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Dois-je souhaiter que ce qui arrive, arrive comme il arrive ?

Publié le 27/02/2008

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Le monde humain est traversé par une irréductible contingence. Les choses se sont produites ainsi mais elles auraient pu se produire autrement. Face aux évènements les plus tragiques nous regrettons le caractère hasardeux, accidentel de l'existence. De là naît le sentiment de révolte, et l'idée que les choses nous échappent. Si nous ne pouvons revenir sur les choses passées, c'est que nous devons uniquement les accepter. Mais peut-on aller jusqu'à souhaiter le déroulement des évènements même dans ce qu'ils ont de plus tragiques? Si les choses se produites ainsi est-ce parce que cela devait se passer ainsi? Accepter les évènements tels qu'ils se sont produits, est-ce tomber nécessairement dans le fatalisme? Et par là envisager que l'homme n'a pas de maîtrise sur les évènements, et qu'il lui appartient uniquement de les accepter? Nous verrons en premier que le monde est parcouru par une part irréductible de contingence, que par essence les choses peuvent toujours se produire autrement qu'elles ne se sont produites. Mais n'a-t-il pas une certaine sagesse à accepter les choses comme elles se produisent? La plus forte volonté n'est-elle pas celle qui consent aux choses qui se produisent nécessairement? Mais là encore n'y a-t-il pas un risque de tomber dans le fatalisme alors que le monde ne saurait être envisage comme ordonné rationnellement ou par une quelconque sagesse divine? Le tout est donc de pouvoir accepter les choses de la vie dans leur contingence.

« Vivre en contemplant la vérité et l'ordre du Tout et en collaborant dans la mesure du possible à leur réalisation, sans se laisser mener par la partie irrationnelle de l'âme .

Cette coopérationconsiste en un effort incessant en vue d'éliminer de notre âme toute hostilitéenvers l'ordre cosmique et de confirmer nos dispositions au cours inéluctabledes évènements.

« Il faut harmoniser notre volonté avec les évènements, defaçon que rien de ce qui n'arrive n'arrive contre notre gré, et que rien de cequi n'arrive ne manque d'arriver quand nous voulons que cela arrive.

»,Epictète. Épictète (50-125), philosophe stoïcien de langue grecque, né à Hiérapolis,dans la région occidentale de l'actuelle Turquie, passe à Rome une partie desa vie, puis (vers 94) il fonde une école philosophique à Nicopolis, sur la côteouest de la Grèce, où il enseigne, entouré de disciples, jusqu'à sa mort.

Sonenseignement prolonge, sur le plan de la morale, une réflexion engagée, àAthènes, dès le troisième siècle avant J.-C., avec Zénon de Citium, fondateurde l'école stoïcienne, et ses successeurs : Cléanthe et Chrysippe ; et repriseà Rome par ce qu'il est convenu d'appeler le « moyen stoïcisme ».

Épictèteassure un enseignement strictement oral, mais ses leçons et les discussionsqui s'ensuivent sont recueillies sous le nom d'Entretiens.Ces Entretiens ont été rédigés par Flavius Arrien (95-175), général grec,homme politique et historien qui, à ses heures libres, ne dédaigne pasd'apprendre la philosophie auprès d'un maître tel qu'Épictète.

Mais les huitlivres qu'il rédige (dont quatre sont parvenus jusqu'à nous) sont trop longs pour être un simple ouvrage d'initiation, et c'est à partir d'eux qu'est composé un ouvrage très court, formé d'unesérie de quelque cinquante paragraphes, qui porte le nom grec d'Enchiridion, le plus souvent traduit par Manuel, ausens de l'objet qu'on porte sur soi.

C'est au paragraphe VIII que l'on trouve ce texte :« Ne cherche pas à faire que ce qui arrive, arrive comme tu le désires ; veuille, au contraire, ce qui arrive comme ilarrive.

Alors tu jouiras de la paix intérieure.

»Ce qui est posé ici, c'est le rapport que l'homme est capable de tenir entre les choses telles qu'elles adviennent etson propre désir.

C'est déjà un thème que l'on trouve chez Platon, dans un passage des Lois où, dans le dialogueavec l'Athénien, cherchant ce qui est convenable pour la Cité, un certain Mégillos déclare :« Il ne faut pas demander instamment que tout obéisse à notre désir, sans que notre désir obéisse davantage ànotre raison ; ce qu'une cité et chacun de nous doivent hâter de leurs voeux, c'est d'être raisonnable » (Livre III,687 e).C'est aussi cette référence à la raison que l'on trouve, presque mot pour mot, dans un autre texte d'Épictète oùs'opposent les points de vue de l'insensé et du sage.

Le fou déclare :« L'homme libre est celui à qui tout arrive comme il le désire.

Comme lui, je veux aussi que tout m'arrive comme il meplaît.

»Ce à quoi le philosophe répond :«Eh ! mon ami, la folie et lu liberté ne se trouvent jamais ensemble.

[...] La liberté consiste à vouloir que les chosesarrivent, non comme il te plaît, mais comme elles arrivent» (Entretiens, Livre I, Chap.

12).Mais si des textes, ici ou là, dans la philosophie grecque et plus encore chez les stoïciens, se ressemblent sur cepoint, c'est parce qu'ils répondent à un principe unique.

Ce principe, on le trouve en tête du Manuel (et égalementdans le chapitre I des Entretiens), dans la distinction fameuse des choses qui dépendent de nous et des choses quine dépendent pas de nous.

Pour le philosophe, les choses qui dépendent de nous sont nos opinions, nos désirs, nosaversions, « en un mot, tout ce que nous faisons ».

Les choses qui ne dépendent pas de nous sont le corps, lesrichesses, la réputation, les honneurs, « en un mot toutes les choses qui ne sont pas du nombre de nos actions ».Une telle alternative sert de crible parfaitement efficace pour éprouver la valeur de ce qui advient.

Les choses quiarrivent de l'extérieur dépendent-elles de nous ? Certainement pas.

Dès lors, nous devons les considérer commehors de notre pouvoir.

Car les choses qui ne dépendent pas de nous échappent à notre volonté libre.

L'homme quis'attacherait à ces choses deviendrait faible, esclave, dépendant, insensé.

Plus encore, il nous faut admettre queles choses extérieures, puisqu'elles ne dépendent pas de nous, ne sont rien.

Ce que nous croyons apprécier, ce nesont pas les choses, mais seulement l'opinion que nous en avons.

Et c'est là l'origine de nos troubles, de nossouffrances, de nos malheurs.

Épictète l'affirme :« Ce qui trouble les hommes, ce ne sont pas les choses, mais les opinions qu'ils en ont [...] Lors donc que noussommes traversés, troublés ou tristes, n'en accusons pas d'autres que nous-mêmes, c'est-à-dire nos opinions»(Manuel, V ).Mors, mis en garde contre le trouble (taraxé), nouspourrons, comme le sage, écarter de nous les opinions vides et atteindre la véritable sagesse.

En effet, chez lesstoïciens, la vie du sage parvenu au sommet de la perfection consiste à jouir d'une constante et complète ataraxie(a — taraxé, c'est-à-dire absence de trouble).

Mais parvenir à de tels sommets, ce n'est pas, comme on le croitparfois hâtivement, se retirer du monde, ou plus simplement manifester une vague indifférence sceptique.

Certes,celui qui progresse vers la sagesse donne parfois l'image d'un homme à l'écart du monde :«Il ne blâme personne, il ne loue personne, il ne se plaint de personne, il n'accuse personne, il ne parle pas de luicomme s'il était quelque chose, ou qu'il sût quelque chose ; quand il trouve quelque obstacle ou quelqueempêchement à ce qu'il veut, il ne s'en prend qu'à lui-même» (Manuel, XLVIII).Mais l'homme en marche vers la sagesse doit, plus profondément, et plus difficilement sans doute, être « en accordavec lui-même », ce qui en réalité est la même chose qu'être en conformité avec la nature, puisque l'homme, commetout être vivant, fait partie de la nature.

Cette conformité va de soi pour l'animal.

Mais pour l'homme, lorsqu'il quitte. »

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