Émile ou De l'éducation [Jean-Jacques Rousseau] - Fiche de lecture.
Publié le 18/05/2020
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1 PRÉSENTATION
Émile ou De l'éducation [Jean-Jacques Rousseau] , œuvre de Jean-Jacques Rousseau, publié en 1762, à la fois roman et traité d’éducation.
En 1755, dans l’article « Économie politique » de l’ Encyclopédie, Rousseau avait nettement affirmé qu’un peuple, et les individus qui le composent, ne sont que le produit des institutions politiques (« Où il n’y plus de patrie, il n’y a plus de
citoyens.
»).
Il lui importe toutefois de « bricoler » une fiction éducative, afin de proposer à son siècle un modèle d’individu que son éducation a fait apte au contrat, un « homme naturel », ou vrai miroir du divin.
2 « ÂME VÉNALE ! CROIS-TU DONNER À TON FILS UN AUTRE PÈRE AVEC DE L’ARGENT ? »
Émile, élève imaginaire, sera « l’homme abstrait, l’homme en proie à tous les accidents de la vie humaine ».
En cinq livres, on le suit du babil à l’âge adulte, sur une période de vingt-cinq ans ; on le voit passer de la dépendance naturelle à
l’autonomie.
Son éducation obéit à un grand principe : laisser une liberté se confronter aux nécessités de la nature.
Jusqu’à l’âge de douze ans, début de l’adolescence, Émile fera ainsi par lui-même l’expérience de la Loi, en expérimentant celles de la
nature, le précepteur écartant de lui toute obligation culturelle ou sociale, ne lui imposant rien qu’il n’en puisse saisir la rationalité.
Or, la raison a une genèse : l’enfant est d’abord sens, et son vocabulaire ne doit pas être plus étendu que son
expérience sensible.
Certes, il importe de savoir lire et écrire, mais jusqu’à douze ans, pas de livres : l’oral prime, la parole vive est privilégiée.
À cette « raison sensitive ou puérile » succède en son temps « la raison intellectuelle ou humaine », et à « ces âges de nature » « l’âge de force » : trois années — de douze à quinze ans — exceptionnelles durant lesquelles la force physique et
intellectuelle excède la puissance des besoins et des passions.
Un seul livre est autorisé : Robinson Crusoé , pour l’utilité des savoirs pratiques qu’il fournit.
Mais à partir de quinze ans, les passions s’éveillent, et avec elles le besoin obscur de raisons
métaphysiques, comme l’exigence de règles morales : vient alors le moment du « Dieu sensible au cœur », dévoilé à Émile par le personnage du vicaire savoyard, (qui apparaît au livre IV dans un développement célèbre, Profession de foi du vicaire
savoyard, consacré à l’éducation morale et religieuse de l’adolescent), Éros subordonné à la Divine Charité, Émile ainsi est digne de s’unir à Sophie, et prêt au bonheur dans la sainte chasteté du mariage.
3 « COMMENT ÉDUQUER UN ÊTRE HUMAIN À LA LIBERTÉ SOUS LA CONTRAINTE ? » (KANT)
On a pu dire que Rousseau avait « inventé » l’enfance.
Par-delà le brillant de la formule, certains principes éducatifs contenus dans l’ Émile (« Préparez de loin sa liberté ») ont, de fait, fondé une tradition d’éducation non autoritaire, représentée, au
XXe siècle en particulier, par l’« École émancipée » (libertaire), la pédagogie Freinet, les écoles « Montessori », le docteur Spock ou bien encore A.
S.
Neill et ses « libres enfants de Summerhill ».
Reste toutefois un point décisif, que souligne Élisabeth
Badinter dans l’Amour en plus : l’aristocrate joyeuse et libre du XVIII e siècle, plus soucieuse de ses amants que de ses enfants, devient avec l’ Émile une mère modeste et dévouée : « Plaire aux hommes, leur être utiles, se faire aimer et honorer d’eux,
les élever jeunes, les soigner grands, les conseiller, les consoler, leur rendre la vie agréable et douce, voilà les devoirs des femmes dans tous les temps, et ce qu’on doit leur apprendre dès l’enfance » (Livre V).
Ainsi, bien loin d’évoquer les figures
féminines des scènes rococos — alors en vogue — d’un Boucher, d’un Fragonard, ou d’un Watteau, Sophie, la chaste compagne d’Émile, serait plus proche d’une vignette moraliste de Greuze.
La démocratie se fonde ici sur l’exclusion des femmes.
Voir
aussi histoire de l’enfance ; histoire des femmes.
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