Emmanuel Kant, la Religion dans les limites de la simple raison
Publié le 17/05/2020
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«
COMMENTAIRE DE TEXTE
~=-~Sujet corrigé n° 2
Emmanuel Kant, /a Religion dans les limites de la simple raison
, J'avoue ne pas pouvoir me faire très bien à cette expression dont usent aussi des
hommes sensés : un certain peuple (en train d'élaborer sa liberté légale) n'est
pas mûr pour la liberté; les serfs d'un propriétaire terrien ne sont pas encore mûrs
pour la liberté; et, de même aussi les hommes ne sont pas encore mûrs pour la
liberté de conscience.
Dans une hypothèse de ce genre, la liberté ne se produira jamais; car on ne peut
mûrir pour la liberté, si l'on n'a pas été mis au préalable en liberté (il faut être libre
pour pouvoir se servir utilement de ses forces dans la liberté).
Les premiers essais
en seront sans doute grossiers et liés d'ordinaire à une condition plus pénible et
plus dangereuse que lorsqu'on se trouvait encore sous les ordres, mais aussi confié
aux soins d'autrui; c~pendant jamais on ne mûrit pour la raison autrement que
grâce à ses tentatives personnelles (qu'il faut être libre de pouvoir effectuer).
Je ne fais pas d'objection à ce que ceux qui détiennent le pouvoir renvoient encore
loin, bien loin, contraints par les circonstances, le moment d'affranchir les hommes
de ces trois chaînes.
Mais, ériger en principe que la liberté ne vaut rien d'une
manière générale pour ceux qui leur sont assujettis et qu'on ait le droit de les en
écarter toujours, c'est là une atteinte aux droits régaliens de la divinité elle-même
qui a créé l'homme pour la liberté.
Il est plus commode évidemment de régner
dans l'État, la famille et l'Église quand on peut faire aboutir un pareil principe.
Mais est-ce aussi plus juste?
(1793) Traduction J.
Gibelin, Vrin, 1972, note 1, p.
245.
Ce texte de Kant est profondément marqué par son époque.
li porte l'empreinte
de son temps en premier lieu parce qu'il défend le droit à la liberté individuelle
au moment où il est le plus violemment attaqué.
En 1793, la Révolution Française est
en effet en butte aux attaques des monarchies européennes.
Ensuite, Kant reprend
un subterfuge extrêmement répandu à l'époque, adopté en particulier par les ency
clopédistes, pour échapper à la censure : il donne à ses thèses les plus polémiques la
forme d'un simple texte secondaire, d'une note de bas de page.
Ce texte n'est cepen
dant pas de pure circonstance, puisqu'il analyse des notions centrales pour
la philosophie kantienne, celles de liberté et de maturité.
Dans ce dessein, Kant adopte une démarche presque socratique : il part aïgnes 1
à 5) d'une opinion largement partagée : on ne peut octroyer la liberté à n'importe qui
et n'importe quand, il faut attendre une certaine maturité des hommes pour les libé
rer des contraintes politiques et sociales traditionnelles qui pèsent sur eux.
Puis, il
montre la conséquence absurde de cette thèse (lignes 6 à 12) : jamais on ne devient
mûr pour la liberté si l'on n'est pas libre au préalable.
Les partisans de cette thèse
bannissent à jamais la liberté sous couvert de la défendre.
Enfin, Kant écarte cette
opinion et dénonce son cynisme politique au nom de la nature humaine et de sa soli
darité avec la liberté.
_J.
»
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