Émile Zola (L'Assommoir, Chapitre VI): C'était le tour de la Gueule-d'Or.
Publié le 23/09/2020
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«
Émile
Zola
(L.:Assommoir, Chapitre VI)
C'était le tour de la Gueule-d'Or.
Avant de commencer,
il jeta à la blanchisseuse un regard plein d'une tendresse
confiante.
Puis, il ne se pressa pas, il prit sa distance, lança
le marteau de haut, à grandes volées régulières.
Il avait le
5 jeu classi
que,
correct , balancé et souple.
Fifine* dans ses
deux mains, ne dansait pas un chahut de bastringue, les
guibolles emportées par-dessus les jupes ; elle s'enlevait,
retombait en cadence, comme une dame noble, l'air
sérieux, conduisant quelque menuet ancien.
Les talons de
10 Fifine tapaient la mesure, gra�*B*Dt; et ils s'enfonçaient
dans le fer rouge, sur la tête du boulon, avec une science
réfléchie, d'abord écrasant le métal au milieu, puis le
modelant par une série de coups d'une précision rythmée.
Bien sûr, ce n'était pas de l'eau-de-vie que la Gueule-d'Or
15 avait dans les veines, c'était du sang, du sang pur qui bat
tait puissamment jusque dans son marteau, et qui réglait
la besogne.
Un homme magnifique au travail, ce gaillard
là ! Il recevait en plein la grande flamme de la forge.
Ses
cheveux courts, frisant sur son front bas, sa belle barbe
20 jaune, aux anneaux tombants, s'allumaient, lui éclairaient
toute la fi
gur e
de leurs fils d'or, une vraie fi
gu re
d'or, sans
mentir.
Avec ça, un cou pareil à une colonne, blanc
comme un cou d'enfant ; une poitrine vaste, large à y cou
cher en travers ; des épaules et des bras sculptés qui parais-
25 saient copiés sur ceux d'un géant, dans un musée.
Qy.and
il prenait son élan, on voyait ses muscles se gonfler, des
montagnes de chair roulant et durcissant sous sa peau ; ses
épaules, sa poitrine, son cou enflaient ; il faisait de la
* Fifine est une masse de dix kilos, ainsi prénommée par les ouvriers de l'atelier..
»
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