Émile Zola, Germinal, Première partie, chapitre 4 (la mine infernale).
Publié le 19/12/2021
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Émile Zola, Germinal, Première partie, chapitre 4 (la mine infernale) .
C'était Maheu qui souffrait le plus.
En haut, la température montait jusqu'à trente -cinq
degrés, l'air ne circulait pas, l'étouffement à la longue devenait mortel.
Il avait dû, pour
voir clair, fixer sa lampe à un clou, près de sa tête; et cette lampe, qui chauffait son crâne,
achevait de lui brûler le sang.
Mais son supplice s'aggravait surtout de l'humidité.
La roche,
au -dessus de lui, à quelques centimètres de son visage, ruisselai t d'eau, de grosses gouttes
continues et rapides, tombant sur une sorte de rythme entêté, toujours à la même place.
Il avait beau tordre le cou, renverser la nuque: elles battaient sa face, s'écrasaient,
claquaient sans relâche.
Au bout d'un quart d'heure, il était trempé, couvert de sueur
luimême,
fumant d'une chaude buée de lessive.
Ce matin- là, une goutte, s'acharnant dans
son oeil, le faisait jurer.
Il ne voulait pas lâcher son havage, il donnait de grands coups,
qui le secouaient violemment entre les d eux roches, ainsi qu'un puceron pris entre deux
feuillets d'un livre, sous la menace d'un aplatissement complet.
Pas une parole n'était échangée.
Ils tapaient tous, on n'entendait que ces coups
irréguliers, voilés et comme lointains.
Les bruits prenaient u ne sonorité rauque, sans un
écho dans l'air mort.
Et il semblait que les ténèbres fussent d'un noir inconnu, épaissi par
les poussières volantes du charbon, alourdi par des gaz qui pesaient sur les yeux.
Les
mèches des lampes, sous leurs chapeaux de toile métallique, n'y mettaient que des points
rougeâtres.
On ne distinguait rien, la taille s'ouvrait, montait ainsi qu'une large cheminée,
plate et oblique, où la suie de dix hivers aurait amassé une nuit profonde.
Des formes
spectrales s'y agitaient, les lueu rs perdues laissaient entrevoir une rondeur de hanche, un
bras noueux, une tête violente, barbouillée comme pour un crime.
Parfois, en se détachant,
luisaient des blocs de houille, des pans et des arêtes, brusquement allumés d'un reflet de
cristal.
Puis, t out retombait au noir, les rivelaines tapaient à grands coups sourds, il n'y
avait plus que le halètement des poitrines, le grognement de gêne et de fatigue, sous la
pesanteur de l'air et la pluie des sources..
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