Émile Zola, Germinal, partie IV, chapitre 7. Commentaire
Publié le 19/12/2021
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«
Émile Zola, Germinal , partie IV, chapitre 7 .
Un silence profond tomba du ciel étoilé.
La foule, qu'on ne
voyait pas, se taisait dans la nuit, sous cette parole qui lui
étouffait le coeur; et l'on n'entendait que son souffle
désespéré, au travers des arbres.
Mais Etienne, déjà, continuait d'une voix changée.
Ce n'était
plus le secrétaire de l'association qui parlait, c'était le chef
de bande, l'apôtre apportant la vérité.
Est-ce qu'il se trouvait
des lâches pour manquer à leur parole ? Quoi ! depuis un mois, on aurait souffert
inutilement, on retournerait aux fosses, la tête basse, et l'éternelle misère
recommencerait ! Ne valait-il pas mieux mourir tout de suite, en essayant de
détruire cette tyrannie du capital qui affamait le travailleur ? Toujours se
soumettre devant la faim jusqu'au moment où la faim, de nouveau, jetait les plus
calmes à la révolte, n'était-ce pas un jeu stupide qui ne pouvait durer davantage
? Et il montrait les mineurs exploités, supportant à eux seuls les désastres des
crises, réduits à ne plus manger, dès que les nécessités de la concurrence
abaissaient le prix de revient.
Non ! le tarif de boisage n'était pas acceptable, il
n'y avait là qu'une économie déguisée, on voulait voler à chaque homme une
heure de son travail par jour.
C'était trop cette fois, le temps venait où les
misérables, poussés à bout, feraient justice.
Il resta les bras en l'air.
La foule, à ce mot de justice, secouée d'un long frisson, éclata en
applaudissements, qui roulaient avec un bruit de feuilles sèches.
Des voix criaient
:
« Justice ! ...
Il est temps, justice ! »
Peu à peu, Etienne s'échauffait.
Il n'avait pas l'abondance facile et coulante de
Rasseneur.
Les mots lui manquaient.
Souvent, il devait torturer sa phrase, il en
sortait par un effort qu'il appuyait d'un coup d'épaule.
Seulement, à ces heurts
continuels, il rencontrait des images d'une énergie familière, qui empoignaient
son auditoire; tandis que ses gestes d'ouvrier au chantier, ses coudes rentrés,
puis détendus et lançant les poings en avant, sa mâchoire brusquement avancée,
comme pour mordre, avaient eux aussi une action extraordinaire sur les
camarades.
Tous le disaient, il n'était pas grand, mais il se faisait écouter.
« Le salariat est une forme nouvelle de l'esclavage, reprit-il d'une voix plus
vibrante.
La mine doit être au mineur, comme la mer est au pêcheur, comme la
terre est au paysan...
Entendez-vous ! la mine vous appartient, à vous tous qui,
depuis un siècle, l'avez payée de tant de sang et de misère ! ».
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