quelle est la signification, comment comprendre l'expression et donc éviter un contresens: dans quelles limites peut-on accepter ce dire? DIRE: signifie ici affirmer en connaissanc e de cause, mais cela désigne aussi l'opinion qui dit n'importe quoi, qui se contente d'affirmer c e qu'elle affirme, qui transforme son désir en vérité universelle.
VRAI:* Se dit d'une affirmation conforme à la réalité ou qui n'implique pas contradiction et à laquelle l'esprit ne peut que sousc rire : Il n'y a pas grand-chose de vrai dans son récit.* Qui appartient à la réalité et n'est pas une création de l'esprit : Rechercher les vraies causes d'un phénomène. * Qui est bien conforme à son apparence : Une vraie rouss e. * Se dit, dans le domaine artistique et littéraire, des êtres et des choses créés qui donnent l'impression de la vie, du naturel, de la sincérité : Un romancier qui peint des personnages vrais.* Se dit d'un élément qui, parmi d'autres semblables, apparaît c omme le seul important ou le seul déterminant : On ignore le vrai motif de sa démission. * Qui convient le mieux à quelqu'un ou à quelque chose, est le plus approprié à une fin, à une des tination : Croyez-moi, c'est le vrai moyen de leur venir en aide.
ART : 1) Au sens ancien, tout savoir-faire humain, toute pratique produis ant un résultat non naturel (artificiel).
2) Au sens es thétique moderne, production ou création d'oeuvres destinées à plaire (beaux-arts), c'es t-à-dire à susciter par leur aspect, une appréciation esthétique pos itive.Oeuvre d'art : ensemble organisé de signes et de matériaux manifestant un idéal de beauté.
L'oeuvre d'art vise le beau et non le vrai.
M ais cette dernière affirmation n'a de sens (et la question avec elle) que si l'on s'entend sur la signification del'adjectif « vrai ».
Lorsqu'on affirme d'une oeuvre d'art qu'elle est vraie, ce dernier mot a-t-il le même sens que dans : « ce théorème es t vrai » ou « cette loiphysique est vraie » ? A lain définit le beau : « Un genre de vrai qui échappe à c eux qui cherchent le vrai.
» En quoi consiste ce « genre de vrai » ? Pourrépondre à la question.
on se souviendra - avec Hegel - que l'art n'ayant pas pour.
but de reproduire la nature.
la vérité dune oeuvre d'art ne saurait être laressemblance d'une incitation.introduction
Un faux tableau est faux par sa signature, c'est-à-dire non pour ce qu'il est, mais pour ce que l'on aurait voulu qu'il fût.
Il peut donc être une véritable œuvred'art, et une œuvre vraie.
Mais en quel sens ...
?
Première partie : L'œuvre d'art est vraie en tant qu'elle reproduit avec véracité son objet
• Position réaliste (naïve)a) L'œuvre est reproduction de la nature.
Elle es t vraie si elle est ressemblante (cf.
les observations « Les couleurs de cette toile sont vraies » ou, à proposd'un portrait, « On dirait qu'il va parler »).b) Mais une œuvre d'art n'est jamais objective, sa vérité procède toujours d'un illusionnisme fondé en partie sur des conventions collectives (cf.
les étudesde P.
Francastel).
• Position idéalistea) C 'est c ette illusion que condamne P laton en dénonçant le caractère doublement faux de l'art : imitation (œuvre d'art) d'une image (objet naturel) de «l'idée » qui seule est vraie.
Une œuvre sera d'autant plus vraie que son auteur se tournera vers les réalités idéales (cf.
Timée 28 a).
En ce s ens cf.
J.
Joyce :« L'art ne doit nous révéler que des idées, des es sences spirituelles dégagées de toute forme » (Ulysse).b) La vérité d'une œuvre d'art réside dans son « naturel », c'est-à-dire, selon Kant, dans sa conformité aux règles dictées par la nature à travers le génie.c) (Transition) Cette idéalité ne se confond-t-elle pas avec la spiritualité de l'artiste, avec son regard intérieur ? (C f.
le « principe de nécessité intérieure »de Kandinsky comme coïncidence de la nécessité immanente à l'œuvre et de la nécessité intérieure à l'artiste).
Deuxième partie : L'œuvre d'art est vraie en tant qu'elle exprime avec véracité son auteur
a) L'œuvre d'art es t vraie dans la mesure où elle traduit la subjectivité de l'artiste.
L'art réalis te, voire hyperréaliste, passe toujours par une sensibilité.Cette sensibilité peut prendre dans l'œuvre d'art une importance croissante (cf.
l'impressionnisme, l'expres sionnisme) jusqu'à un pur subjectivis me (cf.l'abstraction non figurative).
b) L'œuvre d'art est vraie dans la mes ure où elle est en conformité objective avec l'intentionnalité de l'artiste (cf.
le dadaïsme pour lequel l'œuvre est pureintentionnalité).
Troisième partie : L'œuvre d'art est vraie en tant que dévoilement ontologique
Comme l'a souligné Heidegger (« L'origine de l'œuvre d'art »), au-delà de toute vérité physique ou psychologique, l'œuvred'art est vraie dans la mesure où elle est elle-même, c'es t-à-dire qu'en elle se dévoile la vérité même de l'être.
D ès lorselle n'est plus vraie en tant qu'en elle « un étant quelconque est bien rendu » ou dans s on rapport à l'artiste puisquel'artiste est par rapport à elle quelque chos e d'indifférent, un « passage pour sa naissance qui s'anéantit dans sa création», mais qu'en elle « c'est l'avènement de la vérité qui est à l'œuvre »; elle est le « séjour de la vérité en tant qu'éclosion ».Heidegger a posé la question de l'origine de l'oeuvre d'art : celle-ci est avant tout une chos e.
Une peinture est avant toutun tableau, présenté d'exposition en exposition, ou siégeant dans un mus ée.
Mais Heidegger distingue trois types dechoses : la chose naturelle, l'outil (défini par son utilité) et l'oeuvre.
Aristote a montré qu'une chos e se compose d'unematière (hylè) qui reçoit une forme (morphé, eidos).
P ar samatière, l'oeuvre d'art est donc une chose comme toutes les autres.
Cependant, dans un objet utilitaire, la forme de lachose détermine le choix de sa matière : ainsi, pour fabriquer une enclume, on choisira un acier dur, capable de supporterles chocs et la chaleur.
O r on interprète en général les choses naturelles et les oeuvres d'art à partir de la fabrication desoutils, par anthropomorphisme.
L'homme se définissant comme fabricateur d'outils, il étend cette pratique et sonprocessus à l'ensemble de l'étant, soit à la totalité des choses, de la même manière que l'on conçoit Dieu comme uncréateur ex-nihilo, qui aurait tiré le monde du néant pour lui donner l'être par son travail.
O r, l'artiste ne fabrique pas desoeuvres d'art comme l'artisan fabrique des outils.
L'oeuvre d'art révèle la vérité des choses qu'elle représente.
Bien loind'être une imitation, elle dévoile l'essence de l'être qu'elle produit au sens non technique du terme : une production(poiesis) qui trouve sa propre finalité en elle-même, qui dévoile ou laisse apparaître ce qui était caché, latent.
"C 'estpoétiquement que l'homme habite cette terre [...] et c e qui demeure est instauré par les poètes."
conclusion
La vérité d'une œuvre d'art est multiple.
Elle est celle du regard que l'on porte sur elle, et avec elle « l'artiste nous prête ses yeux pour regarder le monde »(Schopenhauer)..
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- André Chastel1912-1990Docteur en philosophie, professeur d'histoire de l'art, il pratique une iconologie qui vise àdécouvrir le sens intérieur d'une oeuvre, en laquelle gît, selon lui, une véritable intuitionmétaphysique.
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