Dorante : « C'est une étrange entreprise que celle de faire rire les honnêtes gens. »
Publié le 19/12/2021
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«
PLAN DÉTAILLÉ
A l'époque où, dans la Critique de l'École des femmes, il tait exposer sur la scène par
un de ses personnages, Dorante, sa conception de la comédie, Molière se trouve à une étape
essentielle de sa carrière.
C'est la première fois qu'avec L'École des femmes il vient de réaliser
pleinement sa conception de la haute comédie qui s'attache à peindre les ridicules humains.
Il
ne délaisse pas d'ailleurs pour autant les procédés plus grossiers du comique traditionnel, mais
il les fait largement contribuer à l'expression du comique des caractères.
On conçoit que la
fusion étroite et harmonieuse de ces éléments hétéroclites réclame de la part de l'écrivain une
parfaite maîtrise.
C'est en ce sens qu'il fait dire à Dorante : « C'est une étrange entreprise que
celle de faire rire les honnêtes gens.
»
I.
Le comique de caractère
C'est ainsi que les grandes comédies de Molière nous offrent la peinture des défauts et des
ridicules de l'homme.
Et cette peinture est comique parce que les personnages se montrent
dominés par un trait essentiel qui dicte leur conduite à tout propos et surtout hors de propos.
Bref ils ne sont jamais à l'unisson des circonstances.
Orgon n'écoute pas les détails que lui
donne Dorine sur la santé de sa femme.
Il ne pense qu'à Tartuffe, son protégé, et le seul objet
de ses soucis.
Esclave de sa vanité, Monsieur Jourdain ne s'avise pas une seconde qu'il est
berné et exploité, et il se prête avec enthousiasme à la grotesque cérémonie où il reçoit la
dignité de Mamamouchi.
Parfois ces personnages sont complexes sans cesser d'être comiques.
En eux se heurtent des traits et des sentiments inconciliables.
Ils sont le théâtre d'un perpétuel
conflit.
Ils ne sont jamais à l'unisson d'eux-mêmes.
Alceste, le misanthrope, est amoureux
d'une coquette.
Il étouffe dans l'atmosphère brillante et factice du salon où brille Célimène,
mais ne peut se décider à s'en évader.
Dans la scène du sonnet on le sent tiraillé à la fois par
ses scrupules d'homme de qualité qui ne saurait se résoudre à dire à Oronte de désobligeantes
vérités et par sa volonté bien arrêtée de ne jamais déguiser sa pensée.
Harpagon éprouve pour
Mariane une passion sénile et, lorsque Cléante la comble de cadeaux en son nom, l'amour et
l'avarice s'affrontent dans son âme sans que ni l'un ni l'autre de ces sentiments ne parvienne
chez lui à l'emporter.
Ses mimiques furieuses, ses sourdes exclamations traduisent son
désarroi et son impuissance.
II.
Les procédés du comique de farce servent à l'expression du comique de caractère
Or cette incapacité du personnage comique à se mettre à l'unisson des circonstances ou à
l'unisson de lui-même, se traduit d'abord dans ses propos.
Par là le comique de mots, amusant
en soi, l'est bien davantage quand on s'avise qu'il livre le secret d'un ridicule ou d'un travers.
Le patois de Pierrot dans Don Juan trahit sa lourdeur et sa rusticité, comme font les
calembours de Martine dans Les Femmes savantes.
Il en est de même du comique de
répétition, où la même formule inlassablement répétée exprime la hantise d'un individu.
Tel
est le cas du « sans dot » qu'oppose à chaque fois l'avare aux objections de Valère qui veut le
dissuader de marier sa fille au vieillard Anselme.
De même le marquis de la Critique de
l'École des femmes étale son obstination bornée dans ce «tarte à la crème»» qu'il jette à
plusieurs reprises en guise d'argument, à la face de ses interlocuteurs.
Il n est pas jusqu'au
comique de gestes qui ne contribue à mettre en relief le ridicule d'un caractère.
Les coups de
bâton qui pleuvent sur l'échine complaisante de Monsieur Jourdain au cours de la cérémonie
où il est fait Mamamouchi prouvent qu'il est prêt à se plier aveuglément à tout pour satisfaire
sa soif des honneurs et des titres.
Et la chute de Lépine dans Les Femmes savantes donne
l'occasion à Bélise d'étaler dans une réflexion saugrenue son pédantisme.
Enfin le comique de.
»
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