ÉMILE DURKHEIM

« ÉMILE DURKHEIM Après Auguste Comte et surtout après Karl Marx, la sociologie s'orientait vers l'engagement politique et devenait lascience de référence couvrant une idéologie et une doctrine.

A l'orientation socialiste puis communiste de cetteécole s'opposait d'ailleurs, mais avec le même souci d'engagement politique, ce qui devait devenir « la réformesociale » de Frédéric Le Play.

Un autre courant était né cependant, purement scientifique, que Durkheim allaitillustrer et qu'il rapportait lui-même volontiers à Saint-Simon : « Le premier, Saint-Simon déclara que les sociétéshumaines sont des réalités, originales assurément et différentes de celles que l'on trouve dans le reste de la naturemais soumises au même déterminisme » (in La Science française, 1915).

Durkheim fit sienne cette définition donnéepar Saint-Simon : « La société n'est point une simple agglomération d'êtres vivants ; la réunion des hommesconstitue un véritable être.

» Toute une lignée de nouveaux sociologues se représentait cet être selon le modèle animal et biologique.

Cette idéede Spencer, l'organicisme évolutionniste, se retrouve chez Worms et chez Espinas à la fin du XIXe siècle et tout audébut du XXe ; l'essor des recherches sur des sociétés animales et les sociétés d'insectes est en partie lié à cettetendance, de même que l'essor de l'idée de « nation », société à racines biologiques, unité des consciences, commeRenan le disait aussi à l'époque. LA SOCIOLOGIE Durkheim, créateur de la sociologie scientifique et chef incontesté de l'école française de sociologie (professeur à laSorbonne en 1902, fondateur de l'Année sociologique en 1896), affirme d'abord une méthode dont l'essentiel est de« traiter les faits sociaux comme des choses » (Les règles de la méthode sociologique, 1895), méthode dont il donnedes échantillons en étudiant par exemple aussi bien la famille que le crime et le suicide comme des faits sociaux,normaux du point de vue des faits (autonomie de la sociologie par rapport à la philosophie et à la morale). L'être social est, pour Durkheim, la conscience collective.

L'être groupai est différent des parties qui le composent(par là Durkheim retrouve sans le savoir les idées d'Ehrenfels qui allaient produire vingt ans plus tard la Gestalt-theorie), la participation au groupe transforme les Sentiments et la personnalité de ses membres ; le tout (lasociété) déborde les parties ; la société est transcendante par rapport aux individus.

Elle pense, elle veut, elledésire, elle est émue comme conscience collective, quoique tout cela ne puisse s'exprimer que par les consciencesparticulières.

« C'est dans la nature de cette conscience collective, et non dans celle des unités composantes, qu'ilfaut aller chercher les causes prochaines et déterminantes des faits qui s'y produisent.

Le groupe pense et agit toutautrement que ne le feraient ses membres s'ils étaient isolés » (Les règles de la méthode sociologique, p.

102-103). D'après Durkheim tout ce qui transcende les individualités et leur impose des normes, est reflet de cette consciencecollective dans les individus : ainsi la morale, la raison, la logique, les idéaux, les valeurs religieuses, Dieu même. LES IDÉES PÉDAGOGIQUES Durkheim, dans L'éducation morale, définit l'éducation comme une socialisation avant tout.

Cette socialisation est eneffet non seulement l'apprentissage du respect de la règle et de la discipline, l'apprentissage de la coopération et dela participation, mais étant donné la transcendance morale de la conscience collective, elle est moralisation del'individu, épanouissement de sa personne par la raison et la solidarité.

On a souvent relevé ce qui, dans lapédagogie de Durkheim, rejoint Kant et dépasse la socialisation telle que la concevait Auguste Comte, pour quil'individu n'existe pas et ne doit être qu'une fonction sociale.

En plusieurs endroits (et même dès Les règles de laméthode sociologique) la société pour Durkheim est quelque chose de plus que la conscience collective actuelle,historique et culturelle, d'un groupe donné, ...elle est le terme d'une évolution, un idéal humanitaire.. »