E. M. Forster
Publié le 09/12/2021
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Le premier roman de Edward Morgan Forster, publié en 1905, s'intitule Where Angels fear to tread. Ce titre est emprunté à un vers d'Alexander Pope dans son Essay on Criticism : “ For Fools rush in where Angels fear to tread ” (car les sots se ruent là où les anges craignent de marcher). Cette citation pourrait parfaitement servir d'épigraphe à l'ensemble de son œuvre. Issu, à la fin de l'époque victorienne, d'une famille de bourgeois aisés, Fors ter exécrait la morgue et le contentement de soi de la classe moyenne anglaise. Estimant que les rapports individuels reposent sur des sentiments délicats et complexes, il réprouvait le dogmatisme rigide qui régissait alors la morale sociale anglaise. Il fut envoyé à Tonbridge prototype de la “ public school ” anglaise (établissement d'enseignement secondaire, fréquenté surtout par les enfants de bonne naissance) et la complaisance envers soi-même de ceux qui fréquentaient l'école lui déplut foncièrement. Les “ public schools ”, affirmait-il, développent admirablement les corps, à peu près convenablement les esprits et fort mal les cœurs. Les personnages qui, dans ses romans, sont le produit de ce système sont singulièrement dépourvus de sensibilité et de compréhension affective. De Tonbridge, Forster fut envoyé au King's College, à Cambridge, afin d'y étudier les lettres et l'histoire. L'Université fut pour lui une révélation : il y trouva la société idéale telle qu'il la concevait. Dans ses romans, Forster se fait le champion des valeurs humanistes, qu'il oppose à la puissance de l'argent. Ses héros sont des idéalistes libéraux en conflit avec la société corrompue dans laquelle ils vivent.
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E.
M.
Forster
Le premier roman de Edward Morgan Forster, publié en 1905, s'intitule Where Angels fear to tread.
Ce titre est emprunté à un versd'Alexander Pope dans son Essay on Criticism : “ For Fools rush in where Angels fear to tread ” (car les sots se ruent là où les angescraignent de marcher).
Cette citation pourrait parfaitement servir d'épigraphe à l'ensemble de son œuvre.
Issu, à la fin de l'époque victorienne, d'une famille debourgeois aisés, Fors ter exécrait la morgue et le contentement de soi de la classe moyenne anglaise.
Estimant que les rapportsindividuels reposent sur des sentiments délicats et complexes, il réprouvait le dogmatisme rigide qui régissait alors la morale socialeanglaise.
Il fut envoyé à Tonbridge prototype de la “ public school ” anglaise (établissement d'enseignement secondaire, fréquentésurtout par les enfants de bonne naissance) et la complaisance envers soi-même de ceux qui fréquentaient l'école lui déplutfoncièrement.
Les “ public schools ”, affirmait-il, développent admirablement les corps, à peu près convenablement les esprits et fort malles cœurs.
Les personnages qui, dans ses romans, sont le produit de ce système sont singulièrement dépourvus de sensibilité et decompréhension affective.
De Tonbridge, Forster fut envoyé au King's College, à Cambridge, afin d'y étudier les lettres et l'histoire.
L'Université fut pour lui unerévélation : il y trouva la société idéale telle qu'il la concevait.
Dans ses romans, Forster se fait le champion des valeurs humanistes, qu'iloppose à la puissance de l'argent.
Ses héros sont des idéalistes libéraux en conflit avec la société corrompue dans laquelle ils vivent.
Les libéraux de ses premiers romans obtiennent la plupart du temps gain de cause.
The Story of a Panic (une œuvre d'imagination) relatecomment un petit groupe de conformistes se trouve dispersé par les forces naturelles du dieu Pan.
Dans A Room with a View (1908), laNature l'emporte à nouveau sur la Société.
Faisant fi des préjugés bourgeois, Lucy prend conscience de l'importance des sentiments vraiset épouse l'homme qu'elle aime.
Délivré des entraves sociales, son esprit s'ouvre à la beauté du monde.
La chambre qu'elle habite a “vue sur l'Arno ”.
Ces premiers romans sont caractéristiques de l'art de leur auteur.
Forster admirait l'aimable spontanéité des Grecs et des Italiens, qu'il seplaisait à opposer au stérile conformisme des Anglais.
Dans Where Angels fear to tread, le sens du devoir de l'héroïne, Harriet, fait de savie un perpétuel faux-semblant, une négation de ses véritables instincts.
Bien que A Room with a View ait été publié après The Longest journey, ce roman a été composé en grande partie à une époqueantérieure.
Forster a prêté au personnage de Rickie Elliot, le héros de The Longest Journey (le plus long voyage) (1907) beaucoup destraits qui le caractérisaient lui-même du temps de sa jeunesse.
Idéaliste libéral, Rickie est un fervent de Cambridge, il écrit des nouvelles.Mais dans ce roman, l'auteur exerce sa verve satirique aux dépens de l'optimisme qu'il professait naguère.
Ayant fait un mariage stupidequi a tôt fait de dissiper ses illusions romanesques, Rickie sombre dans le désespoir.
The Longest Journey représente la première véritable tentative de Forster en vue d'analyser les faiblesses inhérentes à la tradition libéraleanglaise.
Sous l'emprise des puissances du mal, Rickie abandonne la partie et renonce à l'action.
C'est Stephen, le demi-frère de Rickie,que Forster a choisi pour incarner la véritable force de caractère.
Élevé à la campagne, Stephen est spontané, naturel, imperméable auxconventions citadines.
Forster a la nostalgie de la culture villageoise du XVIIIe siècle, et est intimement persuadé que la révolutionindustrielle a porté atteinte à la santé des traditions britanniques.
“ Un Londonien, ça n'existe pas, a-t-il écrit, c'est tout bonnement uncampagnard qui dégénère.
”
Dans Howards End (1910), Margaret et Helen Schlegel, intelligentes et sensibles, forment contraste avec Herbert et Charles Wilcox, grandsbrasseurs d'affaires ambitieux qui contribuent à la prospérité de l'Empire britannique.
Jouissant d'un revenu personnel, les soeurs Schlegels'aperçoivent que l'existence de la culture libérale à laquelle elles sont attachées est subordonnée à l'argent fourni par des êtres del'espèce des Wilcox.
Cette constatation leur donne un sentiment de culpabilité, et le fait, pour elles, de se sentir redevables est à l'originede tragiques erreurs.
La culture libérale représentée par les Schlegel était sur le déclin ; la guerre de 1914-1918 lui porta un coup fatal.
Le roman paraîts'orienter souvent vers un dénouement tragique, mais Forster s'efforce de conserver intacte sa foi dans le progrès.
“ Howards End ” est lenom d'une maison de campagne où les vieilles traditions britanniques ont pu être jalousement préservées.
Le roman se termine sur unescène dans laquelle Margaret, Helen et son enfant, prenant la relève, s'ébattent joyeusement dans les champs fraîchement moissonnés.Cette conclusion, néanmoins, tout en apportant une note de gaieté et d'espoir, ne résout aucun des problèmes soulevés au cours duroman.
Forster a effectué deux voyages en Inde, l'un avant, l'autre après la Première Guerre mondiale ; et ses lettres et commentaires ont étépubliés dans The Hill of Devi (1953).
A Passage to India (1904) a su rendre la chatoyante richesse du paysage indien et révèle laprofonde sympathie qu'éprouve son auteur à l'égard de la population autochtone.
Mais comme par une sorte de contraste, lespersonnages anglo-indiens apportent l'illustration typique des fautes que peut commettre la bourgeoisie britannique.
Arrogants etprofondément imbus de leur supériorité, ils se révèlent parfaitement incapables de comprendre la mentalité indigène.
Un Indien, Aziz,ayant été accusé d'avoir violé une Anglaise, Fielding, le maître d'école de l'endroit, que Forster dépeint comme étant un humaniste libéral,se trouve relégué par ses compatriotes, en raison de son attitude, au ban de la société.
Mais si Fielding finit par avoir gain de cause, ceroman est infiniment moins optimiste que ceux que Forster avait publiés avant la Grande Guerre.
La riante campagne anglaise n'est pluslà pour apporter l'apaisement au héros meurtri.
Les collines de Marabar symbolisent, au contraire, la puissance du mal.
Dans les cavernesde Marabar règne un terrifiant écho : quoi que l'on puisse dire, qu'il soit question de noblesse ou de corruption, l'écho reste le même.Dans ces cavernes, les actions humaines, quelles qu'elles soient, semblent dénuées de sens ; tout comportement moral perd sasignification dernière.
Les cavernes ne symbolisent pas le point de vue de l'auteur, mais d'autres situations qui apparaissent dans leroman montrent à quel point Forster était proche du désespoir.
Aucun des héros de A Passage to India ne découvre la liberté.
Fieldingprend de l'âge, se marie et finit par s'étonner des excès idéalistes de sa jeunesse.
Son amitié avec Aziz est sans lendemain : les deuxhommes en viennent à reconnaître que tout en Inde britannique ne peut que les séparer à jamais.
A Passage to India est la dernière œuvre romanesque de Forster qui, depuis, n'a publié que des essais.
Mais ses professions de foilibérale n'ont guère eu d'écho durant les conflits de la dernière décennie.
Au fur et à mesure que les antagonismes mondiaux sontdevenus plus sanglants, il a prêché les valeurs qu'il avait découvertes à Cambridge la tolérance, la sensibilité, le respect de la personnehumaine : “ Fools rush in where Angels fear to tread ” (les sots se ruent là où les anges craignent de marcher)..
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