Droit du plus fort
Publié le 09/05/2021
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«
QUEL EST LE FONDEMENT DU DROIT ?
I. L E D ROIT DU PLUS FORT
Le droit du plus fort est le droit tel qu'il est établi suivant la volonté du plus fort, par la contrainte.
De fait on appelle force (sous
quelque forme que ce soit : physique, psychologique, matérielle…) l’aptitude d’un individu à en contraindre un autre.
Le droit du
plus fort s’oppose donc à la fois à la liberté de l’individu et à l’égalité entre les citoyens.
Il repose fondamentalement sur l’idée que
les hommes ne sont pas de doux agneaux, qu’ils ne sont pas naturellement bons, qu’ils ne sont pas naturellement enclins à renoncer à
leur bien être au profit des autres.
En conséquence, seule la force, la contrainte, peut les conduire à respecter les lois qui sont à la fois
nécessaires pour maintenir l’ordre social et assurer la sécurité de tous.
Calliclès – Un droit naturel et juste
En réponse à Socrate qui l’interroge sur ce qu’est la justice, Callicles soutient qu’il est naturel que le plus fort impose sa volonté au
plus faible.
Chacun désire naturellement être libre, faire ce qu’il veut, et use pour cela de toute la force dont il dispose.
Ne serait-il
pas alors contre nature que le plus faible impose sa volonté au plus fort ?
Si l'on se penche sur les diverses formes de sociétés animales, la plupart d'entre elles sont régies par le droit du plus fort.
Le chef de
la horde ou du troupeau est le mâle le plus puissant.
Seule la force n'a pas besoin d'être enseignée, ni garantie par une convention
quelconque pour s'imposer et se faire respecter.
C'est donc la seule loi naturelle universellement valable.
En outre, il est équitable que chacun ait ce qui lui revient en fonction de son mérite.
Or la force est une valeur reconnue partout et en
tout temps.
Toutes choses étant égales par ailleurs, chacun préfère être fort plutôt que faible.
Ainsi chacun peut reconnaître que les
forts sont supérieurs aux faibles et donc que le plus fort mérite plus que le plus faible.
Il paraît donc légitime qu’il puisse imposer sa
volonté aux autres.
Hobbes – Nécessité de la force
Pour Hobbes la force ne constitue pas un idéal de justice ; c’est simplement le seul moyen d’établir des lois.
En premier lieu, Hobbes
soutient que les hommes ne sont pas naturellement bons, autrement dit qu’ils ne font le bien que sous la contrainte.
Imaginez une
société sans police, sans « force de l’ordre ».
Bien vite, plus personne ne respecterait la moindre règle et la société entière sombrerait
dans le chaos.
C’est ce que soupçonnait déjà Platon lorsqu’il raconte l’histoire de Gyges, un paisible berger qui découvrit une bague lui conférant la
capacité de devenir invisible.
Si nous étions ainsi assurés de ne pas être punis alors, comme Gyges, nous ne respecterions bien vite
plus aucune loi.
Hobbes enfin nous dit qu’il suffit, pour comprendre l’agressivité naturelle de l’homme, d’imaginer un enfant robuste : s’il possédait
la force nécessaire, l’enfant mettrait bien vite sa mère en esclavage et ne manquerait pas de tuer ses frères et sœurs dès qu’ils lui
feraient un peu d’ombre.
Puisque ainsi les hommes ne sont pas bons volontairement, il est nécessaire que l’Etat impose les lois par la force.
Dans l’état de
nature, nous dit Hobbes, tant qu’il n’y a pas de loi, les hommes vivent dans un état de guerre permanente de tous contre tous.
La
crainte qu’ils éprouvent alors de mourir est telle qu’ils acceptent de se soumettre au plus fort dans l’espoir qu’il établira des règles
garantissant à tous un minimum de sécurité.
De fait les hommes recherchent bien moins la liberté que la sécurité et ils savent qu’ils
ne peuvent trouver la sécurité qu’en se soumettant au plus fort.
Pascal – On a appelé la force « justice »
Pascal reconnaît que la force sans la justice est injuste, mais il n’ignore pas aussi que la justice sans la force est impuissante.
Il faut
alors nous dit-il trouver le moyen d’unir la force et la justice.
L’idéal serait bien sûr de rendre la justice forte.
Mais la justice est
difficile à déterminer et donc continuellement remise en question.
En outre il suffit que le plus fort n’en soit pas satisfait pour qu’il la
renverse sur le champ.
Par conséquent, la justice étant très difficile à déterminée et impossible à faire respecter, nous avons donné le
nom de justice à la force.
Ainsi, depuis l’origine de l’humanité et jusque dans nos sociétés, c’est la force qui a toujours régné.
Toutes les guerres, tous les
conflits se terminent en donnant raison au plus fort.
Il ne s’est jamais vu que le vainqueur décide de laisser le vaincu décider des lois.
Autrement dit, les lois sont toujours les lois du plus fort.
Il faut être naïf pour croire le contraire et seulement semi habile pour penser
qu’il peut en être autrement.
De fait il n’est possible de s’opposer à la force que par la force.
Ainsi les habiles savent que seule la
force peut régner et donc qu’il faut l’accepter.
Il peut sembler étrange à celui qui n'a pas bien pesé ces
choses, que la nature puisse ainsi dissocier les hommes et les
rendre enclins à s'attaquer et à se détruire les uns les autres:
c'est pourquoi peut-être, incrédule à l'égard de cette
inférence tirée des passions, cet homme désirera la voir
confirmée par l'expérience.
Aussi faisant un retour sur lui-
même, alors que partant en voyage, il s'arme et cherche à
être bien accompagné, qu'allant se coucher, il verrouille ses
portes; que, dans sa maison même, il ferme ses coffres à clef;
et tout cela sachant qu'il existe des lois, et des fonctionnaires
publics armés, pour venger les torts qui peuvent lui être faits:
qu'il se demande quelle opinion il a de ses compatriotes,
quand il voyage armé; de ses concitoyens, quand il verrouille
ses portes; de ses enfants et domestiques, quand il ferme ses
coffres à clef.
N'incrimine-t-il pas l'humanité par ses actes
autant que je le fais par mes paroles?
Thomas Hobbes, Le Léviathan (I,13);
Il est juste que ce qui est juste soit suivi, il est nécessaire que
ce qui est le plus fort soit suivi.
La justice sans la force est
impuissante: la force sans la justice est tyrannique.
La justice
sans la force est contredite, parce qu'il y a toujours des
méchants: la force sans la justice est accusée.
Il faut donc
mettre ensemble la justice et la force: et pour cela faire que
ce qui est juste soit fort, ou que ce qui est fort soit juste.
La justice est sujette à dispute, la force est très
reconnaissable et sans dispute.
Ainsi on a pu donner la force
à la justice parce que la force a contredit la justice et a dit
qu'elle était injuste, et a dit que c'était elle qui était juste.
Et
ainsi, ne pouvant faire que ce qui est juste fût fort, on a fait
que ce qui est fort fût juste.
Pascal, Pensées, (192, Ed.
Lafuma).
»
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